Coloniser Mars : la prochaine frontière politique
La planète rouge a depuis longtemps fasciné l’imagination des Terriens. Mais la perspective d’une colonisation est aujourd’hui passé de la Science Fiction à un futur probable. Pour ne pas dire proche. En effet, les avancées technologiques récentes de sociétés spatiales privées comme « SpaceX » et « Blue Origin » sont en train de baisser les coûts de lancement des fusées. Le gouvernement Américain sous la nouvelle présidence a confirmé une mission sur Mars menée par la NASA pour l’horizon 2030. Et le plan d’Elon Musk avec SpaceX est clair depuis sa fondation : Faire de l’humanité une espèce multiplanétaire en colonisant Mars. Avec son projet de navette de transport interplanétaire d’une capacité de 100 personnes, il estime que le coût d’un ticket sera d’environ 200 000$. Ce qui, au final, n’est pas si hors de portée que ça. Le prix d’une belle maison en gros. L’ultime vision du patron de SpaceX est une ville d’un million d’habitant établi sur le sol Martien. Ça prendra des milliers de vaisseaux et des milliers de trajets, mais il pense que c’est un objectif atteignable entre 40 et 100 ans et si possible, durant son vivant.
Avec une ville d’une taille plus grande que Lyon, il y a plusieurs questions techniques qu’il faut prendre en compte comme les infrastructures, les ressources vitales, la production de biens, etc. Mais une question qui n’est pas souvent levée concerne la gouvernance d’une telle cité.
Car après tout, il n’y a aucun exemple dans notre Histoire vers lequel se reporter. Certes, quand on pense à colonisation, on a le Nouveau Monde en tête avec la découverte de l’Amérique par les Européens et les premières vagues d’immigration. La différence étant que sur Mars, on ne risque pas de trouver des locaux. Du coup, si on se reporte à cet exemple, cela signifierait que cette ville serait finalement considérée comme un territoire d’un pays. Tout comme l’étaient les premières colonies au 15e siècle. Mais le problème, c’est que la colonisation de Mars sera très probablement un effort commun de la part de la communauté internationale. Il y a peu de chance que ce soit uniquement les États-Unis comme pour le premier pas sur la Lune. Donc cette première ville ne sera pas un nouvel État ajouté en tant qu’étoile au drapeau américain !
On compare souvent ce que pourrait être le début de l’aventure Martienne avec les expéditions en Antarctique. Plusieurs stations de recherche ont été créées par différents gouvernements, peuplés par des scientifiques de nationalités variés. Le continent Antarctique est défini par le traité de 1959 qui le qualifie de territoire neutre, donc sans gouvernement. Mars sera surement colonisé de la même manière via un traité définissant son statut juridique, avec tout d’abord des stations de recherche multinationalité. Mais ensuite viendra, en parallèle aux recherches scientifiques, la colonisation visant à y installer une population permanente. Avec plusieurs pays participant financièrement à la colonisation et des centaines de nationalités représentées parmi les colons, la ville Martienne pourrait devenir la toute première cité de l’ONU. Ou d’une autre organisation mondiale visant à représenter l’humanité. Ou alors, elle pourrait être complètement indépendante et devenir une sorte de cité état ne répondant à aucune gouvernance de la part de la Terre.
Dans ce cas, quel système gouvernemental pourrait être adopté ? On peut déjà écarter certains types comme la monarchie. Même si l’idée d’un roi Martien est sympa, peu de chance pour que ça arrive étant donné le peu de monarchie réelle existante aujourd’hui (La Reine d’Angleterre étant plus un symbole qu’autre chose). Ou alors, il faudrait imaginer une sorte de coup d’État et la proclamation d’un nouveau régime, mais là, on s’égard un peu sur un scénario de Science Fiction. (Plutôt cool soi dit en passant !!). On peut aussi écarter la dictature totalitaire et l’autoritarisme pour les mêmes raisons. Un système basé sur l’anarchie, c’est à dire, l’absence de dirigeant est également peu probable dans la mesure où les risques seront très grands. Il y a des centaines de choses qui peuvent compromettre la survie d’une colonie sur une autre planète, surtout avec une ville d’un million d’habitants. L’absence de gouvernance n’est donc pas très recommandée dans ces cas-là ! Il nous reste donc la démocratie.
