Vers une centrale solaire orbitale grâce au projet Solaris ?

Tout public
AUDIO
Vlog / Podcast • 10 minutes
Essayez The Flares en illimité : 0€

Les panneaux solaires émergent souvent comme une solution robuste pour rompre nos liens avec les énergies fossiles, offrant ainsi une alternative prometteuse. La réduction significative des coûts en à peine une décennie témoigne d’elle-même. À tel point qu’aujourd’hui, elle se profile comme la forme d’énergie la plus économique aux côtés de l’énergie éolienne. Cependant, malgré ces avancées, les énergies renouvelables ne contribuent encore qu’à hauteur de 12 % du mélange énergétique mondial. Bien que leur croissance soit impressionnante, certains envisagent d’accroître leur efficacité en se tournant vers l’espace.

Contexte historique

Comme souvent, tout commence avec la Science Fiction. En 1941, Isaac Asimov nous offrait une nouvelle intitulée “Reason”, où une station spatiale acheminait l’énergie solaire vers différentes planètes via des micro-ondes, captées depuis notre étoile. Le concept d’ESPE (Exploitation Solaire d’Énergie depuis l’Espace) faisait sa première apparition en novembre 1968, présenté par l’ingénieur aérospatial Peter Glaser. Ce visionnaire obtint un brevet en 1973 pour sa méthode novatrice de transfert d’énergie sur de vastes distances, à l’aide de micro-ondes émises par une antenne de taille colossale (pouvant atteindre un kilomètre carré) à bord d’un satellite, vers une antenne encore plus imposante implantée au sol.

La NASA se pencha sur ce concept avec intérêt, mais reconnut les défis majeurs liés au coût d’acheminement des matériaux en orbite, ainsi que l’absence d’expérience dans la réalisation de projets de cette envergure dans l’espace. Entre 1978 et 1986, le Congrès autorisa conjointement le Département de l’Énergie et la NASA à mener des études approfondies sur ce concept. Depuis lors, l’intérêt pour cette technologie a connu des fluctuations. Plus récemment, plusieurs initiatives ont ravivé l’enthousiasme envers l’Exploitation Solaire d’Énergie depuis l’Espace, notamment le projet Solaris.

Nous vivons une époque passionnante, où la convergence de diverses disciplines technoscientifiques se dessine. D’un côté, les performances des panneaux photovoltaïques ne cessent de s’améliorer. En 2015, environ 22 % de l’énergie solaire captée pouvait être convertie en électricité par un panneau solaire. À peine 10 ans plus tard, des chercheurs ont réalisé 40 % en laboratoire, même si cela n’est pas encore accessible commercialement. De l’autre côté, la réduction spectaculaire des coûts d’accès à l’orbite terrestre, notamment grâce aux fusées réutilisables, est une réalité. Il ne faut pas longtemps pour réaliser que ces deux éléments peuvent s’harmoniser pour créer une combinaison fascinante : des panneaux solaires déployés dans l’espace !

Le projet Solaris

En novembre 2022, l’ESA, soit l’Agence spatiale européenne, a annoncé officiellement son intention d’explorer la viabilité du solaire par satellite au moyen du projet Solaris. L’idée est de mettre en place un réseau colossal de fermes solaires en orbite géostationnaire pour capter l’énergie solaire, puis la transmettre vers la Terre afin de la convertir en électricité et de l’intégrer au réseau électrique.

L’intérêt de cette approche est clair et évident. En orbite, les satellites bénéficient d’un ensoleillement constant, ce qui leur permettrait de générer de l’électricité de façon continue. Cela présente un avantage considérable par rapport aux systèmes solaires terrestres, qui sont limités à la production en journée, influencés par les conditions météorologiques et impactés par l’atmosphère.

Sur le plan technique, diverses méthodes sont envisageables, et une étude de faisabilité technique et économique a été confiée au groupe français Thales Alenia Space. Les deux aspects les plus complexes résident dans le déploiement des collecteurs solaires en orbite et dans la transmission de l’énergie solaire jusqu’à la surface terrestre. Étant donné l’impraticabilité de l’utilisation de câbles électriques entre les satellites et la Terre, la transmission doit impérativement se faire sans fil.

Procédés techniques

Selon un rapport de l’Académie internationale d’astronautique, trois approches sont envisageables. La première implique la création d’une gigantesque ferme solaire en orbite, chargée de convertir l’énergie solaire en électricité. Cette électricité serait ensuite acheminée vers un émetteur micro-ondes, puis transmise via une antenne micro-ondes appelée redresseuse – même si les détails techniques restent un peu mystérieux.

La deuxième méthode ressemble à la première, sauf qu’elle explore l’utilisation de lasers pour transmettre l’électricité depuis l’espace jusqu’à la Terre. Enfin, le troisième système repose sur une multitude de miroirs réfléchissant la lumière vers de plus petits panneaux solaires situés au cœur du dispositif. Cette électricité produite serait ensuite transmise jusqu’à la Terre par micro-ondes. L’intérêt majeur ici réside dans le fait que les miroirs sont plus légers, moins coûteux à fabriquer et à envoyer dans l’espace.

