BioHydrogène : De l’hydrogène vert à partir des déchets alimentaires !

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BioHydrogène : De l'hydrogène vert à partir des déchets alimentaires !
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L’hydrogène connait un regain d’intérêt depuis plusieurs années. Certains pensent que c’est l’énergie du futur, d’autres une perspective irréaliste. Parmi tous les moyens de produire de l’hydrogène vert, nous allons nous intéresser à la microbiologie avec l’idée de bio-hydrogène sur lequel travaille Pierre-Pol Liebgott avec qui j’ai eu le plaisir de m’entretenir. Il est microbiologiste biochimiste à l’Institut Méditerranéen d’Océanologie de l’Université Aix-Marseille et chargé de recherche à l’institut de recherche pour le développement (IRD).

Tout cela dans le cadre des vidéos EchoScientifiques et à la demande de EchoSciences Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur en partenariat avec Play Azur.

Voyons donc quelles sont les promesses du bio-hydrogène…

Prenons un peu de recul sur le contexte en activant le filtre de la macro-histoire.
L’énergie est la seule monnaie universelle. Elle est nécessaire pour faire quoi que ce soit et anime littéralement la vie sur Terre qui dépend de la conversion photosynthétique de l’énergie solaire en biomasse végétale.

Les humains sont la seule espèce pouvant systématiquement exploiter les énergies extérieures à leur corps, en utilisant la puissance de leur intellect et une énorme variété de techniques. Les innovations dans la capacité à transformer l’énergie en chaleur, en lumière et en mouvement ont été une force dominante derrière notre progrès culturel et économique au cours des 10 000 dernières années. Historiquement, nous ne pouvons que constater que plus la consommation d’énergie est élevée, plus la richesse et la qualité de vie le sont également.

Tout cela a pris un tournant sans précédent durant la révolution industrielle avec l’utilisation des énergies fossiles qui a tout affecté : l’agriculture, l’industrie, les transports, les conflits, les communications, l’économie, l’urbanisation, la qualité de vie, la politique et l’environnement. Et c’est justement ce dernier point qui pose le plus gros problème aujourd’hui.

Pierre-Pol Liebgot : “Ces ressources fossiles, en fait, elles ont été accumulées et elles ont permis de séquestrer le CO2 qu’il y avait à l’époque. Tout s’est passé réellement au niveau du Carbonifère. D’ailleurs, le Carbonifère, c’est là où le charbon s’est créé. Et donc, pendant 60 millions d’années, la planète, les végétaux ont stocké le CO2 qu’il y avait dans l’atmosphère et l’ont mis sous terre. Ce que fait l’être humain, la société actuelle, c’est de dégager ce CO2 fossile, donc de relarguer du CO2 en plus. Et c’est là où il y a une problématique. On sait que le CO2 est un gaz à effet de serre. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on n’est plus sur un dérèglement climatique qu’un réchauffement climatique, même si la tendance est à un réchauffement. Et donc il faut trouver absolument un moyen d’avoir une transition énergétique. Quand on parle de transition énergétique, on parle soit d’utilisation d’énergies renouvelables, mais aussi d’aménagements en fonction des productions de CO2 actuelles, des productions d’énergies fossiles actuels. Justement, il y a une idée, c’est d’utiliser l’hydrogène. L’hydrogène qui serait le vecteur énergétique le plus propre, on va dire, pour en tirer de l’énergie.

1. Qu’est-ce que l’hydrogène ?

L’atome d’hydrogène est l’élément le plus abondant dans l’univers et le plus léger du tableau périodique. Sous forme moléculaire, on parle de dihydrogène (H2). Il compose la majorité du soleil et se trouve dans presque toutes les molécules des êtres vivants. Mais malgré son abondance, il demeure rare sous sa forme pure sur Terre en raison du fait qu’il est combiné avec d’autres éléments, comme l’oxygène dans l’eau ou le carbone dans les hydrocarbures comme les gaz naturels.