Elon Musk pense que Mars pourrait être géré plutôt via une démocratie directe qu’une démocratie représentative. C’est à dire une démocratie ou les citoyens exercent directement le pouvoir, sans être représentés par des politiciens élus. Tout simplement, car c’est bien plus facile aujourd’hui que par le passé. Par exemple, lorsque les États-Unis furent formés, envoyer une lettre pouvait prendre des semaines donc ce n’était même pas imaginable d’établir une démocratie directe où les personnes pouvaient voter directement les décisions politiques. En plus, beaucoup de personnes ne savaient même pas lire ni écrire. Mais on peut logiquement supposer que les communications sur Mars seront extrêmement rapides. Autant qu’elles le sont aujourd’hui avec internet. Si on arrive à établir une ville là-haut, on devrait pouvoir mettre la fibre optique également ! On peut supposer également que les Martiens seront suffisamment bien éduqués pour comprendre et donner leurs opinions sur des décisions politiques donc on a là tous les ingrédients pour une démocratie directe.
De nouveaux textes de loi seront probablement proclamés et ce serait une bonne idée d’en limiter le contenu. Nos lois font des milliers de pages et sont incompréhensibles pour le commun des mortels et je suis sûr que la majorité des ministres ne les ont jamais lus. Dans une démocratie directe, le but est de permettre à chaque citoyen de comprendre les lois qui les régissent et pour cela, vaut mieux éviter les pavés compliqués. Si une loi ne peut pas être écrite en quelques centaines de mots, c’est qu’elle ne devrait probablement pas exister tout simplement ! De plus, les lois ont en général une durée de vie illimitée ce qui entraîne une accumulation au fil des années. On commence avec 5 lois et on en arrive à des centaines. Sur Mars, ce serait une bonne idée de donner une limite de temps à chaque loi afin de pouvoir plus facilement les réexaminer et les renouveler ou pas. Et également d’avoir une règle qui rend plus facile la suppression d’une loi que d’en ajouter une.
Il faut également prendre en compte le développement de l’intelligence artificielle. Lorsque nous coloniserons Mars, nous aurons peut-être déjà développé des IA aussi performantes que l’Homme, voire même des super-intelligences. Ces IA pourraient facilement nous aider à gérer plusieurs aspects du fonctionnement de la ville Martienne, mais également nous diriger politiquement. Tout comme dans certains romans d’Isaac Asimov présentant Multivac, un super-ordinateur gérant la société et répondant aux questions des citoyens. L’idée d’être dirigé par un ordinateur fait un peu peur et c’est légitime, mais une super-intelligence pourrait finalement être notre meilleur moyen de gouvernance. Ce n’est qu’une hypothèse et il est évidemment très difficile de spéculer sur ce qu’une super-intelligence artificielle pourrait apporter à un système politique. En tous cas, force et de constater à travers notre Histoire, que nous avons bien du mal à trouver un système efficace faisant l’unanimité. La démocratie est le moins pire des systèmes comme l’a déclaré Winston Churchill, le meilleur reste donc à trouver et ce sera peut-être sur la planète rouge !
Il faut reconnaître que c’est très intéressant d’avoir un nouveau bac à sable pour expérimenter de nouvelles choses. Sur Terre, les systèmes politiques sont ancrés dans leur routine depuis des décennies voir des siècles et tous changements semblent impossible même si beaucoup de slogans de campagne prétendent le contraire. Une ville sur Mars sera le moyen idéal de penser différent la gestion politique et peut être que nous trouverons des modèles bien plus efficace et juste. Une fois les bases de la ville posées, technique et politique, ce sera un environnement fertile pour les entrepreneurs. Ils pourront créer de nombreuses entreprises, car tout sera à faire. Métallurgie, agriculture, informatique, commerce et même la restauration. La 1re pizzeria Martienne va faire la une des journaux à coup sûr !
Quoi qu’il en soit, la colonisation de Mars est un projet extraordinaire ! Ce sera à coup sûr, la plus grande prouesse de notre espèce et le début d’une nouvelle ère. Vous pourriez très bien vous demander ce qu’on va bien y faire ! Tout comme au 19e siècle, certaines personnes se sont demandé pourquoi construire un réseau reliant la côte Est à la côté Ouest des États-Unis. « Qu’est ce qu’on va bien pouvoir y faire à l’Ouest, il n’y a rien c’est qu’un désert ! » était surement une remarque courante à l’époque. Aujourd’hui, la Californie est le 1er État du pays en terme de population avec des villes comme Los Angeles et San Francisco. La Silicone Valley est un des pôles technologiques/créatifs les plus influents et innovant au monde tandis que Hollywood domine le secteur mondial du divertissement. Qui l’aurait cru lorsque les premières lignes de chemin de fer ont été posées ? C’est pareil avec Mars ! On ne peut prévoir ce que sera la vie là-bas dans 2 siècles, mais une chose est sûre. On doit y aller !
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