Crise démographique : un défi inévitable pour l’humanité ?

Tout public
FULL HD
Vlog / Podcast • 13 minutes
Essayez The Flares en illimité : 0€
Crise démographique : un défi inévitable pour l'humanité ?
Téléchargez au format PDF

À votre avis, combien seront nous sur Terre à la fin du siècle ?

Quand on pense au futur, la surpopulation arrive souvent dans la liste des prédictions. La plupart des gens pensent que la croissance démographique va continuer d’augmenter dans le monde et que ça va inévitablement mener à des catastrophes. Cette idée n’est pas nouvelle.

En 1798, Malthus avait soutenu, dans son essai “On Population”, que le 19e siècle verrait la fin du progrès humain. Il avait calculé que la croissance exponentielle de la population de l’époque, conséquence de diverses améliorations technologiques et économiques, atteignait la limite des capacités qu’à la planète à produire de la nourriture. Sa conclusion fut que le bien-être relatif de l’humanité à son époque était un phénomène temporaire et qu’il vivait au bord d’un effondrement civilisationnel. Ce qui fait écho à certains discours contemporains. Et tout au long du 19e siècle, une explosion de la population s’est bien produite à peu près comme Malthus l’avait prédit. Pourtant, la fin du progrès humain n’a pas eu lieu, en partie car la production alimentaire a augmenté encore plus vite que la population.

Malthus avait prédit avec exactitude l’un des phénomènes, mais avait complètement raté l’autre. Pourquoi? En raison du biais pessimiste systématique auquel les prophéties sont sujettes. En 1798, l’augmentation future de la population était plus prévisible que l’augmentation de la production alimentaire parce qu’elle dépendait moins de la création de connaissances. En ignorant cette différence entre les deux phénomènes qu’il essayait de comparer, Malthus a glissé de prédiction éclairée à une prophétie aveugle. Il pensait faire des prédictions basées sur les meilleures connaissances disponibles. En réalité, il se laissait induire en erreur par le fait que nous ne savons pas encore ce que nous n’avons pas découvert. En l’occurrence, toutes les innovations dans l’agriculture et la production alimentaire qui ont suivi son époque.

Lorsqu’on parle de surpopulation, un autre crieur d’alerte célèbre c’est Paul R. Ehrlich, connu pour son livre “La bombe P” (The population bomb) en 1968. Il affirmait qu’une demi-douzaine de catastrophes liées à la gestion des ressources étaient inéluctables et qu’il était déjà trop tard pour en éviter certaines. Que des milliards de personnes mourraient de faim en dix ans, tout au plus vingt et que les matières premières s’épuiseraient. Nous avions créé trop de centrales et d’usines, de mines et de fermes intensives, une croissance économique bien plus importante que celle que la planète pouvait supporter. Et pire encore, trop d’humains, la source ultime de tous les autres problèmes. Ainsi il a calculé que, si les États-Unis devaient maintenir leur niveau de vie de 1968, il devrait réduire sa population de trois quarts, pour atteindre 50 millions. La planète dans son ensemble était surpeuplée d’un facteur sept, a-t-il déclaré. Mais la bombe P n’a pas explosé 20 ans plus tard ni aujourd’hui.

Ehrlich pensait analyser les ressources environnementales de la planète et prédire leur taux de déclin face à la surpopulation. En fait, il prophétisait le contenu des connaissances futures de l’humanité en envisageant un avenir dans lequel seules les meilleures connaissances de 1968 ont été déployées. Il a omis d’inclure une place pour de nouvelles connaissances capables de résoudre les problèmes qu’il mentionnait. Autrement dit, son argument pourrait être résumé comme ceci : “Face à la croissance démographique, si on arrête de résoudre des problèmes, alors nous sommes condamnés à un effondrement environnemental et sociétal”. Comment pourrait-il en être autrement ! Vous en conviendrez, c’est un argument logique, qui va de soi, mais qui part d’une supposition fallacieuse. “Si on arrête de résoudre des problèmes”. Pourquoi le ferait-on ? Nous n’avons pas arrêté de résoudre des problèmes en 1968, c’est pour cette raison que les prophéties pessimistes d’Ehrlich n’ont pas eu lieu, même si la population est passée de 3.5 milliards à 7,7 milliards de 1968 à 2019.

Lorsque l’on parle du futur de la surpopulation, il faut éviter de tomber dans les erreurs prophétiques malthusiennes. Il est facile de calculer ce que chaque personne supplémentaire sur Terre va ajouter comme pression environnementale s’il a un niveau de vie actuel moyen. Mais quelle connaissance cette personne va apporter à la solution des problèmes qui en résultent est inconnaissable, et c’est souvent les connaissances inconnues qui façonnent le futur.

Les derniers rapports officiels de l’ONU indiquent que nous serons 9 milliards d’ici 2050, et 11,2 milliards en 2100. Et presque tout le monde s’accorde pour dire que ce n’est pas une bonne nouvelle du tout, compte tenu des crises environnementales déjà présentes aujourd’hui. Mais est-ce que ces prédictions sont exactes ? John Ibbitson et Darrell Bricker pensent que non et présentent leurs arguments dans un livre intitulé “Empty planet” paru en 2019.

