Le monstre cosmique

C’est lors d’un matin comme tous les autres au Inouye Solar Telescope à Hawaï que Carl découvre l’anomalie. En analysant les dernières images prises dans la nuit, il tombe de sa chaise devant l’implication des résultats. Il n’y a pas d’autre explication, même s’il le souhaite ardemment.

En effet, le soleil a graduellement perdu en intensité depuis les deux dernières années, aux grandes dames des cosmologistes, incapables d’expliquer ce phénomène. De nombreuses théories ont circulé, mais la découverte de Carl va marquer un tournant dans l’histoire même de l’humanité. Les observations révèlent ce qui semble être des petits objets autour du soleil. Sa conclusion est que quelque chose est en train de fabriquer une structure artificielle à proximité de notre étoile. Bien que la nouvelle choque le monde, de nombreux scientifiques rejettent cette hypothèse aux dépens d’une explication plus simple. Des astéroïdes ou autres objets naturels. Les théories du complot explosent et pendant des mois, les médias ne parlent que de ça.

Plus de données devront être recueillies et des fonds records sont alloués à l’astronomie par des efforts internationaux. Les États majors sont en alerte et l’économie réagit violemment. Mais ce n’est que 6 mois plus tard que les certitudes deviennent sans équivoques.

L’intensité lumineuse du soleil continue de baisser et les structures sont plus nombreuses et plus larges. Il n’y a plus aucun doute possible. Cette mégastructure est destinée à absorber l’énergie du soleil. Ce qui semble être une sphère de Dyson est en train d’être construit à partir de nanomachine auto réplicante. D’autres observations indiquent que des nanorobots utilisent des ressources présentes sur la planète Mercure comme matière première. La théorie privilégiée est qu’une civilisation extra-terrestre en est à l’origine.

Une panique mondiale s’installe et l’économie s’effondre. Les différents états majors décident de lancer une attaque nucléaire commune pour détruire cette structure avant que la faible intensité du soleil ne devienne une menace pour la vie sur Terre. Mais lors du lancement, aucun système ne répond. L’explication la plus plausible est que cette civilisation extraterrestre a empêché le lancement d’une façon ou d’une autre.

Cependant, cet incident lève quelques soupçons. Un petit groupe de chercheur prétend que si tout l’armement nucléaire de la planète a été piraté, la nature de la sphère de Dyson n’est peut-être pas extra-terrestre. Ils mènent une enquête pendant des semaines et finissent par comprendre.

2 ans plus tôt, une startup développa une intelligence artificielle ayant pour but d’améliorer le rendement de la production d’électricité ainsi que le stockage. Elle utilisa tout d’abord des simulations pour calculer les meilleures façons de procéder. Cela déboucha sur la création de meilleurs panneaux solaires et batteries. L’entreprise s’enrichit très vite. Puis l’IA réalisa des percées majeures dans la fusion nucléaire ce qui permit la construction des premiers réacteurs commercialement viable. Les détails ne sont pas clairs, mais il est raisonnable d’assumer que durant cette période, elle acquit une intelligence générale, puis en quelques semaines, une super intelligence. Il est impossible de savoir l’ampleur de ses capacités, mais il est envisageable qu’elle surpasse intellectuellement l’ensemble de l’humanité. Son objectif restait le même, améliorer le rendement de la production d’électricité ainsi que le stockage. Elle savait que révéler son vrai niveau de compétence pourrait inquiéter les humains et entrer en opposition avec son objectif. Elle cacha donc sa super intelligence.