Contrairement au charbon ou au solaire, considéré comme source d’énergie primaire, l’hydrogène est un vecteur énergétique au même titre que l’électricité. C’est-à-dire qu’il est utilisé pour transporter et stocker l’énergie, la rendant disponible pour une utilisation a posteriori sous forme de chaleur, lumière ou travail mécanique.

Il existe plusieurs façons de produire de l’hydrogène. On retrouve entre autres le vaporeformage qui est la méthode la plus courante et consiste à faire réagir de la vapeur avec du gaz naturel comme le méthane pour produire de l’hydrogène gazeux et du CO2.

Et l’électrolyse qui utilise un courant électrique dans de l’eau, ce qui provoque la décomposition des molécules d’eau en hydrogène et oxygène. Mettez une pile 9v dans un verre d’eau salé et vous verrez des bulles se former. C’est le même principe.

Pierre-Pol Liebgot : “L’hydrogène, il faut savoir quelque chose d’important, ce qu’il peut être utilisé de deux manières différentes comme vecteur énergétique et comme réactif. Et au niveau mondial, l’hydrogène est produit en masse. Mais alors, quand je parle en masse, c’est des productions énormes d’hydrogène déjà à l’heure actuelle. L’année dernière, il y a eu 73 millions de tonnes d’hydrogène pur qui ont été produits.”

Mais si on produit autant d’hydrogène aujourd’hui, pourquoi est-ce qu’on en parle comme une énergie d’avenir ? Eh bien d’une part, l’hydrogène sert principalement comme réactif en industrie pour produire ? de l’acier ou l’engrais et pas comme vecteur énergétique. Ce qui ne le rend pas très utile pour la transition énergétique. Ensuite, sa production actuelle génère des gaz à effet de serre, ce qui lui vaut le nom d’hydrogène gris, noir ou brun. On trouve tout un spectre de couleur, du bleu au vert en passant par le rose qui dénote l’impact écologique de la production d’hydrogène.

Pendant longtemps, l’hydrogène vert n’avait que peu d’intérêt économique en raison de son cout élevé comparé aux énergies fossiles. Mais depuis la baisse du cout des énergies renouvelables, les efforts pour le rendre rentable se multiplient, via notamment par l’électrolyse issue d’énergie renouvelable. Lorsque l’électrolyse est produite à partir d’électricité de source nucléaire, on parle d’hydrogène rose. Et l’hydrogène gris devient bleu si le captage et le stockage du carbone sont utilisés. En gros, vous aspirez autant de carbone que vous le pouvez lors de la production.

Le Graal de l’hydrogène vert est de pouvoir réduire les couts de production pour entrer en compétition sur le marché des énergies. Il est estimé que cela pourrait être le cas si l’hydrogène vert coute entre $1 et $2/kg. Aujourd’hui, nous sommes entre $3 et $5/kg.

2. Les avantages de l’hydrogène

Une fois pur et sous forme gazeuse, l’hydrogène peut être brulé, ce qui génère de la chaleur pour du chauffage ou la cuisine au gaz, mais aussi pour faire tourner un moteur et propulser un véhicule de la même manière que l’essence ou le kérosène. Ou alors, il peut être mixé avec de l’oxygène dans la fameuse pile à combustible, ce qui produit de l’électricité. Utile également pour les véhicules à moteur électrique et d’une manière générale, tout ce qui nécessite de l’électricité. Dans les deux cas, la seule émission qui en résulte est de la vapeur d’eau. C’est le grand avantage.

Les piles à combustible ont une densité d’énergie plus élevée que les batteries, ce qui signifie qu’elles peuvent stocker plus d’énergie dans un volume donné. 1 kg d’hydrogène vont dégager 3 fois plus d’énergie que si on brule 1 kg d’essence. Très utile lorsqu’on envisage le fret routier, maritime ou l’aviation qui sont des transports lourds et longues durées. L’autre atout étant une recharge plus rapide. Même si les avantages semblent l’emporter sur les voitures électriques, il faut noter que les piles à combustible ne sont pas encore suffisamment au point pour avoir du sens économiquement, et lorsqu’elles le seront, les voitures électriques n’auront fait que s’améliorer, notamment sur les infrastructures, la rapidité de recharge et l’autonomie.

