Est-ce qu’un conflit nucléaire est inévitable au 21e siècle ?
L’horloge de l’Apocalypse nucléaire n’a jamais été aussi proche de minuit, 30 ans après la fin de la guerre froide, et la plupart des gens n’en sont même pas conscients.
Est-ce que vous seriez rassuré de savoir que dans les murs de votre résidence se trouvent plusieurs tonnes d’explosif ? Aucune personne sensée n’accepterait de vivre dans de telle condition, pourtant, à bien des égards, nous vivons tous une situation similaire à l’échelle de la planète. Nous avons comblé tous les murs de nos maisons d’explosif, et on a juste oublié.
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Le plus grand risque durant ce siècle ?
Parmi tous les dangers qui guettent l’humanité, l’éventualité de se retrouver dans un conflit nucléaire soit par accident, soit par une erreur de jugement politique est probablement le plus grand risque durant ce siècle. Et ce danger est renforcé par le fait que personne ne semble vraiment y penser.
Cela fait 3 générations que nous sommes dans une position où nous défendons l’équilibre de la civilisation en menaçant de détruire la planète. Qu’est-ce qu’il se passe dans la tête de nos leaders pour perpétuer, voir renforcer pour certains, cette danse macabre schizophrénique? Et ne sous-estimons pas nos capacités à faire des erreurs ni la menace grandissante des cyberattaques et des accidents matériels. Tout cela conspire à rendre le statu quo de moins en moins tenable. C’est comme un funambule. Est ce qu’il est raisonnable de marcher sur un fil pendant 10km, juste parce qu’on a réussi à en faire 2 sans tomber?
Ce n’est pas parce qu’on a évité un conflit nucléaire pendant 75 ans que sa probabilité va diminuer au fil des décennies. Ce n’est même pas sûr que cette technologie soufflera ses 100 bougies!
Il y a 75 ans, l’explosion de la première bombe atomique lors du test Trinity a changé l’équilibre du monde à jamais. Est-ce qu’il était nécessaire de fabriquer et lancer la bombe pour mettre fin à la guerre contre le Japon? C’est sujet à débat. Mais ce qui est clair pour tous ceux qui ont étudié les 75 années suivantes, c’est à quel point l’humanité a joué avec le feu. De manière presque suicidaire.
C’est un chapitre dans l’histoire de l’humanité qui sera sûrement perçu comme synonyme avec stupidité et inconscience morale. Le souci, c’est que ce chapitre n’est pas fini, on a juste oublié qu’on est toujours dans la même situation, chaque jour de notre vie. Ou alors on se dit que ces bombes ne sont que dissuasives et qu’elles ne seront jamais plus utilisées.
Il y a quelque chose d’incroyablement paradoxal avec une bombe nucléaire. Au final, elles ont été conçues comme arme de guerre, mais leurs conséquences les rendent inaptes à être utilisées. Malgré leur importance apocalyptique, le monde échoue a développé une réponse émotionnelle, intellectuelle et politique. Des centaines de millions de personnes reconnaissent le danger immédiat qu’elles posent pour leur survie et celle de leur proche, sans pour autant faire quoi que ce soit.
Parce que le déni est une forme de protection personnelle au vu qu’il est capable de diminuer nos peurs et notre anxiété, ça paraît d’une certaine façon logique de continuer nos vies comme si de rien n’était. En oubliant que les murs sont remplis d’explosifs. Mais ça n’enlève pas le fait que chaque année qui passe, nous courons le risque d’une escalade nucléaire. Nous continuons à lancer les dés de la chance en espérant éviter un double-six.
