Une société d’abondance pour remplacer l’économie de la rareté ?
Alors forcément, vu le titre de cet article, on va parler communisme, libéralisme, capitalisme autrement dit, économie et politique. Et comme on dit souvent, il y a deux sujets qu’il faut éviter dans une conversation : la religion et la politique.
Du coup, le but de cet épisode n’est pas de faire un exposer sur mes préférences politiques. Je ne suis pas un partisan communiste, je ne souhaite absolument pas convaincre qui que ce soit de voter communiste aux prochaines élections. Je ne suis pas non plus un ultra libéral anticommuniste qui part en croisade contre les marxistes. Donc, laisser vos commentaires rageux et votre politique identitaire de côté.
En faite, ce qui motive cet épisode c’est plusieurs pistes de réflexion basée sur les tendances technologiques qui pourrait remettre l’idéologie communiste sur le devant de la scène. C’est du moins l’avis de l’auteur Aaron Bastani qui a écrit un livre intitulé : Fully Automated Luxury Communism (Communisme de luxe entièrement automatisé) et un article dans le New York Times qui a attiré mon attention.
Qu’on soit d’accord avec lui ou non, je trouve que le monsieur expose des arguments intéressants qui ont le mérite d’ouvrir des futurs possibles. Et forcément, si vous me connaissez un peu, vous savez que c’est une gourmandise pour mon esprit.
Au cours des 2 derniers siècles, l’idéologie humaniste s’est scindée en 3 branches – comme c’est le cas avec presque toutes les idéologies, religions en tête. Ces 3 branches possèdent la même vision. C’est-à-dire que l’être humain est sa seule, source d’autorité (contrairement au théisme) et donne du sens à l’univers, mais elles interprètent l’expérience humaine de différente manière.
La 1ere branche c’est le socialisme qui affirme que la collectivité est plus importante que l’individu lui-même. La tête d’affiche de cette branche est le communisme. Ensuite il y a le fascisme qui soutient que certains humains sont simplement supérieurs aux autres. La tête d’affiche de cette branche est bien sûr le Nazisme. Et enfin, la 3e branche est le libéralisme qui met l’accent sur la liberté individuelle par-dessus tout. Cette branche est la plus largement adoptée aujourd’hui, après être entrée en conflit avec les autres. Le socialisme et le fascisme ont tous deux connu leurs heures de gloire au cours du 20e siècle, mais ont fini par disparaître presque complètement, laissant la place au libéralisme. Si bien qu’il n’y a pas d’alternative sérieuse au pack humaniste libéral que l’on nous sert tous les jours. On compte 5 pays communistes en 2019 : la Corée du Nord, la Chine, le Vietnam, le Laos et Cuba.
Si on regarde les expériences communistes qui ont été tentées dans l’histoire, on se retrouve avec beaucoup d’échecs économiques, des autocraties dictatoriales, des bains de sang, des famines et des populations oppressés. Alors on pourrait avancer que ces exemples ne reflètent pas l’essence de l’idéologie communiste originale, et du Marxisme par la suite. Et il y a du vrai là-dedans. D’ailleurs, les 5 pays communistes aujourd’hui ne prétendent pas avoir atteint le communisme dans leurs pays, mais affirment être en train de construire et de travailler à l’instauration du communisme. Ces régimes sont plutôt socialistes appliquant des mélanges entre capitalismes et communisme.
Bon alors qu’est-ce que tout ça à avoir avec le futur. Et bien pour résumer en quelques phrases l’argumentaire d’Aaron Bastani, si on déplace l’horizon du futur suffisamment loin, un ou deux siècles par exemple, on peut envisager que le développement technologique aura apporté tellement d’abondance dans le monde que le capitalisme pourrait ne plus être la forme économique la plus adaptée et donc remplacé par une sorte de communisme. Mais pas un communisme basé sur les exemples historiques. Un communisme qui déploie le fruit de ces technologies futur au plus grand nombre de façon très efficace.
Alors le terme abondance il faut le comprendre dans le sens opposé à pénurie. Pour donner un exemple, si dans une région du monde, il y a une pénurie d’eau potable alors l’abondance est une situation où l’eau potable est omniprésente et quasi gratuite. On peut arriver à cette abondance grâce à une technologie comme le dessalement de l’autre mer et pour cela il faut rendre cette technologie suffisamment abordable pour être déployé massivement à grande échelle.
Autre exemple avec la nourriture. Il est possible de créer en laboratoire de la viande à partir de cellules animales et donc en extrapolant cette technologie dans le futur, on se retrouve avec la possibilité peut-être d’avoir une abondance de nourriture et donc une redistribution massive. Pareil avec les fermes verticales si on reste dans cette catégorie.
On peut aussi imaginer qu’une fois qu’on aura maîtrisé la fusion nucléaire, l’énergie ne sera plus un problème et donc cela permettra des percées technologiques étonnantes dans tous les domaines.
En fait ce principe s’appelle l’économie de l’abondance ou en anglais post-scarcity economy. Une des clés derrière ce système économique c’est une très grande automatisation de la production. Et c’est là où les écrits de Karl Marx sont étonnamment modernes, pour dire qu’ils ont été écrits au milieu du 19e. Dans son livre Grundrisse, il explique qu’une société post-capitaliste permettrait la distribution libre et gratuite des biens, rendue possible par l’abondance découlant de l’automatisation. Autrement dit, le communisme ne peut fonctionner que lorsque l’on aura atteint une économie d’abondance mise en place par le capitalisme. Donc vouloir imposer le communisme par le passé avec les révolutions rouges, ou même aujourd’hui, c’est être un petit trop en avance sur le développement technologique puisque nous ne sommes encore pas arrivés à un stade où nous pouvons appliquer une économie d’abondance. C’est une des raisons qui a fait que les partis communistes précédents ont échoué.
