Comment nourrir le monde (après l’apocalypse)
Imaginez un futur où les récoltes échouent à l’échelle mondiale, où la distribution alimentaire est interrompue par une catastrophe majeure. Comment nourrir la population mondiale dans un tel scenario ?
Nous allons voir dans cet épisode que cette question a motivé un groupe d’expert à fondé une organisation qui vise justement à relever le défi de nourrir la population mondiale en cas de pénuries alimentaires et la famine généralisées.
Cette organisation se nomme ALLFED ou Alliance pour nourrir la Terre en cas de catastrophe. Pour m’aider à y voir plus clair, j’ai interviewé Noah Wescombe, qui diriger les engagements politiques stratégiques d’ALLFED à l’échelle mondiale.
Voyons donc comment nourrir le monde après le pire jour de l’humanité.
Au sommaire
La fin de l’agriculture
Depuis environ 12 000 à 10 000 ans, la majorité de l’humanité repose sur l’agriculture pour soutenir sa population, ce qui a permis une croissance incroyable. De quelques millions à plus de 8 milliards aujourd’hui. Cette explosion démographique a passé la 5ᵉ après la révolution industrielle qui a permis des rendements bien plus importants grâce aux machines, la synthèse de fertilisant et des modifications génétiques des graines et légumes. Mais ce système bien huilé est plus fragile qu’on ne le pense. Que se passerait-il s’il venait à s’arrêter, et quel genre de catastrophe pourrait le faire ?
Tout d’abord, nous avons le cas de la guerre nucléaire. Selon les simulations les plus récentes, l’explosion d’armes nucléaires provoquerait des destructions généralisées sur des grands centres urbains. Outre le risque de retombées radioactives localisées, les modèles montrent qu’un tel conflit pourrait déclencher des tempêtes de feu, poussant de la suie et de la fumée dans l’atmosphère.
Noah Wescombe : La fumée épaisse créée par ces débris pourrait bloquer les rayons du soleil, provoquant des années de refroidissement global. Les récoltes pourraient échouer, les systèmes agricoles s’effondrer et des milliards de personnes pourraient être confrontées à la famine.
J’ai exploré ce scenario appelé “Hiver nucléaire” dans cette video en interviewant Owen Brian Toon, considéré comme l’expert mondial sur le sujet.
Ce phénomène d’hiver nucléaire pourrait également être provoqué par de grandes éruptions volcaniques libérant d’énormes quantités de cendres et de gaz dans l’atmosphère. Même chose avec un impact significatif d’une météorite ou d’un astéroïde qui pourrait en plus détruire de grande région agricole par des incendies et des tsunamis.
Ensuite, on peut citer les menaces biologiques.
Noah Wescombe : La libération intentionnelle ou accidentelle d’un agent biologique, tel qu’un agent pathogène mortel, pourrait avoir un impact sur la disponibilité alimentaire à cause des mesures de confinement et les perturbations de la chaine d’approvisionnement.
Et enfin, les événements météorologiques extrêmes, tels que les ouragans, les sécheresses, les inondations et les incendies de forêt, deviennent plus fréquents et plus intenses en raison du changement climatique. Ces événements peuvent avoir un impact direct sur les rendements agricoles et la production alimentaire, entraînant des pénuries alimentaires régionales ou mondiales.
Noah Wescombe : Dans chacun de ces scénarios, ALLFED vise à rechercher et développer des stratégies pour assurer la sécurité alimentaire. L’objectif est de minimiser l’impact de ces événements extrêmes sur l’approvisionnement alimentaire mondial et de prévenir une famine et des crises humanitaires généralisées.
Les défis de la production alimentaire
Le système alimentaire mondial est confronté à de multiples défis, se divisant principalement en trois aspects : la vulnérabilité des systèmes de production, les risques liés à la chaîne d’approvisionnement, et les dépendances industrielles. Premièrement, la production alimentaire globale est fragile face à divers risques, manquant de mesures de résilience dans sa gouvernance et sa réglementation. La complexité des risques, incluant les changements climatiques et les catastrophes imprévues, exige des solutions adaptatives spécifiques.
Deuxièmement, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière les faiblesses de la chaîne d’approvisionnement alimentaire mondiale, révélant un manque de données pour surveiller et identifier les vulnérabilités.
Troisièmement, l’agriculture industrielle moderne, dépendante des apports d’énergie externe, est extrêmement vulnérable aux perturbations industrielles et commerciales internationales. Les risques incluent les tempêtes solaires, les pandémies, et les cyberattaques, susceptibles de compromettre l’infrastructure globale.
Gaëtan : Est-ce que les états nations possèdent des stocks alimentaires et faut-il pousser les gouvernements à augmenter les réserves en cas de choc sur les lignes d’approvisionnement.
Noah Wescombe : La constitution de stocks alimentaires est limitée par les règles de l’OMC, qui n’autorisent pas les réserves au niveau international, bien que les pays puissent maintenir des stocks internes. Des nations comme la Chine et l’Inde détiennent d’importantes réserves céréalières. Bien que bénéfiques après des catastrophes, ces réserves sont insuffisantes pour couvrir tous les scénarios de crise. Elles doivent donc être intégrées dans une stratégie plus large pour être efficaces.