On est tous familiers avec les représentations d’un conflit nucléaire, que ce soit avec la série Fallout ou un film comme le livre d’Eli. Mais il y a de grandes chances pour qu’un monde post apocalyptique ne ressemble à rien pour vous. Car vous serez mort. Eh oui, désolé, mais si vous vous trouvez dans un pays ciblé par une attaque nucléaire, il y a plusieurs scénarios possibles, et très peu se termine par autre chose que votre mort. Vous pourriez être incinéré en quelques secondes si vous êtes proche du lieu d’impact. Être irradié par les retombées radioactives. Enseveli ou écrabouiller par l’onde de choc ou les débris. Brûler vifs par l’air qui s’embrase. Mourir à la suite de blessures liées à l’impact. Si vous êtes loin de la zone touchée, vous pourriez mourir de faim, car l’économie s’est effondrée et la chaîne de ravitaillement s’est arrêtée. Ou parce que les champs ne produisent plus sous les effets des radiations, du nuage de poussière bloquant la lumière du soleil et de la rupture de l’écosystème. Mourir de froid suite aux baisses de température. Être tué par une personne souhaitant ce que vous possédez. Succomber à une maladie qui aurait pu être traitée facilement lorsque les hôpitaux étaient encore fonctionnels. La liste est longue est votre journée est probablement déjà gâchée par cette vidéo donc je vous laisse imaginer la suite.
La logique de la dissuasion
Ce qui m’inquiète c’est que nous nous trouvons dans une logique de prolifération nucléaire à des fins dissuasives. Les armes nucléaires permettent à une nation de siéger à la table des grands et d’avoir son mot à dire. Les pays qui en possèdent ont tendance à ne pas se faire envahir par exemple, c’est pour ça d’ailleurs que la Corée du Nord en fait sa priorité, ou l’Iran. Le truc c’est que la dissuasion ne fonctionne que sous l’hypothèse qu’un pays va utiliser son arsenal nucléaire. Il ne suffit pas de dire “Ca y est j’ai des ogives”. Donc ces bombes sont mises en état d’alerte, entièrement fonctionnelle et prête à être lancé depuis des silos ou des sous-marins afin de prouver au monde qu’il ne faut pas déconner avec nous!
C’est cette apparente détermination d’utiliser son arsenal nucléaire sous certaines circonstances qui augmente la probabilité de tomber accidentellement dans un conflit nucléaire. En ayant des centaines d’ogives nucléaires prêtes a été lancé aux moindres éternuements, nous sommes vulnérables à un accident résultant de désinformation, d’un radar défectueux, d’une erreur technique, d’une cyber attaque ou même une crise de folie d’un seul individu qui se trouve être à la tête d’un pays possédant l’arme nucléaire.
Selon de nombreux experts comme William Perry, ancien secrétaire d’état à la défense américaine, l’accident nucléaire est plus probable qu’une guerre nucléaire provoquée par l’attaque d’un pays contre un autre. Je l’ai récemment entendu dire dans le podcast du philosophe et neuroscientifique Sam Harris, qu’il y a eu au moins 3 fausses alertes aux États-Unis et 2 en URSS. N’importe laquelle de ces fausses alertes aurait pu déboucher sur un échange nucléaire. Et juste pour citer un exemple peu connu. En 1962, en pleine crise des missiles de Cuba, un garde a remarqué quelqu’un en train d’escalader les grilles de sécurités dans une base aérienne aux États unis. Forcément en suivant la procédure requise, il s’est précipité pour sonner l’alarme. Sauf que cet idiot s’est trompé de bouton et a appuyé sur celui qui alerte la base de lancer les avions portant des bombes nucléaires. En faite, il s’agissait d’un ours en train d’escalader les grilles. Une erreur aussi simple aurait pu nous précipiter dans une guerre nucléaire! Un ours et un garde maladroit!
Le principe de dissuasion semble fonctionner, car on assume que toutes les personnes qui vont prendre la décision de lancer une attaque nucléaire sont des agents rationnels. Et on assume également qu’ils ont accès à des informations véridique et complète. Ces deux suppositions ne sont pas toujours vraies, précisément lors de situation à haute tension politique ou lorsqu’un leader menace un autre. Si jamais il y a une alerte qu’un pays a lancé une attaque préventive et que le président est réveillé de son lit à 4h du mat, emmené dans un bunker avec chaque haut gradé de la chaîne de commande lui donnant son avis et à 5 minutes pour prendre la décision de riposter ou non. Qu’est ce qu’il va faire? On ne peut pas dire que les conditions sont réunies pour prendre une décision rationnelle.
