Edward Teller : celui qui a calculé la fin du monde
Presque tous les jours, nous prenons des risques. Monter dans un avion, une voiture, changer une ampoule en montant sur une chaise pourrie ou manger des noix de cajou.
En revanche, nous prenons peu de risque qui menace l’entièreté de l’espèce humaine. Enfin j’espère sinon, arrêter tout de suite !
Dans cette vidéo, nous allons voir le cas où un petit groupe de personne a mis en péril l’humanité tout entière. Le but étant de comprendre un peu plus l’époque dans laquelle nous nous trouvons. Encore un truc qui vous aidera à dormir la nuit.
Commençons par quelque chose qui pourrait être considéré comme un très grand risque, mais c’est sujet à débat. Et ça concerne une des questions qui brule les lèvres de tous ceux qui lève la tête, tard les soirs sous une nuit étoilée…. En mangeant des noix de cajou.
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Sommes-nous seuls dans l’univers ?
Le 4 octobre 2022, le METI(Messaging Extraterrestrial Intelligence) prévoit d’envoyer une série de messages radio à destination de l’une des exoplanètes potentiellement habitables du système Trappis-1, à 40 années-lumière du Soleil. En espérant bien sûr qu’une éventuelle civilisation technologiquement avancée soit au bout du fil. Et ce n’est pas la première fois qu’ils se lancent dans cet exercice.
Certains pensent que c’est un acte d’une extrême négligence puisque nous n’avons aucune idée des intentions de civilisation extra-terrestre. D’autant plus que le choc technologique pourrait être aussi dévastateur pour nous que les natifs des Amériques face aux Européens au 15e siècle.
C’est un risque non négligeable, pris par une poignée de personne, mais ayant des répercussions pouvant toucher absolument tout le monde, sur des échelles intergénérationnelles. Car si les extraterrestres se pointent, ce sera certainement dans plusieurs siècles. Apparemment, 98 % des chercheurs de l’institut SETI pensent que le METI est potentiellement dangereux et Stephen Hawking a fait part de ses inquiétudes sur le sujet à plusieurs reprises.
Mais la question est de savoir à quel point c’est un risque par rapport au statu quo. Cela fait plus d’un siècle que nos télécommunications quittent la Terre sous forme d’onde radio et se propage à la vitesse de la lumière. Donc en principe, toutes civilisations extraterrestres dans un rayon de 100 années-lumière pourraient déjà savoir que la Terre est habitée par des créatures technologiques.
Cela n’empêche que de ne pas pouvoir dissimuler notre présence n’implique pas de crier au loup et d’envoyer notre adresse postale dans ce qui pourrait très bien être un environnement hostile. Une forêt sombre qui cache peut-être des menaces que l’on ferait mieux d’éviter… car l’une des hypothèses du paradoxe de Fermi est que toutes les civilisations technologiques se cachent et dissimulent leur existence. La raison ? Un superprédateur détruit toutes les civilisations qui atteignent un certain stade de développement technologique. Afin d’éviter une compétition galactique, rien de mieux que de tuer les compétiteurs dans leurs berceaux, un peu dans le style des moissonneurs de Mass Effect.
Bon, est-ce que c’est une hypothèse probable ? Pas vraiment. En tout cas, nous n’avons aucune raison tangible de penser que c’est le cas. Mais vu le stade précoce de nos connaissances sur l’univers, la prudence reste de mise.
Toutefois, ce n’est pas le plus grand risque jamais pris par l’humanité.
La destruction de la vie sur Terre
Lorsque l’on soumet l’environnement à un phénomène que la Terre n’a jamais connu dans son histoire, qu’est-ce qui peut mal tourner ?
Cette question, les scientifiques du projet Manhattan ont dû se la poser lorsqu’ils ont fait exploser la première bombe atomique de l’Histoire lors du test Trinité en juillet 1945.
Le physicien Edward Teller nota qu’une explosion atomique créerait une température supérieure à celle du centre du Soleil. Étant donné que de telles conditions entrainent les atomes d’hydrogène à fusionner en hélium, il se demanda donc si cela pourrait enflammer l’hydrogène dans l’eau, déclenchant une réaction en chaine qui détruirait tous les océans. Ainsi qu’une réaction similaire vis-à-vis de l’azote, qui constitue les sept dixièmes de l’atmosphère. Cela détruirait non seulement l’humanité, mais peut-être toute vie complexe sur Terre en quelques fractions de seconde. La Terre se transformerait littéralement en boule de feu.
