Société orwellienne : la surveillance de masse globale doit-elle devenir la norme ?

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Société orwellienne : la surveillance de masse globale doit-elle devenir la norme ?
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La plus grande erreur dans le roman “1984” de l’auteur Britannique George Orwell, c’est d’avoir diabolisé les instances gouvernementales et politiques tout en minimisant la bêtise des masses. Dans le livre, le but des technologies de communication est clair et brutal : Assurer la dominance de l’État. Les sinistres “Télécrans” présents dans tous les foyers répandent la propagande tout en servant d’outil de surveillance. La population est ainsi passive et le gouvernement tient fermement les rênes. Face à cette surveillance constante, les individus n’ont d’autre choix que de contrôler leurs comportements, museler leur liberté de penser et se conduire comme de parfaits citoyens modèles.

De nos jours, force est de constater que ce livre dépeint un scénario simpliste et hautement mélodramatique par rapport à la réalité quotidienne. Comme le prouve tous les jours Internet, nous n’avons pas a faire à un “Big Brother” tyrannique et totalitaire, mais bien à une vaste cohorte de “Little Brother” farceurs et malicieux équipés d’appareils dont Orwell n’aurait jamais pu imaginer l’existence en 1948, et qui surtout, ne répondent à aucune autorité organisée. L’atteinte à la vie privée s’est démocratisée et n’a même pas besoin d’être intrusive puisque beaucoup de personnes tournent leurs “lentilles” sur leur propre quotidien, dans une recherche d’attention parfois ridicule.

Pour Tyler Clementi, “Little Brother” a pris la forme d’un colocataire indiscret. En 2010, son camarade de chambre a piraté sa webcam pour l’observer avoir une relation intime homosexuelle et ensuite, posté les images sur Twitter. Deux jours plus tard, Tyler Clementi sauta d’un pont. Son colocataire n’avait aucun plan machiavélique si ce n’est l’envie d’embêter son camarade ce qui rend son acte encore plus dérangeant qu’une intrusion oppressive d’un gouvernement tyrannique. Celementi n’avait aucun moyen de savoir que “les murs avaient des yeux” contrairement au héros de “1984” qui sait être surveillé en permanence.

Dans l’oeuvre d’Orwell, l’abolition de l’espace personnel fait partie d’une politique gouvernementale alors que de nos jours, ce n’est souvent rien de plus qu’un effet secondaire de l’hyper connexion d’un monde informatisé. Avec l’ère “des vidéos virales”, des tranches de vie de parfaite inconnue peuvent se répandre à travers le globe en un rien de temps et sont, bien souvent, prises sur le vif, à l’insu des concernés. Alors parfois, le résultat peut être plutôt positif comme le cas d’un homme qui a filmé discrètement sa copine en train de se trémousser devant son jeux vidéo. Une fois sur YouTube, le buzz a rendu célèbre la jeune femme et elle a même pu participer à une émission Américaine. Il y a également des cas où “Little Brother” rend service à la société en révélant des comportements antisociaux voire même contre l’Humanité. Un des cas les plus célèbres est celui de la prison d’Abu Ghraib où des soldats Américains “s’amusaient” avec des prisonniers Irakiens. Ces scènes de torture n’auraient jamais pu voir le jour si “Little Brother” n’avait pas été dans le coin. Malheureusement, il y a aussi des cas où la situation se trouve être choquante comme le cas de cette mère qui a découvert que la webcam de la chambre de sa fille de 8 ans était en direct et accessible à tous sur le net à cause d’un piratage.

Dans ce Youtube-Topia qu’est notre monde, le flux d’information part dans toutes les directions sans contrôle, sans être guidé par un gouvernement, ne servant aucun partie, pour le meilleur ou pour le pire. Orwell n’aurait jamais pu voir venir ce genre de société, lui qui vivait à une époque baignant dans le fascisme, le totalitarisme et les idéologies raciales. Aujourd’hui, on commence la journée par faire un tour sur Internet et soudain, on remarque une annonce à propos d’une image insolite prise par Google Street View. On clique par curiosité et on tombe sur une image d’un couple faisant l’amour dans une voiture ou plus glauque, un cadavre dans une ruelle d’un bidonville. Un sentiment malsain de voyeurisme nous assaille, mais très vite, on quitte la page pour aller vérifier nos mails ou la météo de la semaine. “Big Brother” lui-même n’est pas aussi froid et distant. Il a au moins un motif clair, celui de maintenir l’ordre et annihiler toute rébellion. Mais les “Little Brohers” que nous sommes n’avons aucune idée précise de ce que l’on recherche exactement lorsqu’on s’immisce dans l’intimité des autres. Un sentiment d’omnipotence ? La gratification d’une curiosité sans intérêt ? Cette consommation d’images volées (voir même production) est comme une histoire sans intrigue. Tragique comme pour Tyler Clementi ou presque comique comme la jeune femme rendue célèbre par le voyeurisme qu’elle a subit.