Par contre, en voyant les progrès technologiques liés à l’automatisation, l’intelligence artificielle, la robotique, on peut clairement dire que toutes ces disciplines permettent d’envisager une économie d’abondance et donc potentiellement un retour du communisme. Mais cette fois-ci peut-être un communisme efficace qui fonctionne, car il sera dopé à l’intelligence artificielle.
Enfin voilà c’est une perspective d’un futur possible, pas forcément le plus probable, pas forcément la plus souhaitable non plus en fonction des avis de chacun. Et en parlant d’avis, justement donner le vôtre dans les commentaires.
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Imaginez que vous êtes un fermier médiéval et que vous commandez un soc de charrue au forgeron le plus proche. Un maître le forgera même avec un mauvais marteau. Un amateur n’y arrivera que très difficilement, même avec le meilleur marteau disponible. La technologie non pensante n’est qu’un outil qui permet l’expression des savoir-faire et la mise en œuvre de stratégies. Il n’existe donc aucune technologie miracle dont la mise en œuvre garantit mécaniquement la prospérité d’une économie socialiste, d’une autre forme d’économie planifiée et collectiviste ou de tout autre forme d’économie. Pour ce qui est de la technologie pensante, elle sera constituée d’individus artificiels et non d’outils dont nous pourrons user à votre gré : on passe.
Intéressons-nous à l’économie planifiée et collectiviste. On peut déjà relever que l’Empire inca pratiquait une forme non marxiste de ce type : il est arrivé à d’excellents résultats sans même métal, ni écriture, le kipu étant la version andine du boulier-compteur. On peut aussi relever que l’URSS est non seulement devenue plus prospère après la mort de Staline mais que sa technologie surclassait parfois celle des USA : lancement du premier satellite, premier vol spatial habité, mise en œuvre de calculateur très supérieur à ceux de la NASA. Après la chute du mur, les entrepreneurs capitalistes n’ont eu aucun scrupule à copier certaines technologies soviétiques pour répondre aux exigences du développement durable. C’est là qu’il faut se demander ce qui distingue l’économie inca ou l’économie soviétique sous Brejnev de l’économique soviétique stalinienne. Comme partout et en tout temps, le manque de bienveillances des autorités, consécutive à un déficit démocratique, entraîne des crises économiques à répétition.
L’URSS n’était pas une démocratie mais l’empire colonial des bolcheviks. Sous Lénine et Staline, l’économie a été mise d’une révolution mondiale sans souci d’infliger des pénuries à leurs administrés. Engagé dans une guerre subversive, le PC devait entretenir son pouvoir de séduction : Tout échec ou malheur était présenté comme un mensonge capitaliste ou la conséquence d’une trahison. Par crainte des pénuries et des purges, tout le monde aggravé les problèmes en constituant des stocks et en cachant les problèmes au lieu de les signaler aux autorités. Il faut aussi noter que l’économie soviétique était trop centralisée ; elle eut été plus efficace si la collectivisation avait été organisée au niveau subdivision territoriale des républiques fédérées, l’Etat central se concentrant sur la collecte, le stockage et la redistribution des surplus. Comme pour les économies capitalistes libérales, les travers des économies socialistes était la conséquence de l’extrémisme. Une économie planifiée et collectiviste gérée démocratiquement et correctement décentralisée pourrait engendrer une économie d’abondance.
A ce stade, le lecteur aura compris que l’économie planifiée high tech ne serait pas forcément performante. En revanche, la technologie peut effectivement accroître les performances d’une économie planifiée eudémonique. Concernant l’IA, on se souviendra que c’est la capacité d’un logiciel à reproduire en tout ou en partie les capacités intellectuelles humaines. Les logiciels à IA les plus perfectionnés existant sont les systèmes experts càd des logiciels à IA faible et restreinte capables de relever les similitudes entre des paquets de données ou entre différents paquets de données d’une série et un paquet de données de référence. Les systèmes experts, l’IA-outil disponible actuellement, n’ont donc aucun processus cognitif : Plutôt que des « experts » artificiels, ce sont des détecteurs de similitudes, des capteurs. Dans le domaine économique, un système expert peut faciliter la prévision en matière de consommation, donc faciliter la planification de la production.
Au sein d’un territoire de grande taille, une économie planifiée eudémonique présente trois avantages évidents par rapport au capitalisme social. Premièrement, elle résout le problème de la disparition de la disparition de l’emploi consécutive à l’automatisation : ce qui est produit légalement est redistribué par l’Etat aux administrés en fonction des besoins. Deuxièmement, les ressources stratégiques, rares ou non renouvelables peuvent être alloués. Troisièmement, la rentabilité des produits ne prime pas sur leurs capacités à satisfaire les besoins auxquels ils sont censés répondre ou leur compatibilité avec les exigences du développement durable. Néanmoins, ceci n’implique pas que les systèmes capitalistes sociaux n’ont aucune qualité. On devrait donc s’interroger sur l’opportunité d’opposer toute économie capitaliste sociale (par exemple l’économie norvégienne) à une hypothétique économie planifiée eudémonique. S’agit-il vraiment de systèmes opposés ou de secteurs spécialisés et complémentaires d’un système économique complet ?
Autrement dit, est-ce que l’économie du futur n’est pas une économie hybride combinant, par exemple, une économie planifiée visant à fournir l’Etat et le nécessiteux en biens et services avec une économie capitaliste visant à répondre provisoirement aux besoins qui ne sont pas satisfait par l’économie d’Etat et à accroître la résilience des populations ?