Fin de l’humanité : les futures générations doivent-elles s’inquiéter ?
“Est-ce que la souffrance d’un enfant dans 100 ans est égale à la souffrance d’un enfant aujourd’hui ?”. C’est une question qu’on ne se pose pas souvent. Et si on laisse parler nos intuitions, on peut se dire qu’un enfant vivant aujourd’hui a plus de valeur qu’un enfant qui n’existe pas encore. Mais nos intuitions sont souvent un très mauvais indicateur. Par exemple selon notre intuition, ce qu’il se passera dans 10 000 ou dans 11 000 ans, c’est à peu près pareil. Mais quand on s’arrête pour y réfléchir 2 secondes, c’est comme dire que ce qu’il se passera l’année prochaine et dans 1000 ans c’est pareil. Nos intuitions entrent souvent en collision avec la pensée rationnelle.
Au sommaire
Penser aux futures générations
Il est parfois difficile de prendre conscience que nos actions pourraient avoir des effets irrévocables dans un avenir très lointain. Aussi bien sur le plan individuel que sociétale. Mais on a au moins un exemple récent: L’environnementalisme. On a pris conscience depuis au moins les années 70 que la dégradation d’un écosystème ou du climat va impacter les futures générations. On peut aussi ajouter la menace d’un conflit nucléaire où les décisions d’un petit groupe de personne pendant quelques minutes pourraient fondamentalement altérer le futur de l’espèce humaine. Tout cela fait partie plus généralement du concept de risque existentiel.
J’ai déjà rencontré des gens pour qui l’extinction de l’humanité ne leur fait ni chaud ni froid. Tant que ça arrive après leur mort et celle de leur proche. Et je me suis rendu compte que ce n’est pas forcément naturel de se soucier des futures générations. On peut très bien passer sa vie en ayant un amour inconditionnel pour ses enfants et petits enfants, et de plus en plus pour ses arrières petits enfant. Par contre c’est rare de croiser quelqu’un qui s’inquiète de la qualité de vie de ses descendants qui vivront en l’an 3150. Ce désintérêt pour les futures générations peut s’expliquer en partie par des raisons évolutionnaires. Du point de vue de la sélection naturelle, tant que sa progéniture survit, c’est le principal. Donc on est câblé pour prendre soin de nos descendants directs. Ça fait partie du programme génétique. Afin d’inclure les lointaines générations d’humain dans son cercle de compassion, il faut se forcer. Et pour ça, rien de mieux que l’outil le plus efficace pour dépasser les bagages cognitifs issus de l’évolution : La raison et la rationalité.
L’altruisme efficace
C’est le coeur du mouvement altruisme efficace finalement qui possède 3 groupes de réflexion. Le 1er s’intéresse à la réduction de la pauvreté mondiale en attaquant les biais cognitifs de proximité ou spatiaux. C’est-à-dire un désintérêt pour le bien-être de ceux qui se trouvent loin de nous. Le 2e s’intéresse à la réduction de la souffrance animale en attaquant les biais cognitifs liés au spécisme, c’est-à-dire un désintérêt pour le bien-être des autres espèces. Et le 3e groupe s’intéresse au biais cognitif lié à la distance temporelle, c’est-à-dire un désintérêt pour les futures générations, connu également sous le nom de long termisme. Pas sur que ce soit très français, mais c’est la traduction la plus directe que j’ai trouvée.
Si on imagine qu’une catastrophe existentielle se produira avec pour résultat l’extinction de l’humanité, ou des survivants vivant dans des conditions d’extrêmes souffrances. Nous avons la possibilité d’agir aujourd’hui afin de réduire la probabilité de ce futur, mais cela se traduira par des sacrifices.
Quels sont les arguments pour nous motiver à accepter ses sacrifices?
Autrement dit, le coeur de la question de cet article c’est : quels sont les arguments rationnels qui peuvent nous convaincre de nous soucier des futures générations (sur le plan individuel et collectif ?)
L’importance des futures générations
Le premier argument qui peut être avancé c’est que ce sera subjectivement terrible pour les humains qui sont confrontés à la catastrophe existentielle ou qui vivent dans un futur indésirable. C’est finalement un argument qui se base sur l’empathie et notre capacité à nous mettre dans la peau des autres. Par exemple, on n’aimerait pas assister à un conflit nucléaire ou à ses répercussions. Cela voudrait dire la fin de tout ce qui nous importe, la probable mort de nos proches, une terrible souffrance physique et psychologique. C’est un argument qui fonctionne, mais qui a ses limites. Même si la plupart des humains sont capables d’empathie, nous ne passons pas beaucoup de minutes par jour à contempler la souffrance des personnes vivant en extrême pauvreté par exemple. C’est une sorte d’échec éthique lié à la distance spatiale. Et nous avons le même problème avec la distance temporelle.
