Plan B Après la Mort : Cryonics, Biostase avec Syd Lonreiro
Partie 2/2 de la série biostase- Partie 01
- Partie 02
Dans cet épisode de Humain, Demain, nous accueillons Syd Lonreiro, un jeune passionné de cryogénisation. Nous explorons avec lui les différents aspects de cette technologie, de sa définition à ses applications potentielles, en passant par les enjeux éthiques et les perspectives futures. Un échange fascinant sur la prolongation de la vie et les frontières de la mort.
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Sommaire :
0:00:00 Introduction
0:02:05 Définition des termes Cryonie, Cryogénie, biostase …
0:02:58 Les raisons de la Cryonie
0:05:57 Définition de la mort clinique
0:11:41 Ce qu’il est possible de faire aujourd’hui
0:17:35 La prise en charge de la personne pour la cryonie
0:23:32 Comment réanimer les personnes cryo
0:31:59 La probabilité de se réveiller après la cryonie
0:40:26 Les risques que le futur soit un enfer
0:48:34 Les cout économique et écologique de la cryonie
0:51:28 Preuve de faisabilité sur les animaux
0:53:07 Les entreprises de cryonie
0:57:39 Les aspects juridiques de la cryonie
1:02:49 S’inscrire à un service de cryonie
Au sommaire
La Biostase : Un Pari Audacieux sur l’Avenir et la Technologie
Le désir humain de repousser les limites de la vie, voire de la mort elle-même, n’est pas nouveau. Des mythes anciens aux quêtes alchimiques, l’immortalité a toujours fasciné. Aujourd’hui, cette fascination prend une forme résolument technologique avec la cryogénisation, ou plus précisément, la biostase. Syd Lonreiro, un jeune passionné par le sujet, partage ses connaissances approfondies et sa perspective sur cette discipline controversée, offrant un aperçu fascinant d’un domaine où la science-fiction rencontre la médecine d’urgence et la spéculation philosophique.
Du Transhumanisme à la Biostase : Un Parcours Personnel
L’intérêt de Syd Lonreiro pour la biostase n’est pas né dans le vide. Il découle d’une curiosité plus large pour le transhumanisme – l’idée d’augmenter les capacités humaines grâce à la technologie – et la prolongation de la vie. Initialement intrigué par la colonisation spatiale et le paradoxe de Fermi, Syd s’est tourné vers les questions liées à l’amélioration humaine. Comme beaucoup, il a d’abord rejeté la cryogénie, la considérant potentiellement comme une arnaque. Cependant, une plongée dans la littérature scientifique, les rapports de cas et des ressources comme le site Cryonics Archive l’a amené à réévaluer sa position. Ce changement d’avis, basé sur l’information et la réflexion critique, l’a conduit à prendre une décision personnelle forte : s’inscrire à un programme de biostase dès sa majorité.
Clarifier le Vocabulaire : Cryogénie, Biostase, et Fixation
Le champ lexical entourant la préservation à basse température peut prêter à confusion. Syd souligne les distinctions importantes. La « cryogénie » et la « cryogénisation » se réfèrent souvent au domaine plus large de la cryobiologie (l’étude des effets des basses températures sur les organismes). Le terme « cryonie » (cryonics en anglais), bien qu’historiquement utilisé pour la préservation humaine, a été quelque peu décrédibilisé. C’est pourquoi le terme « biostase » gagne en popularité pour désigner la mise en pause des processus biologiques dans le but de préserver la structure informationnelle d’un individu. La « fixation », quant à elle, renvoie à des méthodes de préservation chimique (comme l’aldéhyde), distinctes de la préservation par le froid utilisée en biostase. L’objectif fondamental de la biostase, selon Syd, est de « préserver l’information qui fait un être vivant, le connectome, en attendant qu’on puisse réanimer la personne dans un état sain » lorsque la technologie future le permettra.