Notre civilisation est fragmentée, divisée contre elle même de l’intérieur avec pratiquement la même technologie qui, dans le roman d’Orwell, sert à maintenir la stabilité et l’unité. Par comparaison, la vision cauchemardesque Orwellienne paraît presque rassurante et confortable. Certes, “Big Brother” étouffe toutes dissidences en forçant la conformité chez ces citoyens, mais au moins, ces intrusions dans l’intimité sont prévisibles et gérables et le mot “vie privée” garde tout son sens. “Little Brother” est plus vicieux. Déjà, car il réside chez chacun de nous et non pas dans une sorte de base isolée. Ensuite, car il rend la séparation entre vie privée et vie publique beaucoup plus floue et ne sachant plus où se situe la limite, on les traite de manière identique. N’ayant nulle part où se cacher, vous pourriez très bien vous dire qu’il vaut mieux rendre sa vie publique et vous asseoir sur votre dignité personnelle. Si Tyler Clementi avait opté pour cette solution, il aurait fait de sa vie une télé-réalité en invitant “Little Brother” chez lui au lieu de le garder le plus loin possible en mettant fin à ses jours. Nos secrets intimes sont donc de plus en plus menacés et pas par un gouvernement dictatorial. Avec la prolifération des outils d’enregistrements de plus en plus sophistiqués, les objectifs et microphones pointent dans toutes les directions et se retrouvent dans les mains de chacun. Des compilations de chutes (Fails en Anglais) font des millions de vues par pur plaisir de voir des inconnues se ridiculiser, parfois à leur insu, parfois pleinement conscient. Pire, que dire des vidéos compilant des décès filmés par webcam ou téléphone ? Ces vidéos là font également des millions de vues. Et le phénomène du “Revenge Porn” qui consiste à publier des séquences sexuelles pour se venger de son ex à cause d’une rupture douloureuse ! Là aussi, des millions de vues. Le voyeurisme serait-il devenu un synonyme de notre civilisation hyper connectée ?

Et là, je parle uniquement du web. Mais il existe sa face sombre appelée le “Dark Web” … Si vous voulez acheter de la drogue, des armes voir même des jeunes filles ayant été kidnappé dans un pays pauvre, vous trouverez ! C’est non seulement le côté obscur d’Internet, mais également celui de l’Humanité. “Little Brother” y tient une place des plus horribles avec les “Red Rooms”. De petits groupes de personnes ayant accès à un site où ils peuvent non seulement voir à travers une liaison directe, une victime se faire torturer, mais également donner des ordres, des indications. “Enfonce-lui des clous sous les ongles !” et le bourreau se met à la tâche. Considérées comme une légende urbaine dans la culture populaire, les “Red Rooms” ne sont peut-être que l’invention d’une peur collective de ce qu’Internet pourrait produire. Si elles n’existent pas, la question est pour combien de temps ?

Il semblerait également que capturer un moment de sa vie soit plus important que de le vivre. Combien de fois ai-je vu des centaines de personnes passant l’ensemble d’un concert, les yeux rivés sur leurs téléphones en train de filmer ! Certes, ils doivent faire ça pour garder une trace, un souvenir de ce moment. Mais alors, pourquoi le mettre sur YouTube, Facebook ? Pourquoi le partager et demander des “J’aime”, des partages ? Serait-ce pour montrer à ses “Amis” à quel point leur vie est intéressante ? Qui s’en soucis vraiment ? Et lorsqu’un homme se noie dans la rivière, pourquoi le premier réflexe ce n’est pas d’aller le sauver, mais de sortir son téléphone pour filmer la scène ? Oui, ça semble être un peu exagéré … mais est-ce que ça l’est vraiment pour tout le monde ?

Il faut bien comprendre que nous ne sommes pas sous la surveillance du gouvernement, de la NSA ou d’une organisation secrète dont le but est de diriger le monde. À moins que vous n’ailliez l’intention de faire sauter la tour Effel, les autorités ne vont pas espionner votre téléphone ou votre ordinateur. Non, celui qui vous regarde c’est un gosse qui s’ennuie à l’autre bout du monde ou votre voisin qui va pirater votre webcam lorsque vous serez à poil dans votre chambre juste pour se venger de votre voiture mal garée devant chez lui.

Quel est l’avenir de “Little Brother” ? Difficile à dire, mais il sera présent encore un moment. Dans un monde où filmer + publier en ligne se fait en deux cliques, où pirater un compte ou une webcam s’apprend sur YouTube, on risque de rencontrer de plus en plus de cas dérangeants. Le “Dark Web” pourrait produire des contenus d’une horreur absolue devant les yeux de plus en plus de voyeur/participant et la vie privée pourrait tout simplement cesser d’exister tel qu’on la connait. Qu’en pensez-vous ?

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