Edward Teller en informa le scientifique en charge du projet Manhattan, Robert Oppenheimer. Ce dernier prit le risque au sérieux et commissionna des analyses supplémentaires. Le supérieur d’Oppenheimer, Arthur Campton, déclara qu’il vaut mieux accepter l’esclavage des nazis que courir la chance de tirer le dernier rideau sur l’humanité !”
Un des physiciens les plus brillants, Enrico Fermi, tout en sachant que leurs calculs indiquaient que cela était extrêmement improbable, il y avait une possibilité bien réelle qu’ils aient négligé une interaction majeure ou un effet quelconque. Avec Edward Teller, il vérifia encore et encore les calculs jusqu’au jour même du test Trinité. Il parait même qu’il collecta des paris si oui ou non l’atmosphère allait s’embraser.
Spoiler alert. La terre ne se transforma pas en boule de feu.
Alors oui, bien sûr, depuis nous avons une meilleure compréhension de la fusion nucléaire et des ordinateurs facilitant les calculs qui confirment que c’est impossible. Il se trouve que ce n’est pas seulement les températures élevées qui produisent la fusion dans le cœur du soleil, mais l’intense pression gravitationnelle.
Les concepteurs de la bombe ne savaient pas si c’était physiquement possible ou non, donc à l’époque, le risque n’était peut-être pas réel, mais il était épistémique. Il relevait d’une connaissance que nous n’avions pas, et qui aurait pu avoir pour conséquence la fin de la vie sur Terre.
Pour la petite anecdote, le physicien allemand Werner Heisenberg, responsable du programme atomique nazi, a, lui aussi, réalisé la possibilité d’une catastrophe planétaire en cas d’explosion d’une bombe atomique. Il en informa Adolphe Hitler qui déclara n’avoir aucune intention de voir la Terre détruite durant son règne. C’est une des raisons pour laquelle le régime nazi a plus ou moins abandonné la conception d’une bombe à fission nucléaire.
Même Hitler et les nazis n’étaient pas prêts à prendre ce risque si on en croit cette anecdote. En juillet 1945, les Allemands avaient capitulé et les Japonais étaient à bout de souffle. Des discussions pour négocier une reddition commençaient à se répandre dans les plus hautes sphères du gouvernement japonais. Et leur défaite était certaine à ce moment-là par un blocus, avec ou sans invasion. Donc, la raison d’accepter un risque de ne serait-ce qu’une chance sur un million d’annihiler toute vie sur Terre, était difficilement justifiable.
Alors on pourrait se dire que finalement, les calculs des physiciens du projet Manhattan étaient corrects, donc pas besoin d’en faire tout un tralala. Sauf que parfois, ces physiciens font des erreurs.
En 1954, les États-Unis testent la première bombe thermonucléaire, c’est-à-dire à fusion, aux alentours des iles Marshal, sous le nom d’opération Castle Bravo. Selon les calculs des physiciens, le mélange deutérium-lithium était censé produire une explosion de 6 mégatonnes. Une zone de danger fut établie en accord avec ces calculs et boom, explosion de 15 mégatonnes. Bien plus qu’anticipé. Les physiciens du Los Alamos National Laboratory pensaient que l’isotope lithium-7 ne réagirait pas avec le reste du carburant composé de Deutérium et isotope lithium-6. Ils ont eu tort.
C’était exactement le genre d’erreur que Fermi avait redouté à peine neuf ans plus tôt lors du Test Trinité.
Cela a entraîné des retombées radioactives non seulement sur de nombreuses Îles alentour, mais aussi sur l’équipage du Lucky Dragon, un bateau de pêche japonais qui se trouvaient en dehors de la zone de danger initiale. Étant donné l’ampleur de l’explosion, ils se sont retrouvés empoisonnés et l’un d’eux décéda plusieurs mois plus tard. Et cela a bien sûr contribué au mouvement anti-essais nucléaires.
C’est aussi à ce moment-là qu’un reptile contaminé se transforma en un lézard géant, ravageant les rues de Tokyo. C’est en tout cas ce que j’ai vu en regardant un documentaire appelé Godzilla !
Bref, les physiciens de Los Alamos ont fait une erreur sur un des calculs de 1954, et pas sur celui de 1945. Si ça avait été l’inverse, il n’y aurait peut-être plus de vie sur Terre.