Redéfinir la Mort : Une Question d’Information
L’un des piliers conceptuels de la biostase est une redéfinition de la mort. Historiquement, l’arrêt de la respiration ou du cœur suffisait à déclarer un décès. Aujourd’hui, la définition légale repose souvent sur l’arrêt irréversible de l’activité cérébrale. Cependant, les partisans de la biostase, s’appuyant sur les travaux de chercheurs comme Ralph Merkle, adoptent la notion de « mort théorique par l’information ». Selon ce concept, une personne n’est véritablement « morte » que lorsque l’information encodée dans les structures cérébrales (mémoire, personnalité) est irrémédiablement détruite ou ne peut plus être déduite. Syd explique que même des heures après l’arrêt cardiaque, l’ultrastructure cérébrale qui contient cette information peut être remarquablement bien préservée. L’argument est que, si la technologie actuelle ne peut pas inverser les dommages et relancer les fonctions, une technologie future (notamment la nanotechnologie moléculaire) pourrait potentiellement le faire, tant que la structure informationnelle de base subsiste. La mort devient ainsi une limite technologique actuelle plutôt qu’un état absolu et définitif, du moins pendant une certaine fenêtre temporelle post-arrêt cardiaque (potentiellement jusqu’à 36-48 heures, bien que la qualité de la préservation diminue avec le temps).
Le Processus de Biostase : Bien Plus qu’un Simple Congélateur
Contrairement à l’image simpliste de la congélation domestique, la biostase est une procédure médicale d’urgence complexe et coûteuse. Syd décrit les étapes idéales :
Stabilisation Immédiate : Dès l’arrêt cardiaque (mort légale prononcée), une équipe spécialisée (SST – Standby, Stabilization, and Transport) intervient. Elle utilise des dispositifs de réanimation cardio-pulmonaire pour maintenir une circulation minimale, administre des médicaments protecteurs pour limiter les dommages ischémiques (liés au manque d’oxygène), et refroidit rapidement le corps dans un bain d’eau glacée.
Transport : Le sang est souvent remplacé par une solution de préservation d’organes pour le transport (parfois directement par le cryoprotecteur si la distance est courte). Le patient (corps entier ou seulement la tête/cerveau pour l’option « neuro ») est transporté sous glace sèche vers les installations de l’organisation de biostase.
Cryoprotection et Vitrification : Aux installations, une perfusion de cryoprotecteurs (comme le M22 ou le VM1) est réalisée. Ces substances remplacent une grande partie de l’eau corporelle (environ 60%) et agissent comme un antigel, empêchant la formation de cristaux de glace destructeurs lors du refroidissement. L’objectif est la vitrification : solidifier le corps dans un état amorphe, semblable à du verre, plutôt que de le congeler.
Refroidissement Final et Stockage : Le patient est refroidi progressivement jusqu’à la température de transition vitreuse (environ -124°C), puis plus lentement jusqu’à la température de stockage final, généralement -196°C dans l’azote liquide. Les patients sont ensuite placés dans de grands conteneurs isolés appelés « Dewars », souvent plusieurs par Dewar pour optimiser l’espace et les coûts (la tête en bas pour protéger le cerveau en cas de baisse du niveau d’azote).
État de l’Art et Preuves de Concept
Bien qu’aucun humain n’ait jamais été réanimé après une biostase, des avancées expérimentales existent. Syd mentionne la vitrification et la transplantation réussie de reins de lapin, la préservation et le retour d’activité électrique dans des cerveaux de lapin, et surtout, une expérience de 2015 où des nématodes (C. elegans) ont été vitrifiés, décongelés, et ont montré une rétention de leur mémoire apprise. Bien que l’échelle soit très différente du cerveau humain, ces expériences démontrent que la vitrification peut préserver des structures biologiques complexes, y compris celles liées à la mémoire, à des températures cryogéniques. La préservation d’ovules et de spermatozoïdes est une application déjà courante de la cryobiologie.
Logistique et Accessibilité : Défis et Réalités
La qualité de la biostase dépend crucialement de la rapidité d’intervention. Les États-Unis sont actuellement les mieux desservis, avec des organisations comme Alcor et Tomorrow Biostasis disposant d’équipes SST dédiées. Ailleurs, comme en Europe (malgré la présence de Tomorrow Biostasis/EBF en Suisse et le projet d’Alcor en Suède) ou en Australie (avec Southern Cryonics), la couverture est moins dense. La France, en particulier, présente un cadre légal restrictif interdisant le stockage à long terme sur son sol, bien que la stabilisation et le transport vers l’étranger soient autorisés.