Selon eux, la population humaine va bien augmenter, probablement jusqu’aux alentours de 9 milliards, mais ensuite décliner à partir de 2050, ce qui va à l’encontre de la pensée dominante. Ils appellent d’ailleurs ça, une connaissance verticale. C’est à dire un truc que tout le monde connaît, qu’on ne fait que répéter, mais qui peut s’avérer faux.

La raison principale de ce déclin, ce n’est pas une catastrophe environnementale qui va décimer la population, ou une troisième guerre mondiale, non, c’est en faite une raison logique : on va tout simplement faire moins d’enfants.

Pour comprendre cet argument, il faut déjà définir deux points. Le premier c’est la notion d’indice de fécondité : le nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer. Ensuite le taux de remplacement : le nombre moyen d’enfants par femme auquel une population se remplace d’une génération à l’autre, sans migration.

Pour que la population d’un pays augmente, il faut que l’indice de fécondité soit supérieur au taux de remplacement. Plutôt logique. En faite, il existe un seuil qui est de 2.1 enfants par femme. Alors ça ne veut pas dire qu’une femme va faire deux enfants + 10% d’un bébé genre juste la tête hein ! c’est une moyenne ! En faite on peut voir ce chiffre comme : un enfant pour remplacer le papa, un enfant pour remplacer la maman, et un petit extra pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas avoir d’enfant. En dessous de 2.1, la population décline, on parle de dénatalité, au-dessus, elle augmente.

La région du monde ayant le taux le plus élevé est l’Afrique centrale et subsaharienne (4,78), suivi de l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient (2,72), l’Asie du Sud Est (2,43), l’Amérique latine (2,04). En dernière position, l’Union européenne, qui a un taux de 1,59. En France, l’indice de fécondité est de 1,92 en 2017 selon la World data bank. Le monde est à 2,42 ce qui signifie que la population mondiale augmente. Donc pourquoi les auteurs de “Empty planet” pensent que ça ne continuera pas ?

Déjà on peut constater une chose, l’idée reçue comme quoi les pays pauvres en Asie, Moyen-Orient ou Amérique du Sud font plein d’enfants est en faite fausse. Ils en font plus que les pays occidentaux c’est sur, mais pas beaucoup plus que le niveau de remplacement. En faite, il n’y a presque qu’en Afrique que l’on trouve des pays ayant un indice de fécondité au-dessus de 5. Une autre idée reçue c’est que la population humaine se reproduit en croissance constante, mais c’est également faux. En 1960, l’indice planétaire était de 4,98. Il a baissé de moitié en 50 ans ! Ce qui fait qu’on est plus nombreux c’est une question d’augmentation de la durée de vie plutôt que de faire plus d’enfants.

Plus de 36% de la population vit en Inde et en Chine. Donc si ces deux pays entrent dans une dénatalité, la population mondiale devrait se stabiliser. La Chine est à 1,63, déjà en dessous du taux de remplacement. L’Inde a un indice de 2.30, mais ce chiffre ne fait que baisser. Il y a 10 ans, il était de 2.63 donc il est probable que l’Inde atteindra 2.1 dans une petite décennie.

Mais pourquoi fait-on moins d’enfants partout dans le monde ? Comme je l’ai dit plus tôt, ce n’est pas à cause de catastrophe ou autre. En faite, les raisons sont extrêmement positives. Cela s’appelle la transition démographique. C’est-à-dire que plus un pays se développe, moins il fait d’enfants. C’est une règle qui est vérifiable depuis la 1ere révolution industrielle avec le royaume uni qui est passé de 6 enfants par femme à 3 enfants par femme de 1815 à 1910, soit en 95 ans. L’Afrique du Sud est passée de 6 enfants par femme à 3 enfants par femme de 1963 à 1997, soit 34 ans. Le Bangladesh souvent en tête de liste lorsqu’on pense à un pays pauvre a effectué la même transition démographique de 1982 à 2002, seulement 20 ans. Et l’Iran l’a fait en 10 ans. Autrement dit, la transition démographique des pays en voie de développement s’accélère. On peut donc se dire que les pays ayant le plus grand taux de fertilité comme le Niger avec 7.2 vont connaître une baisse très rapide et donc l’augmentation de la population dans ces régions va se ralentir.