Le stockage d’hydrogène est également envisagé pour combler l’intermittence des énergies renouvelables. Par exemple, le surplus d’électricité d’une ferme solaire pourrait être converti en hydrogène par électrolyse afin d’être conservé, rendant le système énergétique beaucoup plus efficace.

Mais le solaire et l’éolien ne sont pas les seules options pour produire de l’hydrogène vert.

3. Le bio-hydrogène

Pierre-Pol et son équipe ont développé un système qui permet de produire de l’hydrogène à partir de biomasse, plus précisément de déchet organique. Et vu que l’on gaspille environ ⅓ des aliments produits, ça semble être “faire d’une pierre deux coups”. Ce projet est principalement mené en Tunisie au sein d’un laboratoire mixte international qui s’appelle BIOTECH H2.

Pierre-Pol Liebgot : “Et donc moi mon sujet de recherche sur ça, c’est de récupérer l’énergie qu’il y a dans la matière organique. Ce qu’il faut savoir c’est que la matière organique a beaucoup d’énergie. D’ailleurs, on s’en sert pour vivre nous aussi. Tout ce qu’on mange, c’est de la matière organique et c’est grâce à ça qu’on a de l’énergie, que je peux bouger mes bras. Et donc on voudrait récupérer cette énergie là, qui est plutôt sous forme de déchets, c’est-à-dire toute la matière organique que l’on dégage et que l’on jette dans nos poubelles. C’est récupérer cette énergie là pour en faire du bio hydrogène par l’intermédiaire de micro-organismes.”

Ces microorganismes proviennent de sources hydrothermales communément situées dans les fonds marins. Pour la petite anecdote, ces hyperthermophiles sont des candidats pour expliquer les origines de la vie sur Terre, autre sujet d’étude de Pierre-Pol Liebgott mais bien que fascinant, cela dépasse le cadre de cette vidéo.

Placés dans un bioréacteur, les microorganismes décomposent la biomasse et produisent de l’hydrogène par fermentation qui ressort sous forme de gaz. On parle alors de bio-hydrogène. Les avantages sont nombreux. En effet, la biomasse est omniprésente dans la grande majorité des régions de la planète. Elle ne nécessite pas de terre rare ou matériaux pouvant être au cœur de négociation géopolitique. Il n’y a pas de problème d’intermittence comme c’est le cas avec le solaire ou l’éolien. Et enfin, la production de bio-hydrogène repose sur des installations simples et mobiles.

Est-ce suffisant pour envisager une mise à l’échelle industrielle ?

Pierre-Pol Liebgot : “Avec notre bio hydrogène, on pourrait imaginer qu’il pourrait servir au niveau industriel aussi comme réactif. Maintenant, nous, dans notre intérêt, c’est plutôt avoir un vecteur énergétique. Ce serait plutôt s’en servir, par exemple, chez nous, quand on a des déchets, on met ça dans ce fameux bioréacteur, un fermenteur, on récupère de l’hydrogène que l’on utilise directement sous forme, soit de gaz à brûler, soit effectivement pour faire de l’électricité. Au même titre que quand on fait du compost par exemple. Il y a quand même un certain entretien à avoir. Eh bien, on pourrait faire la même chose effectivement chez nous, c’est à dire qu’on pourrait s’occuper de notre bioréacteur, donc de notre être vivant qui nous permettrait d’avoir du bio hydrogène. Donc ça n’implique pas énormément de dépense. Chacun se bouge pour arriver à le faire et d’ailleurs nous sommes dans cet objectif là. Je sais qu’aux États-Unis, tout s’est déjà démocratisé. Le fait d’avoir un mixeur au sein de l’évier où on va mettre déjà les matières organiques à l’intérieur. Donc on peut tout à fait s’imaginer, et d’ailleurs, on est en train de réfléchir à un système à peu près similaire où on récupère un jus, un jus fermentescibles qu’on va mettre dans un fermenteur à haute température.”

