Le risque d’une 3ème guerre mondiale : 18% voir 45% ?

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Aujourd’hui, nous allons aborder un sujet crucial pour l’avenir de l’humanité : les conflits entre grandes puissances et leur probabilité d’engendrer un risque existentiel.

Par “risque existentiel”, nous entendons un événement qui pourrait provoquer l’extinction de l’humanité ou précipiter un effondrement civilisationnel durable. Et lorsque nous parlons de “grandes puissances”, il s’agit de pays ayant une influence mondiale et la puissance militaire pour défendre leurs intérêts, comme les États-Unis, la Chine, l’Inde et la Russie. Nous pouvons aussi inclure un bloc régional comme l’Union européenne, bien qu’elle ne possède pas de force armée attitrée, mais se tourne vers l’OTAN pour sa défense stratégique.

Historiquement, les grandes puissances ont plus de risque d’entrer en conflit entre elles. Et quand elles le font, elles peuvent déchaîner des forces destructrices monumentales. Même en l’absence de conflit direct, la compétition dans des domaines comme l’innovation technologique ou la constitution d’alliances peut affecter les risques globaux.

Cette vidéo est basée sur une série d’articles et rapports, notamment celui du chercheur indépendant Stephen Clare sur le site 80 000 hours et le EA forum. Merci à lui pour son autorisation.

Pourquoi la guerre entre superpuissances ?

Les conflits armés à travers l’histoire étaient souvent façonnés par un ensemble complexe de facteurs, comme l’illustrent les cinq explications rationnelles pour la guerre proposées par l’économiste Chris Blattman :

    • Premièrement, les dirigeants qui décident de la guerre peuvent en tirer un gain personnel, tandis que les citoyens et les soldats en supportent les coûts, souvent sans pouvoir tenir ces dirigeants responsables.
    • Deuxièmement, la guerre peut répondre à des motivations intangibles telles que la vengeance, l’honneur, la gloire ou le statut, aidant à contrebalancer ses coûts.
    • Troisièmement, l’incertitude est un facteur clé, car les États peuvent tenter de dissimuler leur force ou de bluffer pour obtenir des concessions, conduisant parfois leurs rivaux à relever le défi et à engager le combat.
    • Quatrièmement, si un État gagne en puissance plus rapidement que son rival, il peut être difficile de trouver une solution de compromis acceptable à long terme. C’est le piège de Thucydide qui suggère qu’une guerre peut éclater lorsqu’une puissance montante menace de déloger une puissance établie, comme l’a analysé l’historien Thucydide lors de la guerre du Péloponnèse entre Athènes et Sparte.
    • Enfin, les perceptions erronées des dirigeants sur la force, les croyances ou la détermination de leurs rivaux peuvent mener à des négociations intenables, poussant l’État rival à opter pour la guerre face à des termes qui semblent inéquitables.
      Le niveau de tension actuel

Dans le jeu vidéo de stratégie Heart of Iron IV, la partie démarre en 1936 avec un “baromètre de tension” qui évalue le climat géopolitique plutôt que la météo. Lorsqu’il est au plus haut, la Seconde Guerre mondiale éclate.

En transposant cette métaphore, le niveau de ce baromètre est faible quand les grandes puissances coopèrent pacifiquement. Par exemple, après les guerres napoléoniennes, le Congrès de Vienne du XIXe siècle a instauré un ordre européen apaisé. Les années suivant la chute de l’URSS semblent également être une période de calme relatif, où le baromètre de tension était assez bas.

Mais le baromètre risque-t-il de s’affoler à nouveau dans les décennies à venir ? Les signaux sont alarmants. Depuis peu, les tensions géopolitiques ressurgissent. Quelques illustrations parmi les plus frappantes :

  • La relation sino-américaine se dégrade, avec une rhétorique agressive et un protectionnisme visant à découpler les économies. La question de Taïwan cristallise les tensions, rappelant le “piège de Thucydide” d’une guerre causée par le déclin relatif d’une puissance face à une montée en puissance rivale.
  • L’invasion russe en Ukraine a déjà tué des centaines de milliers de personnes. Elle accroît les risques nucléaires et plonge les rapports russo-américains au plus bas depuis la Guerre froide.
  • Des escarmouches opposent régulièrement les armées chinoise et indienne le long de leur frontière disputée. L’Inde a aussi des litiges avec le Pakistan, une autre puissance atomique.
  • Le Moyen-Orient reste une poudrière, avec des conflits cycliques attisés par des antagonismes religieux et intégristes.

Ces tensions exacerbées menacent l’humanité pour plusieurs raisons. D’abord, elles pourraient rendre les avancées technologiques plus périlleuses. Des percées majeures en IA, robotique ou biotechnologies sont probables dans les prochaines décennies. Or des relations conflictuelles risquent d’inciter les États à brûler les étapes au détriment de la sécurité.