Un autre argument qui est purement numérique. Le fait que le futur pourrait contenir un très très grand nombre d’êtres humains. Il y a même certains calculs qui ont été faits basé sur une colonisation galactique, etc., qui résulte en 1030 humains ou un nombre ridicule de ce genre. Ne me demandez pas comment on peut arriver à ce genre de calcul, ce n’est pas vraiment le sujet du jour. Mais retenez juste qu’environ 110 milliards d’êtres humains ont vécu sur Terre depuis le début de notre espèce, c’est-à-dire entre 50 000 et 100 000 ans. Donc si notre espèce continue son chemin pendant encore, disons un million d’années, cela fait beaucoup d’individus qui connaîtront toute la richesse de l’expérience humaine : Amour, joie, rêve, aspiration, souffrance, douleur, bonheur, plaisir, bonté, etc. D’autant plus que vivre dans le futur pourrait qualitativement être bien plus profond. Le philosophe britannique David Pearce résume cette idée de façon très belle je trouve: “Un jour, nous pourrions avoir des pensées aussi belles que des couchers de soleil.”
On peut rattacher cet argument à l’idée que si on existe aujourd’hui, c’est en partie, car nos ancêtres ont évité l’extinction, par exemple certaines décisions ont été prises durant la crise des missiles à Cuba en 1962 qui ont diminué la probabilité d’un conflit nucléaire. Vu que je suis content d’exister, je peux naturellement envisager que les futures générations seront contentes d’exister et nous remercieront d’avoir pris les bonnes décisions à notre époque.
Un argument qui est dans la même lignée c’est que le potentiel de l’être humain est probablement loin d’avoir été atteint. Les lois de la physique permettent d’envisager des choses incroyables. Le futur pourrait être extrêmement bénéfique pour des centaines de milliards d’individus si on joue nos cartes correctement, par conséquent, empêcher ce potentielle de se déployer serait catastrophique. C’est similaire à la réaction émotionnelle que l’on éprouve lorsqu’on apprend la mort d’un enfant. Il y a quelque chose qui paraît extrêmement injuste de voir une vie couper court, car on sait qu’il existe un potentiel d’épanouissement.
Le quatrième argument est beaucoup plus déontologique, c’est-à-dire sur un principe d’obligation morale. L’humanité est arrivée où nous sommes grâce à un partenariat entre générations. Si nous ne pouvions pas diffuser nos idées et nos innovations à la prochaine génération, quel serait notre niveau technologique? Même une pelle en fer serait à jamais hors de notre portée. Ce n’est qu’en transmettant ces innovations et en les améliorant de manière itérative au fil du temps que nous avons construit le monde autour de nous.
Toute la richesse, la prospérité, la culture, l’art, et le savoir technologique et scientifique que nous possédons a été transmis par nos ancêtres, et c’est notre devoir de passer ce vaste héritage aux futures générations. On peut le considérer comme une sorte d’obligation réciproque envers nos ancêtres. Vu qu’on ne peut pas remercier les gens du passé, car il n’existe plus, le moins que l’on puisse faire c’est de passer le relais. Si nous échouons, nous serons la première des 10 000 générations à ne pas transmettre le bâton à nos héritiers. Autant dire que nous serons la pire de toutes ces générations.
Et enfin le dernier argument est basé sur une signification cosmique de l’humanité. Peut-être que la Terre est le seul endroit où il y a de la vie dans l’univers ou moins extrême, nous sommes le seul endroit où il y a une vie consciente intelligente. Si c’est le cas, cet endroit est exceptionnellement important et cette chose que nous avons, ce cerveau, cet esprit pourrait être très rare. Si nous disparaissons, ce serait une catastrophe astronomique et on devrait tout faire pour minimiser les risques d’extinctions et valoriser les futures générations.
Nous sommes la clé du futur
Au final, nous sommes les seuls à pouvoir faire des choix moraux. Donc, en termes de valeur instrumentale, l’humanité est la clé du futur, car ce que nous faisons pourrait affecter, pour le meilleur ou pour le pire, la valeur intrinsèque de toutes les autres espèces. La vie va disparaître dans environ un milliard d’années lorsque la Terre deviendra inhabitable. Seuls l’humanité ou ce qui résultera de notre évolution ou création, peut réellement préserver la vie terrienne.
Donc pour résumer, il y a un argument basé sur l’empathie envers nos futures générations qui pourraient vivre des risques existentiels, car nous ne les avons pas suffisamment réduit durant notre époque.
Il y a cet argument déontologique sur les devoirs transgénérationnels de continuer à propager l’espèce, les projets et la valeur que les générations précédentes ont cultivé. Nous héritons de la culture, de l’art, de la science et de la technologie, il y a donc des obligations de poursuivre cette collaboration multigénérationnelle.
Ensuite, il y a un argument sur le potentiel de l’humanité sur un lointain futur et qu’il pourrait y avoir un très grand nombre d’êtres humains réalisant des choses incroyables.
Il y a cet argument basé sur notre signification cosmique qui dit que la conscience peut être extrêmement précieuse et rare, qu’il y a une grande valeur à préserver la vie sur Terre et que nous serons les seules à pouvoir le faire.
Je pense que nous vivons une sorte de goulot d’étranglement. Si nous survivons ce siècle ou le prochain, nos descendants regardons en arrière sur l’histoire de l’humanité en considérant notre époque comme aussi importante que la révolution industrielle ou même la révolution agricole. Je pense que c’est un tournant majeur pour l’humanité. Et ce que nous faisons maintenant définira l’avenir lointain.
Mais qu’est ce que vous en pensez, avez-vous d’autres arguments ? Ou alors peut être des contre arguments si vous pensez qu’on ne devrait pas se soucier des futures générations. Dites-moi tout ça dans les commentaires.
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