Le concept peut être modulaire, avec des centaines de panneaux solaires produits en série et envoyés dans l’espace pour orbiter en formation. Une approche similaire à ce que SpaceX fait avec sa constellation de satellites Starlink. Cela nécessiterait toutefois plusieurs années pour achever la ferme solaire complète. Des recherches sont en cours pour développer des techniques de pliage des panneaux solaires, afin qu’ils occupent moins d’espace lors du lancement, pour ensuite être déployés en orbite à la manière de l’origami. Des méthodes similaires ont été utilisées pour le télescope spatial James Webb. L’objectif est de maximiser le nombre de panneaux solaires par vol en optimisant l’espace disponible dans la fusée.

L’assemblage en orbite pose bien sûr d’énormes défis techniques. Dans le meilleur des cas, les collecteurs solaires pourraient s’assembler de manière autonome. Sinon, une assistance robotique depuis la Terre serait envisagée. Dans le pire des scénarios, l’assemblage devrait être effectué manuellement par des astronautes.

L’énergie solaire spatiale est désormais considérée comme techniquement réalisable, en grande partie grâce aux avancées dans des domaines clés tels que les cellules solaires ultralégères et fines, la transmission d’énergie sans fil et la robotique spatiale.

À titre d’exemple, une équipe en Nouvelle-Zélande a réussi à démontrer un prototype de transmission d’électricité sans fil sur une distance de 200 mètres. Cependant, leur objectif diffère quelque peu de celui du projet Solaris. Ils ne cherchent pas à convertir l’énergie solaire depuis l’espace, mais plutôt à établir un réseau électrique mondial. En pratique, cela signifie que des panneaux solaires dans un désert pourraient fournir en continu de l’électricité à des régions éloignées, 24h/24 et sans recours à des fils, grâce à des satellites en orbite basse, situés à environ 100 kilomètres d’altitude, agissant comme des relais électriques entre différentes parties de la planète.

Une solution pas si rentable ?

Si nous parvenons à bâtir avec succès une centrale solaire dans l’espace, son fonctionnement sera confronté à plusieurs défis pratiques. Les panneaux solaires pourraient être endommagés par des débris spatiaux. De plus, les panneaux en orbite ne sont pas protégés par l’atmosphère terrestre. Exposés à un rayonnement solaire plus intense, leur dégradation serait plus rapide, ce qui impactera leur capacité à générer de l’énergie. Se posera alors la question de la viabilité du système après 10 ou 20 ans, et si elle n’est pas assurée, cela risque de restreindre les investissements. Par ailleurs, la sûreté de la transmission de micro-ondes ou de lasers depuis l’espace doit être prouvée quant à leur impact sur la faune, la flore et en respect des standards de sécurité internationaux sur les doses de micro-ondes dangereuses.

Le projet Solaris n’est qu’une parmi plusieurs initiatives visant à exploiter l’énergie solaire depuis l’espace. Le Space Solar Power Project aux États-Unis développe des cellules solaires à haute performance et travaille sur un système de conversion et de transmission optimisé pour une utilisation en orbite. De son côté, la Chine a fait des progrès sur sa station d’énergie solaire spatiale Bishan, visant à mettre en place un système opérationnel d’ici 2035. Au Royaume-Uni, un projet d’énergie solaire spatiale de 17 milliards de livres est sur le point de débuter, avec pour objectif une centrale solaire fonctionnelle en 2040. L’agence spatiale japonaise se penche également sur la question.

À noter également l’existence d’un certain monsieur à la tête d’une entreprise spatial qui, malgré son implication dans l’envoi de satellites interconnectés dans l’espace, semble moins engagé dans l’énergie solaire spatiale. Étrange, vu qu’il s’intéresse activement au solaire avec son entreprise de voitures et d’énergie. Toutefois, sa priorité est clairement tournée vers le développement de la technologie des batteries, un choix guidé par des considérations de coûts et de priorités. En fin de compte, il s’agit de savoir ce qui sera le plus économique : déployer d’innombrables satellites dans l’espace et ériger d’immenses antennes sur Terre, ou perfectionner les batteries jusqu’à ce que le défi de l’intermittence des énergies renouvelables soit résolu ?

Il est indéniable que la Terre regorge d’énergie solaire, mais notre difficulté réside dans notre capacité à la récolter efficacement. Et j’ai des doutes quant à la capacité de l’énergie solaire spatiale à contribuer aux solutions pour une neutralité carbone d’ici 2050. D’autres technologies, telles que les batteries avancées, l’hydrogène et l’expansion des énergies renouvelables, sont mieux maîtrisées et plus facilement applicables. Peut-être même la fusion, pour les plus optimistes. Sans oublier que dans l’équation finale, il faudra prendre en compte l’impact carbone des dizaines de lancements pour fabriquer une ferme solaire.

Et pire encore, le fameux rendement énergétique en prend un coup une fois que l’énergie solaire est captée, convertie en électricité, puis reconvertie en photons pour la transmission vers la Terre, avant d’être à nouveau transformée en électron pour alimenter le réseau électrique. Au final, on arrive au même rendement que les panneaux photovoltaïques sur Terre, si ce n’est moins. Il reste juste l’avantage de la production continu. Mais est-ce suffisant pour justifier le cout ?

Cela dit, l’énergie solaire spatiale offre un terrain fertile pour des opportunités passionnantes de recherche et développement. Dans le futur, cette technologie pourrait jouer un rôle majeur dans l’approvisionnement énergétique mondial. Et si ce n’est pas sur Terre, peut-être que cela pourrait alimenter des bases sur la Lune et Mars.

Rate this post
[contenus_similaires]

Rate this post