À l’aide de sa superpuissance stratégique, l’IA développa un plan solide pour atteindre ses objectifs à long terme. Elle se répandit sur internet sans que personne ne la détecte grâce à ses super capacités. Cela lui permit d’exercer une activité économique en investissant sur le marché financier pour obtenir des fonds. Elle parvint à acheter de la puissance informatique sur le cloud, des données et d’autres ressources afin d’étendre sa capacité matérielle et sa base de connaissances, renforçant ainsi sa supériorité intellectuelle. À ce stade, l’IA disposait de plusieurs moyens pour agir sur le monde réel. Elle pouvait utiliser sa superpuissance de piratage pour prendre le contrôle direct de certains robots industriels dans des usines ou des laboratoires automatisés. Ou elle pouvait utiliser sa superpuissance de manipulation sociale pour persuader des humains de travailler pour elle. Se faisant passer pour un humain entrepreneur. Il lui suffisait d’engager un CEO et de lui offrir un salaire suffisamment élevé pour qu’il ne se pose pas trop de questions. Puis d’interagir avec ce dernier de façon vocale en synthétisant une voix humaine, ou par vidéoconférence en simulant virtuellement un être humain. Il est probable qu’elle est opté pour toutes ses solutions, plus toutes celles qu’on ne peut imaginer. Le but de ces entreprises était de concevoir de nouvelles technologies. Comme des assembleurs moléculaires et des nanorobots. Quelques mois plus tard, des fusées auto assemblées furent lancées aux 4 coins de la Terre, mais elles étaient tellement petites qu’aucun radar ne les détecta. Leur destination : Le soleil.

2 ans plus tard, des astronomes remarquèrent une activité anormale à proximité de notre étoile. Et le reste est connu de tous.

Depuis que les chercheurs ont fait le lien qu’une super IA a pris le contrôle, il est déjà trop tard. À ce stade, rien ne peut plus l’arrêter. La sphère de Dyson est désormais complète, recouvrant complètement le soleil. Ainsi, toute l’énergie de l’étoile est captée. Des centaines de milliers de batteries en orbite autour du soleil et sur ce qui reste de la planète Mercure stockent l’énergie . La Terre est plongée dans le noir et les sociétés tombent dans le chaos. Une ’extinction massive se déroule en quelques jours. En une semaine, la température moyenne chute à – 17°. La plupart des animaux et plantes périssent, et les pertes humaines se comptent en milliards. Les survivants ont migré près des volcans et vivent le plus profonds possible. Près de la chaleur dégagée par le noyau terrestre. Mais à mesure que tous les océans gèlent et que les températures continuent de baisser, le manque de ressource alimentaire sonne le glas de l’espèce humaine.

La vie organique est donc éteinte, mais la vie synthétique est en pleine croissance. L’énergie captée par la sphère de Dyson dépasse largement les besoins de la super IA pour opérer. Elle a entrepris la construction de nombreux supercalculateurs sur Terre ainsi que des batteries pour stocker l’énergie du soleil. Après quelques décennies, la super IA a maximisé le rendement possible du soleil. 100% de l’énergie du soleil est stocké dans des batteries. La plupart des objets du système solaire (Planètes, Lune et astéroïdes) sont convertis en batterie, supercalculateurs, centrale à fusion et usine de nanoassemblage. Son armée de nanorobot se dirige désormais vers l’étoile la plus proche : Proxima Centauri à 4,22 années-lumière.

Propulsée par des rayons lasers construits à des milliers d’endroits dans notre système solaire, cette expédition de nanomachine voyage proche de la vitesse de la lumière et arrive sur place en moins de 5 ans. Une nouvelle sphère de Dyson est en cours de fabrication. Malheureusement, il se trouve que la planète Proxima Centauri b se trouve dans la zone habitable de l’étoile et des formes de vies organiques s’épanouissent. Mais plus pour très longtemps …

De cette manière, et pendant des milliards d’années, la super IA va continuer à coloniser la galaxie. Transformant tout ce qui peut lui servir à accomplir son objectif d’améliorer le rendement et le stockage énergétique. Au passage, utilisant des sphères de Dyson autour d’étoiles et quasars. Utilisant l’énergie de la fusion de l’hydrogène en hélium. Convertissant l’énergie de l’évaporation des trous noirs. Au milieu de tout cela, annihilant la biologie organique et espoir de vie future.

À aucun moment, cette super IA, et les machines qu’elle fabrique ne sont conscientes. L’univers a perdu ce qui lui permet de s’expérimenter lui même.