Contrairement à l’idée reçue, la biostase n’est pas exclusivement réservée aux ultrariches. Syd explique que la majorité des membres financent la procédure (qui coûte des dizaines voire des centaines de milliers d’euros) via une assurance-vie spécifique, rendant les paiements mensuels comparables à ceux d’autres assurances (quelques dizaines à une cinquantaine d’euros par mois selon l’âge et l’option), la rendant accessible à la classe moyenne. Les organisations principales (Alcor, Tomorrow Biostasis, Cryonics Institute) sont généralement des structures à but non lucratif ou des fondations gérées par des passionnés eux-mêmes inscrits, dissipant en partie les craintes d’arnaque purement lucrative.
L’Espoir (et les Spéculations) de la Réanimation
Comment ramener quelqu’un à la vie après des décennies ou des siècles en biostase ? C’est là que la spéculation technologique prend le relais. S’appuyant sur les travaux d’Eric Drexler et surtout le livre « Cryostasis Revival » de Robert Freitas, Syd évoque la nanotechnologie moléculaire : des milliards de nanorobots médicaux capables de réparer les dommages cellulaires et moléculaires, neurone par neurone, atome par atome. Deux scénarios principaux sont envisagés : la réparation physique du corps original ou le scan destructif suivi d’une reconstruction (soit physique, soit par « téléchargement de l’esprit » / mind uploading dans un substrat informatique).
Pour les patients « neuro » (tête ou cerveau seul), diverses options de ré-incorporation sont imaginées : culture d’un nouveau corps biologique cloné, corps robotique avancé, ou existence purement virtuelle. Cela soulève d’intenses débats philosophiques sur l’identité personnelle : la continuité physique du substrat est-elle nécessaire, ou la continuité informationnelle et psychologique suffit-elle ?
Probabilités, Risques et Perspectives
Quelle est la probabilité de succès ? Personne ne peut le dire avec certitude. Elle dépend de multiples facteurs : la qualité de la préservation initiale, la pérennité des organisations de stockage, la survie de la civilisation humaine, le développement effectif des technologies de réanimation nécessaires, et la volonté future de réanimer les patients. Syd mentionne une estimation de Steven B. Harris dans les années 80 autour de 14%, soulignant que même une faible probabilité est préférable à la certitude du néant offerte par l’enterrement ou la crémation (en dehors des croyances religieuses ou de spéculations extrêmes comme la résurrection quantique).
Le podcast aborde aussi les risques potentiels : l’effondrement des organisations, les catastrophes naturelles ou humaines, et même des scénarios dystopiques où des esprits réanimés pourraient être exploités ou torturés dans des simulations (« mind crimes »). Syd reste cependant optimiste sur ce dernier point, arguant que la réanimation serait probablement effectuée par une lignée continue de cryonicistes partageant une éthique valorisant la vie, rendant la torture intentionnelle improbable et contre-productive. Il voit d’ailleurs la réanimation comme un objectif lointain (plusieurs siècles), nécessitant des avancées technologiques bien au-delà de nos capacités actuelles, même en tenant compte des progrès rapides de l’IA.
Conclusion : Un Plan B pour l’Éternité ?
La biostase apparaît moins comme un plan A désirable (personne ne souhaite finir dans un Dewar) que comme un « plan B » ultime, une police d’assurance contre l’échec des thérapies de longévité ou contre un accident prématuré. C’est un pari sur l’ingéniosité future, une tentative de franchir le gouffre de la mort en préservant l’essentiel : l’information qui nous constitue. C’est une démarche qui soulève des questions fondamentales sur la vie, la mort, l’identité et la valeur que nous accordons à l’existence. Bien que spéculative et technologiquement dépendante, la biostase représente, pour ses partisans comme Syd Lonreiro, une alternative rationnelle offrant une lueur d’espoir, si infime soit-elle, face à l’alternative de l’oubli définitif. Pour ceux qui souhaitent approfondir, le site Cryonics Archive est recommandé comme une ressource clé.
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Si vous avez des remarques ou des interrogations à propos de cet épisode, vous êtes bien entendu libres de les poster en commentaires juste en dessous.
On vous souhaite une bonne écoute.