Pourquoi utiliser son arsenal ?
Et on peut vraiment se poser la question à quoi bon se servir de son arsenal nucléaire? Si on imagine le pires des scénarios. Disons la Russie lance une attaque totale sur les États unis. 1500 missiles atomiques sont en route vers les États Unis. Okay pas cool. Mais quelle est la logique pour l’état major américain de riposter? Pourquoi envoyer à leur tour leurs 1500 missiles et accepter volontairement de tuer des centaines de millions de civiles et condamner encore plus la planète et l’espèce humaine. Il n’y a aucun avantage. Rien n’a gagné. Ils vont devoir sérieusement réfléchir à cette question et à part juste se dire “si on meurt, les autres aussi”, je ne vois aucun argument rationnel. Autrement dit on est dans une logique complètement irrationnelle et puérile d’enfant qui se tire les cheveux. Je n’arrive pas à imaginer un être humain face à la décision d’envoyer ses bombes nucléaires, ne pas se dire que ça ne sert à rien. Si tu as plus que 5 minutes à vivre, il y a mieux à faire que de commettre un génocide et de mettre fin à l’histoire.
Donc s’il n’y a aucune justification d’utiliser son arsenal même lors d’une attaque, ce qui est le pire des cas, à quoi bon avoir des armes nucléaires en premier lieu ?
Et même pour le pays qui attaque, on peut se demander quel est l’avantage stratégique et politique ? Car il ne va pas envoyer juste une seule bombe, ce serait suicidaire, car le pays ciblé aura encore toute sa capacité de riposte. Il faut au moins balancer la moitié de son arsenal pour décapiter le pays ciblé. C’est ce qui est appelé une première frappe dans le domaine de la stratégie militaire, qui est une attaque-surprise préventive avec un grand nombre de bombes. Si sa puissance est suffisamment élevée et complète, elle permet à un pays de détruire l’arsenal d’un autre pays au point de lui interdire une riposte suffisante. Mais ça implique donc des centaines d’ogives si on prend les pays les plus armés. Et on sait que l’impact environnemental serait catastrophique, ce qui finirait par créer une condition bien plus hostile pour le pays a l’origine de l’attaque, et globalement pour tout le monde, car c’est tout l’écosystème de la planète qui en serait bouleversé. En gros une guerre nucléaire ne peut être gagnée, car tout le monde est perdant.
On a donc aucune justification, ni avantage d’utiliser des armes nucléaires pour l’attaque et pour la défense. Pourtant, on en a encore 14 000. Autrement dit, on augmente les risques d’accident nucléaire avec des bombes prêt à être lancé, mais qu’on n’utiliserait sous aucun prétexte. Il n’y a aucune logique!
Le risque terroriste et de cyberattaque
On a également des scénarios impliquant un groupe terroriste qui met la main sur une bombe nucléaire et la fait exploser à Washington par exemple. Le gouvernement est décapité, des centaines de milliers de victimes, une panique dans tous les pays. Ensuite, ce groupe terroriste déclare sur internet que 10 villes supplémentaires seront détruites à travers le pays s’il n’obtient pas ce qu’il désire. Que ce soit du bluff ou non, le niveau de catastrophe et de terreur est difficile à imaginer. Heureusement, se procurer le matériel fissile et concevoir une ogive est très compliqué et des mesures ont été prises depuis une dizaine d’années afin de renforcer les sécurités des pays possédant l’arme atomique. C’est une petite note d’espoir. Une autre c’est qu’il y avait 70 300 armes nucléaires actives en 1986, en 2020 on compte environ 3 750 ogives nucléaires actives et 13 890 ogives nucléaires au total dans le monde. Bon nombre des armes déclassées ont simplement été stockées ou partiellement démantelées, et non détruites. On en a donc de moins en moins ce qui va dans le bon sens, mais on peut rester inquiet surtout au vu des dernières années ou certains traités sont de moins en moins respectés, ou des états menacent explicitement d’utiliser des armes nucléaires et où les tensions diplomatiques ne sont pas rares.