La raison principale de cette transition démographique c’est l’urbanisation. 3 choses se passent lorsqu’un pays devient plus urbain que rural. La première c’est qu’un enfant cesse de devenir un atout pour devenir une charge. Dans un monde rural, à partir de 6 ans, un gamin aide la famille dans les champs, mais dans un monde urbain, il devient une bouche supplémentaire à nourrir. C’est juste du point de vue économique hein, les enfants ont plein d’autres avantages évidemment. La deuxième chose, c’est que les femmes cessent d’être sous le contrôle presque total de leur mari pour atteindre l’autonomie. Elles accèdent à l’éducation, aux médias, aux conseils d’autres femmes, à une carrière et décident d’elles-mêmes le nombre d’enfants qu’elle souhaite. Et enfin la troisième chose qui se passe c’est que le pouvoir des religions organisées s’amoindrit. Toutes les religions au monde ont soutenu au cours des siècles que les femmes doivent être subordonnées aux hommes, faire des enfants, rester à la maison et s’occuper de la famille. Lorsque l’influence d’une religion diminue dans un pays, les femmes font moins d’enfants. Un bon exemple aujourd’hui c’est les Philippines ou le nombre de fidèles catholiques décline, tout comme le taux de fertilité.

Et comme je l’ai dit, tout ça, ce sont des bonnes choses. Moins de pauvreté, plus d’autonomie pour les femmes, plus d’éducation. C’est également une bonne nouvelle pour la planète si on est 8 milliards au lieu de 11 à la fin du siècle. En général, on se dit qu’il vaut mieux que la population décline plutôt qu’elle augmente.

Mais un déclin n’est pas forcément libre de tout problème. Moins d’enfants, signifient moins de jeunes générations. Les jeunes générations sont les premiers vecteurs de la santé économique d’un pays par leur force de travail, de consommation et ils contribuent aux besoins des personnes âgées dans l’assistance à domicile, les maisons de retraite, hôpitaux et les pensions.

Beaucoup de personnes citent la Chine comme étant la futur première puissance mondiale avec une croissance économique remarquable, etc.., mais peu réalisent dans quel pétrin ils se trouvent en terme démographique. La politique de l’enfant unique mise en place pendant 37 ans va avoir des effets très lourds sur l’économie du pays. D’ici la fin du siècle, la possibilité que la population chinoise soit la même que celle des États unis est bien réelle. Le Japon est un autre bon exemple avec une population de plus en plus vieillissante. Et qu’est ce qu’ils ont décidé récemment ? D’alléger leurs lois à l’immigration. Ce n’est pas un hasard. Quoi qu’on pense de l’immigration, elle sera indispensable pour la santé d’un pays, mais également réclamée. Autrement dit, il faut s’attendre à voir des pays se battre pour attirer les jeunes des autres pays ayant un plus fort indice de fertilité. Notamment les Indiens qui seront parmi les plus jeunes au monde. Il faut noter que les immigrants adoptent l’indice de fertilité du pays dans lequel ils migrent, pas de celui qu’ils ont quitté. L’immigration est une réponse naturelle à un faible taux de remplacement de la population d’un pays. Et ceux qui préfèrent fermer leur frontière vont se tirer une balle dans le pied. Ce sera un suicide démographique, et quand on voit le retour au nationalisme et le populisme dans certains pays, on peut être inquiet.

Les auteurs “d’Empty planet” présente donc des arguments qui je trouve sont plus convainquant que les estimations de l’ONU. Ils ne sont pas les seuls à penser ça puisque Elon Musk a récemment déclaré lors d’une conférence que la population humaine ne va pas décliner, mais s’effondrer au cours du 21e siècle à cause du faible taux de fertilité. Si l’indice de fertilité mondial se trouve bien en dessous de 2.1, par exemple à 1,5, alors le déclin pourrait être très rapide et l’immigration ne pourra rien y faire, car tous les pays seront concernés!

Donc conclusion, à quoi devons-nous nous attendre en termes de population pour le futur du 21e siècle ? Et bien pas à une explosion démographique, mais plutôt un déclin. C’est envisageable que le nombre d’humain soit finalement inférieur en 2100 qu’en 2019. La population sera également plus vieille en moyenne et l’Inde sera très vraisemblablement le pays le plus peuplé. Mais il est important de se rappeler des prophéties malthusiennes et de ne pas tomber dans le même piège. C’est-à-dire de ne pas inclure une place pour les découvertes que nous ne savons pas encore que nous allons découvrir. Par exemple, guérir le cancer qui est la 1ere cause de mortalité dans les pays riches, ou le traitement de la vieillesse qui pourrait permettre d’augmenter la longévité, et donc de vivre jusqu’à, disons 150 ou 200 ans. Dans ces deux cas, la démographie va bien sûr augmenter puisque même si on fait moins d’enfants, il y aura plus de gens qui restent en vie plus longtemps. Et l’idée qu’un déclin signifie obligatoirement problème économique, instabilité et catastrophe c’est également faire la même erreur que Paul Ehrlich, c’est-à-dire que nous allons résoudre les futurs problèmes qu’avec les connaissances actuelles. Mais au cours du siècle, nous allons acquérir de nouvelles connaissances qui conduiront à des innovations. Par exemple, peut-être que le manque de main-d’oeuvre sera comblé par une meilleure automatisation avec machine et intelligence artificielle.

Alors, je repose ma question du début ? À votre avis, combien seront nous sur Terre à la fin du siècle ? Est-ce que votre réponse a changé ? 

Rate this post
[contenus_similaires]

Rate this post