Élevage intensif ou viande cultivée ?

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Élevage intensif ou viande cultivée ?
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Dans la vidéo sur le futur de l’agriculture, on a brièvement exploré le futur de la viande. Je souhaite entrer un peu plus en détail dans cet épisode.

Pour être tout à fait transparent, je suis végétarien. Mais je tiens tout de suite à préciser que mon but dans cette vidéo n’est pas de juger les mangeurs de viande. Il ne s’agit pas de brandir des slogans véganes et de pointer du doigt ceux qui ne le sont pas. Il y a suffisamment de clivage sur ces questions. Je pense que le mieux c’est d’essayer de comprendre les arguments de chacun, de faire attention à ces biais de confirmation et tout ça. Je ne compte pas non plus tenter de convertir qui que ce soit. Ça fait plus de 50 ans que les environnementalistes, experts en santé et activistes pour la protection des animaux n’ont cessé de demander au public de manger moins de viande. La consommation de viande n’a jamais été aussi élevée dans toute l’histoire de l’humanité.

Alors, pourquoi vouloir un futur sans agriculture animale ? Après tout, c’est quoi le problème ? Et bien si on est concerné par la situation environnementale, on ne peut pas simplement pointer du doigt les grands groupes pétroliers, le secteur du transport ou la production d’électricité. Il faut aussi regarder ce qu’on met dans notre assiette chaque jour. Et la viande pose de gros problèmes. En 2019, 30 scientifiques ont publié les résultats d’une étude de trois ans sur l’agriculture. Ils ont déclaré que la production de viande est en train de ravager l’environnement et menace la santé mondiale. La viande est responsable de 14 à 18% de nos émissions de gaz à effet de serre dans le monde et 80% de la déforestation de l’Amazonie.

Ces études ont toutes mis l’accent sur le changement climatique. Mais la résistance aux antibiotiques est une menace aussi grave. Nous donnons des doses massives d’antibiotiques aux animaux. Ces antibiotiques provoquent des bactéries mutantes qui risquent d’être résistantes aux antibiotiques actuels et ça pourrait vraiment mal tourner. Des milliers de personnes sont mortes à cause de bactéries résistantes l’an dernier en Amérique du Nord. D’ici à 2050, ce nombre atteindra 10 millions par an sur la planète. La vie avant la découverte des antibiotiques n’était pas très cool, et je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de monde qui aimerait vivre sans.

L’agriculture animale est également une menace sanitaire importante en raison de la transmission de maladie. Les grippes aviaires et porcines sont des cas qui font froid dans le dos et plus on a d’animaux vivants dans des conditions misérables et côtoyant les humains, plus on augmente les risques.

Chaque année, les humains tuent 75 milliards d’animaux de façon industrielle. Avec une efficacité, une précision et une rapidité sans précédent. La cruauté animale est impossible à nier et penser que ça se produit uniquement dans les autres pays, c’est être hypocrite. On aime se raconter des histoires pour se rassurer moralement, mais la production industrielle de viande est tout sauf une pratique morale. On est en plein festival des horreurs ! Mais au bout du compte, l’argument de la cruauté n’est peut-être pas le plus important, car il y a forcément des gens qui s’en cognent. Mais quand est-il de l’argument environnemental ?

Les terres utilisées, l’eau et les émissions de gaz à effet de serre généré par la production de viande sont en train d’atteindre un point de non-retour. La réalité c’est qu’on ne peut pas continuer comme ça. Ça a fonctionné tout au long du 20e siècle, mais nous allons devoir impérativement changer cette façon de faire, car ce n’est pas durable. Le problème c’est que la production de viande, qui est d’aujourd’hui de 335 millions de tonnes, va atteindre 455 millions de tonnes en 2050 selon les estimations de L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. En grande partie en raison de la demande qui explose venant de l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Afrique. À mesure qu’un pays se développe, la classe moyenne acquiert la possibilité de manger des plats riches en protéine comme nous dans les pays occidentaux. Et ils choisissent la viande.

Mais en y regardant de plus près, la viande est un des moyens les moins efficaces de nourrir les gens. 100g de protéines végétales données à un animal, devient 4g de protéines animales dans notre assiette. Et 100g de calories végétales devient 2g de calories animales. Autrement dit, au lieu d’avoir des millions d’hectares de champs pour nourrir le bétail, ils pourraient servir à nourrir les humains de façon bien plus efficace. Encore une fois, on marche sur la tête.

Mais la viande apporte certes des protéines, mais surtout du fer et de la vitamine B12 qui sont importants pour la santé. Si on veut des alternatives, elles doivent répondre aux besoins nutritifs et deux entreprises se distinguent par la qualité de leur viande végétale : Impossible food et Beyond meat. Pour parler de mon expérience personnelle, je pense qu’être végétarien ou végane dans les pays développés n’a jamais été aussi facile. Il y a de plus en plus d’options pour obtenir des protéines végétales, et des aliments enrichis au fer et vitamine B12 qui sont peu chers et délicieux. Sans parler de la cuisine indienne qui sont les champions en termes de plats végétariens ce qui fait que la viande ne me manque pas du tout. Et une découverte récente a permis de synthétiser la molécule qui donne du goût à la viande rouge appelée l’heme. Les viandes végétales gagnent en popularité et débarquent doucement dans les chaînes de fast-food.