Et enfin pour terminer avec la liste de ce qui pourrait mal tourner. Les technologies numériques qui contrôlent désormais les armes nucléaires peuvent être piratées. Une cyberattaque pourrait envoyé une fausse alerte d’une attaque en cours, ou pire, avoir accès aux codes de lancement.
Une escalade nucléaire qui n’a pas pour origine une décision volontaire d’attaque est donc un scénario bien plus probable que ce que l’on pourrait penser de prime abord pour toutes les raisons que j’ai cité. Et ça devrait vous inquiéter bien plus que ça.
J’ai de plus en plus tendance à penser que le scénario d’un conflit nucléaire est un peu comme le scénario d’une pandémie. Il n’y a que très peu de gens qui parlent de sa haute probabilité, mais une fois que ça arrive, tout le monde se dit que ça nous pendait au nez. Je me dis que vais me réveiller un matin, comme un autre, et voir des dizaines et des dizaines de notifications sur mon téléphone. Google news, réseaux sociaux, amis, famille… tous avec les mêmes messages d’horreur. Bombe nucléaires, accident, conflit, et là, je saurais que ma vie a basculé dans un monde qui ne sera plus jamais pareil et certainement de courte durée. D’une certaine façon, on est pris en otage! Qu’est-ce qu’on peut faire me direz vous!
La première chose pour se diriger dans un monde plus stable c’est de désarmer tous les silos contenant des missiles balistiques intercontinentaux. La logique étant que si un pays lance une première attaque, il va cibler les lanceurs nucléaires ennemis pour l’empêcher de riposter. Comme on l’a vu, en cas d’alerte un président aura juste 5-10 minutes pour prendre la décision de riposter avec les missiles à longue portée. Il sera confronté avec un dilemme insoutenable. Soit il ne riposte pas au risque de perdre tous ces silos, et donc sa force de frappe. Soit-il riposte au risque que l’information soit fausse et donc de déclencher par accident une guerre nucléaire. Le tout en quelques minutes!
Si les seules armes nucléaires que nous possédons sont en mouvement constant et indétectable, dans les airs et les mers, alors un pays est bien moins vulnérable à une première attaque. C’est d’ailleurs le cas de la France qui ne possède plus de silos en fonctionnement depuis 1996. Notre force de frappe est uniquement concentrée dans la marine et l’aviation. Par contre des pays comme l’Inde, la Chine, les États-Unis et la Russie possèdent de nombreux silos actifs.
L’argument stipulant qu’avoir des bombes nucléaires nous maintient en paix est faux. C’est le contraire. Tant que nous aurons un arsenal nucléaire prêt à être déployé, nous sommes à risque de les voir être utilisés accidentellement. Contrairement à de nombreuses autres menaces à notre survie, on s’impose complètement ce statu quo nucléaire. On est face à une sorte de paralysie morale où on semble incapable d’échapper à cette situation insoutenable.
Au bout du compte il faut réussir à convaincre tous les États d’adhérer au Traité d’interdiction nucléaire si on veut un jour que nos descendants vivent sans cette menace d’annihilation. 122 États ont voté pour ce traité, mais pas la France. Donc monsieur le président si vous regardez cette vidéo, car je sais que vous êtes fan de The Flares, merci de signer ce traité et de montrer l’exemple. Une bonne façon d’inscrire votre nom dans l’histoire, voir même de concourir pour le prix Nobel de la paix.
En tous cas en tant que citoyen du monde, il est possible de soutenir cette démarche en signant une pétition sur le site www.notonukes.org. Afin de manifester notre volonté de sortir de cette prise d’otage nucléaire.
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