Ensuite, l’état des relations entre grandes puissances influera sur leur volonté de coopérer face aux défis communs. Ainsi, en 2022, la Chine a suspendu les discussions climatiques avec les États-Unis après des tensions autour de Taïwan. La même année, la délégation russe aurait freiné le renforcement de la Convention sur les armes biologiques suite à l’invasion de l’Ukraine, tout comme pour les traités de contrôle des armes nucléaires.

Par ailleurs, les tensions internationales peuvent exacerber d’autres menaces. En stimulant une course aux armements, elles favorisent le développement effréné de technologies militaires périlleuses : IA, armes de destruction massive, etc.

Durant la Guerre froide, bien qu’évitant l’affrontement direct, Américains et Soviétiques entretenaient un climat de tension propice aux dérapages :

  • La course aux armements nucléaires, faisant passer de 300 ogives en 1950 à plus de 64 000 en 1986.
  • Malgré la Convention sur les armes biologiques de 1972, la quête d’avantages militaires poussa les Soviétiques à poursuivre activement leur programme.
  • Accidents et fausses alertes étaient monnaie courante. Les dirigeants, en pleine psychose, risquaient d’interpréter le moindre incident comme une attaque délibérée. À maintes reprises, le déclenchement d’une guerre nucléaire sembla reposer sur des décisions individuelles prises dans l’urgence.

Bref, si la situation continue de se détériorer, un conflit direct entre grandes puissances provoquerait une catastrophe sans précédent.

La probabilité d’une troisième guerre mondiale

Dans ma jeunesse, je croyais naïvement les guerres mondiales révolues. Mais en étudiant l’histoire, j’ai réalisé que les risques de conflits majeurs ont peut-être moins changé qu’il n’y paraît depuis 1945.

Deux hypothèses s’affrontent :

  • Celle d’un “risque constant“, selon laquelle la fréquence des guerres n’a pas varié dans l’histoire.
  • Celle d’une “paix durable“, affirmant que ce risque a diminué après la Seconde Guerre mondiale.

L’hypothèse d’un risque constant s’appuie sur plusieurs arguments :

  • Premièrement, statistiquement, les derniers siècles ont connu environ deux guerres majeures par siècle. Si ce rythme se maintient, un modèle binomial permet d’estimer la probabilité d’observer un certain nombre de conflits sur une période donnée. Calculée annuellement, la probabilité de n’observer aucune guerre majeure de 1945 à 2022 n’est que de 21%. Certes chanceux, ces 77 ans de paix ne contredisent donc pas un risque constant. Selon cette logique, chaque année écoulée diminue les chances que cette paix perdure, et accroît le risque d’un nouvel embrasement. Cette hypothèse prédit au moins une guerre entre superpuissances d’ici à 2100.
  • Deuxièmement, pourquoi la Bourgogne et l’Alsace ne se font plus la guerre ? Car la France est devenue l’entité politique primordiale. De même, l’Allemagne et la France ne se sont pas combattues depuis longtemps, preuve du rôle pacificateur d’une gouvernance transnationale comme l’UE. Vu que les conflits majeurs opposent des nations défendant leurs intérêts nationaux, on peut conclure qu’en l’absence d’institutions internationales fortes pour arbitrer les différends, le risque d’un conflit entre grande puissance est constant.

L’hypothèse d’une paix durable s’appuie aussi sur des arguments solides :

  • La dissuasion nucléaire a considérablement augmenté le coût d’un affrontement direct entre puissances atomiques.
  • L’interdépendance économique et la mondialisation rendent la guerre plus coûteuse économiquement.
  • La démocratisation et le développement d’institutions internationales favorisent le règlement pacifique des différends. Les démocraties ne se font presque jamais la guerre, peut-être parce qu’elles sont plus interconnectées et que leurs dirigeants subissent de fortes pressions publiques pour résoudre pacifiquement leurs problèmes. La proportion de pays démocratiques est passée de moins de 10% en 1945 à environ 50% aujourd’hui.
  • Qualitativement, cette période semble marquer un changement dans les mentalités. Tout comme les exécutions publiques sont passés de mode, beaucoup de gens sont horrifiés par la guerre. Ce qui n’était pas le cas à certaines époques où la guerre était perçue comme honorable, patriotique et glorieuse.

Les deux hypothèses sont crédibles. On peut donc couper la poire en deux, mais j’accorde personnellement plus de crédit à la paix durable, bien que le risque constant ne puisse être écarté. Une façon de déterminer le degré de crédibilité à attribuer à chacune des hypothèses consiste à utiliser une logique bayésienne, c’est-à-dire à mettre à jour nos probabilités. Plus nous restons sans guerre entre grandes puissances, moins il semble probable qu’il existe un risque constant d’éclatement d’une guerre, et plus nous devrions accorder de crédit à l’hypothèse d’une paix durable.

