La fin de la réalité

Tout public Fiction • Temps de lecture : 3 minutes
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Dans une grande pièce médicale, impersonnelle, aux murs couverts de diplômes et de brochures illisibles se trouve Monica, une jeune femme d’une trentaine d’année faisant face à 3 psychiatres. Les larges fenêtres situées derrière ces derniers révèlent un ciel enneigé au dessus d’une grande ville. Après une longue pause silencieuse, le psychiatre au centre allume un petit magnétophone pas plus grand que sa main. Il prend la parole : “Monica Martine Fat. 32 ans. Ingénieur en biochimie moléculaire. Pas d’antécédents psychiatriques. Pas de casier judiciaire. Pas de comportements violents ou anormaux avant les événements d’hier: Une tentative de suicide. Motif de l’entretien: évaluation du patient et diagnostic préliminaire.

Monica affiche un sourire glaçant. Les psychiatres restent de marbre.
“Dites nous…Quand le monde s’est-il dérobé sous vos yeux ?
– Tout s’est passé tellement vite … en une journée, à peine.”

Monica leur décrit sa rencontre, la semaine précédente, avec son voisin de palier. Elle rentrait des courses et tomba sur son voisin qui allait chercher le courrier. En le regardant, pendant une seconde, elle aperçu un air exagérément détaché. Un sourire faux, sans émotion. Des façades, des apparences, une coquille vide. Et dans son regard, ce noir terrifiant, sans aucun reflet, elle se dit que si les yeux sont le miroir de l’âme … alors lui, il n’en n’a aucune !

Les 3 psychiatres se regardent avec interrogation. Ils pensent que cet étrange témoignage ressemble à un délire névrotique.
“Vous pensez qu’il n’est pas réel ? Demande le psychiatre de gauche.
– Je pense que personne ne l’est … mis à part moi, répond Monica.
– Cela signifie que nous ne sommes pas réel non plus ? C’est une situation compliquée, car il est impossible de vous prouver le contraire.
– En effet … je pourrais m’arrêter là, mais il y a autre chose.
– Une chose de plus qui balaie vos certitudes ? demande le psychiatre au centre.
– TOUT, tourne autour de moi.
– Que voulez vous dire ?

Monica s’adosse bien au fond de sa chaise. En faisant un geste de la tête, elle demande : “Vous voyez cette porte derrière vous ?”

Les 3 psychiatres se retournent en même temps, comme d’un seul geste. La porte de la pièce est fermée.
“Je ne sais pas quand, ni comment, mais je sais qu’elle va s’ouvrir, affirme Monica. Parce que je le souhaite.
– Cela vous arrives t-il souvent ? demande le psychiatre de droite.
– D’ouvrir des portes ?
– De constater que le monde obéit à vos pensez ?

Toc toc toc. Un bruit de porte retentit et une infirmière ouvre la porte puis s’excuse immédiatement. Elle ignorait que la salle était occupée.

Les 3 psychiatres refont face à Monica qui affiche un large sourire.
“Vous ne voulez pas vous lever ? Demande-elle. Aller à la fenêtre, voir si le monde est toujours là ?”

Personne ne bouge. Après un long silence. Un des psychiatres se lève et se dirige vers la fenêtre. Il se stoppe devant, immobile.

Le psychiatre au centre éteint le magnétophone présent sur la table puis, d’une voix anormalement métallique, annonce : “Il est clair que vous n’acceptez pas la réalité. Vous ne devez pas la réintégrer. Du moins pas avant que je comprenne la défaillance.”

Monica se lève de sa chaise en la faisant tomber. Elle est surprise, choquée même par cette voix inhumaine. Les 3 psychiatres parlent désormais avec la même voix artificielle. Le psychiatre resté près de la fenêtre regarde le paysage. Il affiche un air inquiet. “Le temps presse.” dit-il.

Par la fenêtre, le paysage, la ville, la neige ont laissé place à un noir profond, sans reflet. Une obscurité plus sombre que la nuit, tel le cœur d’un trou noir.

Monica saisit sa chaise et la brandit comme une arme en criant “QU’EST CE QUI SE PASSE !”

Le psychiatre au centre annonce la vérité avec calme, sachant très bien la portée de ses mots : “Vous n’êtes pas dans un institut psychiatrique mais en route pour la planète Daedalus du système de Barnard, à 5,96 Années-Lumière, constellation d’Ophiuchus. Vous êtes membre de l’équipe internationale chargée du projet Daedalus Two, visant l’établissement prochaine de la première colonie Terrienne dans la Voie Lactée.”

Monica se calme, elle se souvient : “Vous êtes le vaisseau, c’est ça ?” Demande-elle.
– Je suis l’intelligence artificielle du vaisseau. Votre caisson cryogénique a subit un dysfonctionnement dans le processus de thermorégulation. D’après mes analyses, votre corps est stable mais vos neurones sont partiellement actifs. Je ne peux intervenir localement. La variation de température est trop infime et les probabilités d’un échec, trop importantes.”

Monica se remémore la mission. Comme tous les passagers, elle se trouve en congélation cryogénique durant la durée du voyage. Le vaisseau ne contient pas suffisamment d’air ni de provisions. La réveiller maintenant est donc impossible. L’IA a choisi de la placer dans une simulation combinant ses souvenirs à un environnement virtuel. C’est la procédure en vigueur pour éviter une souffrance psychique inimaginable : Être coincé dans un corps gelé, avec sa seule pensée pendant des décennies.

L’IA continue ses explications : “L’espèce humaine tend à comprendre le monde comme il le perçoit, et non tel qu’il est véritablement. Dans la majorité des cas, un rêve est aussi réel pour l’esprit que le monde physique. Vous auriez dû accepter cette réalité et y vivre pendant le reste du voyage. Seulement, un rejet eu lieu entraînant une série de bug comme chez votre voisin ou cette sensation d’être le centre du monde. Vous avez donc tenté de vous suicider”.
– Comment faire désormais ?
– Nous allons relancer la simulation. Vous allez vous réveiller comme si rien ne c’était passé, et vivre ici, dans ce monde virtuelle, jusqu’à ce que nous arrivions à destination. Êtes vous prêtes. C’est parti. 3 … 2 … 1 …
… Simulation réinitialisée.”

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