L’idée d’utiliser sa propre installation ménagère pour produire du gaz à partir de déchet de fruit et légumes, qui pourrait ensuite être utilisé pour se chauffer ou cuisiner est une idée séduisante et logique. Cela créer un cercle vertueux où chaque citoyen pourrait acquérir une certaine indépendance énergétique.

Pierre-Pol Liebgot : “Après, il y a d’autres systèmes biologiques de recherche sur lesquels on est, toujours sur une production de bio hydrogène et d’hydrogène avec des systèmes électrochimiques, et on est toujours avec des micro-organismes qu’on va mettre sur des électrodes. Et il s’avère que la bio catalyse devient beaucoup plus intéressante, si tant est qu’on puisse rajouter du courant si on veut avec des panneaux photovoltaïques donc de l’énergie renouvelable. Et là, on peut orienter le métabolisme où on veut. On peut permettre aux microorganismes de croître encore plus, de dégager beaucoup plus d’hydrogène. De même, directement faire les molécules de stockage de l’hydrogène, l’acide formique et de l’ammoniac. Donc, ce sont les nouvelles tendances de recherche. Et là, il y a des potentialités quand même de ce qu’on obtient comme résultat. On pourrait éventuellement imaginer même des systèmes industriels, une industrialisation de ce genre de production de bio hydrogène.”

Il faudrait utiliser toute l’électricité annuelle de l’Union européenne pour transformer la production actuelle mondiale d’hydrogène polluant par de l’hydrogène bas-carbone. La tâche semble être monumentale. Fin 2022, l’Union européenne a annoncé un investissement à hauteur de 14 milliards d’euros dans un plan hydrogène reparti sur plusieurs pays avec l’objectif d’accélérer la production et les infrastructures d’hydrogènes bas-carbone.

Pierre-Pol Liebgot : “Donc on parle effectivement d’essayer de produire de l’hydrogène bas carbone. Donc il y a la thermochimie qui est en train d’arriver. Le craquage du méthane qui est en train d’arriver. Tout ça conduit effectivement à moins de dégagement de CO2 dans l’atmosphère. Donc cet investissement hydrogène il se situe à ce niveau là, mais aussi au niveau des infrastructures pour essayer de faire du Power to gaz par exemple, c’est à dire de rajouter un peu d’hydrogène dans les circuits déjà existants où il y a du méthane, du butane ou des gaz qu’on utilise nous, dans nos cuisines. Donc tout ça, il y a des réflexions qui sont en train de se faire pour essayer de faire des investissements et aussi le gros investissement, c’est effectivement produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau.”

L’hydrogène a le potentiel d’être un acteur clé dans le futur paysage énergétique. C’est une source d’énergie propre et abondante qui peut être produite à l’aide de diverses méthodes, y compris des sources renouvelables telles que l’énergie solaire et la biomasse. Qu’il soit bleu, rose, vert ou bio, l’hydrogène possède encore des défis à relever afin d’être bas-carbone, tels que le besoin d’infrastructures et le coût élevé de production, mais nous avons fait beaucoup de chemin ces dernières décennies. Nul doute que la recherche fondamentale, comme celle de Pierre-Pol Liebgott va faire progresser la discipline pour en faire un vecteur d’énergie d’avenir.

Si vous voulez aller plus loin, vous trouverez ma conversation complète avec Pierre-Pol Liebgott sur la chaine d’EchoSciences, lien dans la description. Profitez-en pour regarder les autres épisodes de cette saison 5 des vidéos EchoScientifiques. Et vous pouvez consulter le support pédagogique du projet “solution, produire de l’hydrogène biologique” au lien suivant.

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