Je trouve ça incroyable qu’à un moment donné, des scientifiques et militaires se sont assis autour d’une table, et ont dû peser le pour et le contre d’une action qui, selon les connaissances de l’époque, aurait pu rendre la Terre inhabitable. Ils semblent avoir assumé l’entière responsabilité de toute vie sur Terre.
Alors on peut quand même reconnaitre qu’ils ne se sont pas précipités avec négligence. Les calculs et rapports ont été examinés par certains des meilleurs physiciens du monde. Mais le fait d’être en guerre signifie que les résultats n’ont jamais été soumis à la revue par des pairs externes, d’une manière que nous considérons comme essentielle pour garantir une science de haute qualité et minimiser les biais.
Cette date du test trinité est considérée par beaucoup comme le début de l’ère des risques existentiels anthropogénique. Pour la première fois, nos technologies ont le pouvoir de détruire notre espèce, voir toute vie sur Terre. Et cela demande un niveau de responsabilité bien supérieur, que nous n’avons certainement pas acquis.
Quel risque sommes-nous prêts à prendre aujourd’hui ?
Des laboratoires de très haute sécurité étudient et modifient génétiquement des virus. Certains ont été éradiqués, comme la variole, où les seuls échantillons existants sont dans ces laboratoires. Pourquoi les garder ? Tant qu’il en reste, les chances de voir cette horrible maladie refaire surface ne sont pas nulles. Ça me parait défier toute logique. D’ailleurs, pour appuyer mon argument, la dernière personne dans l’histoire à décéder de la variole fut Janet Parker, une Anglaise qui succomba après avoir été infectée suite à une fuite d’un laboratoire à Birmingham. Le directeur du laboratoire se trancha la gorge dans son jardin, surement rongé par la culpabilité.
D’autres chercheurs font muter des bactéries et virus pour les rendre les plus virulents et mortels possibles ! Mais quelle excellente idée ! Est-ce qu’ils travaillent pour un super vilain de James Bond. On pourrait le croire, mais ces recherches, appelées “gain and function”, visent à révéler des informations pour mieux prédire les maladies infectieuses émergentes et développer des vaccins et des traitements en avance.
Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? J’ai tendance à penser que non. Même s’il peut y avoir des bénéfices, les humains font des erreurs. Des cas de fuite ont déjà eu lieu comme je l’ai mentionné avec le cas de Birmingham, mais aussi avec de l’anthrax en Russie en 1979. Depuis la première épidémie de SARS en 2003, il y a eu pas moins de six fuites de laboratoire du même virus. Et bien sûr, on ne peut pas écarter le même scénario pour Covid-19 avec le laboratoire de la province de Wuhan.
Peu importe le niveau de sécurité d’un établissement, le risque 0 ne peut pas exister. La seule façon serait d’interdire ce genre de recherche.
Sans oublier que ces laboratoires pourraient être des cibles d’attaques terroristes. Le simple fait de posséder des échantillons d’agents pathogènes pires que tout ce qui peut exister dans la nature est terrifiant. Il y a peut-être une façon de voir les choses qui m’échappent, mais si on veut vivre dans un monde moins vulnérable, on doit arrêter de prendre ce genre de risque.
Je pourrais continuer avec l’intelligence artificielle. C’est bien plus compliqué à établir les risques, mais on peut conclure une chose : il sera plus facile de créer une IA générale ou super IA sans les sécurités nécessaires plutôt qu’en prenant le temps de les établir en amont. Que ce soit pour des motivations économiques ou de supériorité géopolitique. Une mentalité de course à l’armement entraine inévitablement des raccourcis. Seulement, on est dans un cas de figure où une fois qu’une entité plus intelligente que l’ensemble de l’humanité existe, il sera trop tard pour la contrôler et l’aligné sur nos valeurs.
Donc tout pour ça dire qu’il semblerait que les cas où un petit groupe de personne risque littéralement la fin du monde va augmenter au fil du temps. J’aimerais pouvoir conclure cette vidéo avec une note d’optimisme. Le mieux que je puisse faire c’est de mettre en avant le fait qu’il existe un nombre grandissant d’instituts de recherche et financement destiner à prévenir et trouver des solutions pour réduire les risques de catastrophe existentielle.
Espérons simplement que nous atteindrons un stade de sécurité existentielle avant qu’il ne soit trop tard.
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