Sur le plan individuel, il est rationnel d’opter pour une approche proactive au cas où les systèmes d’approvisionnements s’arrêtent.
Gaëtan : Est-ce que les particuliers ou les communautés peuvent prendre des mesures pour renforcer la sécurité alimentaire également ?
Noah Wescombe : Pour renforcer la sécurité alimentaire, les individus peuvent cultiver des fruits et légumes, même dans de petits espaces, et maintenir un stock de denrées non périssables. Ces actions renforcent la résilience personnelle et communautaire face aux défis d’approvisionnement alimentaire.
Stratégies d’ALLFED
Noah Wescombe : ALLFED rassemble des experts de divers domaines, notamment la science, la technologie et la politique, pour rechercher et développer des stratégies innovantes visant à garantir la sécurité alimentaire dans des scénarios extrêmes. L’organisation collabore avec des gouvernements, des ONG et d’autres parties prenantes pour mettre en œuvre des solutions pratiques et atténuer les crises humanitaires potentielles résultant des perturbations de la chaîne d’approvisionnement alimentaire mondiale.
La première solution consiste à chercher des aliments résilients qui ne dépendent pas des méthodes agricoles traditionnelles. Les recherches d’ALLFED montrent que les algues se démarquent comme une option prometteuse de par leur croissance rapide et leur valeur nutritive qui pourraient fournir des nutriments essentiels.
ALLFED explore également d’autres aliments innovants comme les protéines de feuilles et les protéines dérivées de gaz et de biomasse. La fermentation apparaît comme une technique prometteuse pour produire des matières grasses essentielles via des micro-organismes spécifiques. Les serres (qu’elles soient peu technologiques ou hautement technologiques) pourraient également garantir une certaine capacité de production si elles sont mises en œuvre à grande échelle.
Les nouvelles technologies permettent désormais de produire des aliments à partir de sources inattendues, telles que la fibre végétale, le CO₂ et même le gaz naturel ou le pétrole. Par exemple, certains organismes, comme des bactéries, microalgues et champignons, peuvent convertir des matériaux non comestibles tels que le CO₂ et l’hydrogène en protéines nutritives. Cultivés en bioréacteurs par agriculture cellulaire, ces organismes produisent des protéines riches en vitamines B. Ces méthodes indépendantes du commerce alimentaire ou de l’agriculture offrent une résilience face aux pénuries alimentaires, produisant des protéines et du sucre de haute qualité. Si les approvisionnements traditionnels échouent, des usines utilisant ces technologies pourraient combler les pénuries à long terme, avec une construction rapide de 7 à 8 mois. Investir maintenant dans ces infrastructures pourrait réduire les coûts futurs et renforcer la résilience économique et la durabilité.
Une solution rapide consiste à réallouer les aliments destinés aux animaux, comme le maïs, le soja et l’avoine, vers l’alimentation humaine. Les animaux, tels que les bovins peuvent être nourris avec des résidus agricoles non comestibles par les humains. ALLFED a développé un modèle géospatial pour évaluer cette stratégie, maximisant l’utilisation des résidus agricoles pour nourrir les populations animales locales.
Noah Wescombe : La mission d’ALLFED va au-delà du soulagement immédiat de la faim. Il s’agit de façonner une approche proactive et mondialement coordonnée pour protéger les approvisionnements alimentaires contre les menaces existentielles. En plaidant pour la sensibilisation et le soutien, l’organisation encourage les gouvernements, les organisations et les individus à prendre des mesures proactives. Le travail d’ALLFED ne concerne pas uniquement la prévention des résultats catastrophiques ; il s’agit de créer un système alimentaire mondial plus résilient et adaptable capable de résister à des événements extrêmes aux conséquences potentiellement catastrophiques à l’échelle mondiale.
ALLFED mène des recherches dans divers domaines pour assurer une alimentation résiliente en cas de catastrophe globale. Les projets incluent l’ingénierie et les sciences agricoles, la biologie et la nutrition. L’économie, le commerce et la finance ainsi que les sciences sociales, donc si vous êtes en mesure de contribuer, n’hésitez pas à consulter les annonces sur leur site. En plus des postes ouverts, ALLFED propose des programmes de bénévolat et de stage.
Noah Wescombe : Nous sommes toujours à la recherche de bénévoles talentueux, fortement motivés à contribuer à notre mission. Idéalement, des personnes ayant des antécédents en sciences agricoles, en technologie et en programmation seront utiles pour nous chez ALLFED. Plus récemment, nous avons intensifié nos efforts dans les domaines des pandémies et de la biosécurité, nous accueillerions donc favorablement l’intérêt des personnes bien informées sur ces sujets. Nous recherchons également des scientifiques sociaux, des philosophes et des historiens pour participer à nos travaux académiques explorant les dimensions sociales, psychologiques et historiques de la réponse aux catastrophes. À l’avenir, nous pourrions envisager d’étendre davantage notre travail sur les politiques, ce qui est toujours facilité par une expertise au niveau national. Nous sommes intéressés par les personnes capables de nous aider à établir des liens avec les gouvernements et l’industrie au niveau national.
Pour postuler en tant que bénévole ou stagiaire, les candidats doivent envoyer un e-mail à team@allfed.info.
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