Une estimation prudente est donc une probabilité de 45 % qu’un conflit majeur entre grandes puissances se produise d’ici à 2100.

Mais si un conflit survenait, il pourrait être dévastateur.

La Troisième Guerre mondiale : Un risque existentiel ?

L’humanité a développé un potentiel de destruction colossal, les morts suivant une loi de puissance : les conflits aux bilans modestes sont légion, ceux aux bilans astronomiques rarissimes. Mais une troisième guerre mondiale pourrait-elle véritablement causer, directement ou non, l’extinction de l’humanité ?

La Première Guerre mondiale fit 20 millions de victimes, la Seconde entre 70 et 85 millions. Depuis, la population et l’économie mondiales ont augmenté, les armes nucléaires proliféré et les technologies militaires progressé. Autrement dit, une troisième guerre mondiale pourrait s’avérer encore plus meurtrière, à l’image du bond macabre entre les deux guerres précédentes.

Pour anéantir l’humanité, une troisième guerre mondiale devrait être environ 95 fois plus dévastatrice que la seconde. Bien sûr, les armes nucléaires, dont plus de 10 000 existent encore, représentent le danger le plus évident et des armes encore plus destructrices pourraient être inventées dans le futur. Surtout, les famines sont amenées à causer une grande proportion des morts en raison principalement de l’hiver nucléaire. On a déjà plongé en détail sur ce sujet dans cette vidéo.
Acculé, un camp pourrait aussi déchaîner une pandémie conçue en laboratoire ou ôter les verrous de sécurité d’armes autonomes, les rendant impitoyablement meurtrières. Néanmoins, éradiquer huit milliards d’êtres humains constitue un défi colossal.

L’humanité pourrait donc survivre au conflit initial, mais affaiblie et donc vulnérable à d’autres catastrophes. La civilisation pourrait ne jamais s’en remettre, entraînant un risque d’extinction extrêmement élevé sur des décennies.

Selon le politologue Bear Braumoeller, des conflits armés faisant au moins 1000 morts surviennent toujours au rythme historique d’un tous les deux ans. Si cette tendance perdure et que la distribution des victimes suit une loi de puissance, la probabilité d’une guerre deux fois plus meurtrière que la Seconde Guerre mondiale d’ici à 2100 est d’environ 18%. Celle d’une guerre menant à l’extinction : 1,2%.

Les tensions géopolitiques représentent donc un facteur de risque existentiel, au moins indirectement. Abaisser le niveau des tensions réduirait l’ampleur des risques auquel l’humanité fait face mais ce n’est pas évident de savoir où commencer. Vous pouvez essayer de devenir le prochain président de la république ou chef de l’UE, mais ce n’est pas à la portée de tout le monde. Il existe toutefois des sous-problèmes plus négligés et abordables sur lesquels se concentrer pour avoir un impact.

Par exemple, combiner une expertise en politique étrangère, allier compréhension des relations internationales et maîtrise des risques liés à l’IA ou aux armes de destruction massive. Certains domaines prioritaires sont l’analyse des relations bilatérales à haut risque, la gestion de crise pour prévenir l’escalade, l’évaluation des effets des grandes décisions diplomatiques et le contrôle des technologies émergentes. L’idée est d’acquérir une expertise pointue sur des questions clés afin d’éclairer et d’améliorer les politiques au sein du gouvernement, dans des think tanks ou universités.

Il est également important de mentionner le rôle des réseaux sociaux, en particulier les algorithmes de recommandation qui peuvent propager des positions extrêmes, diminuer le vivre-ensemble, et inciter à la haine et à la désinformation. Tout cela crée un paysage politique marqué par la méfiance et nourrit une compétition malsaine entre citoyens, ethnies et nationalités, ce qui peut affaiblir les démocraties. Étant donné que ces dernières jouent un rôle important dans la résolution pacifique des conflits, un affaiblissement global des démocraties pourrait mener à davantage de conflits violents et potentiellement augmenter le risque de guerre entre superpuissances. Les autocraties, conscientes de ce phénomène, n’hésitent pas à répandre des “mèmes” négatifs, telles des virus pour l’esprit, au sein des populations démocratiques à l’aide de fermes de bots.

Ainsi, il est crucial, à l’échelle individuelle, de cultiver une bonne hygiène numérique sur les réseaux sociaux. La plateforme française Tournesol est un projet libre et open source qui propose un outil de décision collaboratif. Son principal objectif est d’identifier, de manière collaborative, les vidéos d’utilité publique de haute qualité, en s’appuyant sur le jugement des contributeurs. Ceci afin de rendre les algorithmes d’aujourd’hui et de demain robustement bénéfiques à grande échelle, pour toute l’humanité

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