Si on fait une sorte de test de Turing de la viande à une personne. C’est à dire en lui donnant un steak végétarien qui a le même goût, la même texture, le même prix, les mêmes nutriments, qui se cuit de la même façon et qu’on ne lui dit pas que c’est un steak à base de plante. S’il n’arrive pas à le déduire de lui même, alors cette personne n’a aucun argument valable pour préférer un steak venant d’un animal. Ou alors de la simple mauvaise fois, ou une volonté assumée de vouloir manger une viande issue d’un animal qui a souffert. Je me trompe peut-être, mais je ne vois aucun argument en tous cas.

Mais pour ceux qui ont des doutes sur les steaks et saucisses végétales, la vraie révolution se trouve dans de nombreux laboratoires aux 4 coins du monde. Produire de la viande, sans tuer d’animaux. Il s’agit de faire croître des cellules animales, que ce soit de poulet, porc, boeuf ou même poisson, dans un environnement contrôlé. Il est nécessaire d’avoir 4 éléments pour que ça fonctionne.

  • Des cellules animales qui se reproduisent.
  • Un échafaudage qui sert aux cellules à s’accrocher à une structure.
  • Une soupe qui fournit les protéines, sucres et hormones aux cellules afin qu’elles se multiplient.
  • Un environnement à la bonne température.

C’est exactement ce qu’il se passe dans le corps d’un animal, sauf qu’on peut le faire dans un laboratoire. En prenant par exemple quelques cellules de poulet, on obtient un nugget en 9 semaines. Ce processus utilise 2 fois moins d’énergie, une fraction des terres, de l’eau et des émissions de gaz à effet de serre comparé à l’agriculture animale traditionnelle. Le gros problème aujourd’hui c’est que pour obtenir le 2e élément, la soupe, il faut prendre du sérum provenant d’un foetus ce qui le tue. Mais de nombreuses sociétés travaillent sur une alternative à base de plante ce qui rendrait le processus bien plus éthique.

Le deuxième problème c’est que pour l’instant, c’est bien plus simple de faire un steak haché, un nugget, du foie gras ou un bâtonnet de poisson, plutôt qu’une entrecôte ou une cuisse de poulet. La raison est qu’il faudrait reproduire en laboratoire des tissus possédant des vaisseaux sanguins et des nerfs pour donner à la viande des textures complexes. Mais une équipe de chercheur à Harvard a réussi à fabriquer une structure à base de gélatine qui réplique les fibres des tissus musculaires. Bon, la gélatine provient quand même d’un animal donc ce serait mieux de trouver autre chose, mais c’est un pas dans la bonne direction.

Le 3e problème c’est que la majorité des gens ne sont pas très enclins à manger de la viande issue d’une boite de Petri. Il y a un dégoût qu’il va être très difficiles à surmonter et le rôle des départements marketing sera primordial. La première chose à faire c’est de trouver un nom attractif. Et de surtout éviter les termes “Viande in vitro, viande de synthèse ou viande artificielle.” Le mot carniculture est également utilisé et il me semble un peu plus vendeur. Tout comme viande cultivée, viande propre ou viande cellulaire. Mais pour ceux qui sont dégoutés à l’idée de manger de la viande venant d’un laboratoire, il faut bien réaliser que la plupart de la nourriture que l’on trouve en grande surface a été conçue en premier lieu dans un laboratoire à travers plusieurs tests, etc. Les cookies, yaourt, sirop, le pain. Même la viande animale ! Si la carniculture atteint les rayons de supermarché, elle ne proviendra pas de laboratoire, mais d’usines agroalimentaires comme presque tout ce qu’on mange.

La société californienne Air Protein quant à elle explique qu’elle a appris à fabriquer de la viande à partir de l’air ambiant, comme par magie ! Selon le site d’Air Protein, dans les années 60, la NASA pensait pouvoir utiliser des microbes appelés hydrogénotrophes pour créer un système d’alimentation en boucle fermée destiné aux astronautes dans l’espace. Les astronautes expirent du dioxyde de carbone, que les microbes pourraient absorber et les convertir en éléments nutritifs pour les astronautes, et ce cycle se répète.

Mais Air Protein a découvert qu’elle pourrait alimenter les hydrogénotrophes en combinant du CO2 et d’autres nutriments dans des unités de fermentation. Le résultat: une poudre brune qui ne ressemble pas vraiment à de la viande – ni même n’en a le goût -, mais qui est riche en nutriments et possède les mêmes acides aminés que la viande. La société affirme que le processus ne prend que quelques jours et pourrait constituer l’alternative écologique à la production de viande traditionnelle dont l’humanité a désespérément besoin.

Changer de comportement est difficile et nous n’allons pas simplement arrêter de manger de la viande du jour au lendemain juste parce qu’on reconnaît les problèmes que ça engendre. Surtout que les lobbys dans le secteur de l’industrie animale sont féroces. Ils essaient notamment d’interdire de vendre des produits sous le terme “Viande” s’ils ne proviennent pas d’un animal ayant été abattu.

Mais si on y réfléchit bien, on n’a jamais eu autant de raison de se détourner des méthodes actuelles de production de viande. Ce serait plus éthique, meilleur pour la santé, et un soulagement pour l’environnement.

Il faut qu’on se fasse à l’idée que la production de viande impact grandement l’environnement et que nourrir 9 milliards de personnes en 2050 de la même façon qu’on le fait aujourd’hui ne pourra tout simplement pas fonctionner sans les innovations de la carniculuture   et à base de plante. La baisse de consommation de viande ne sera possible que si nous donnons aux gens des alternatives qui soient similaires ou meilleures en termes de coût, de goût et de nutriments

 

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