Les arguments pour et contre l’immortalité
L’immortalité est une des plus vieilles quêtes de l’humanité et le tout premier récit littéraire de notre histoire connu le confirme. En effet, l’Épopée de Gilgamesh, écrit aux alentours de – 2000 avant notre ère en Mésopotamie, relate la quête du roi Gilgamesh pour trouver l’immortalité. Mais sans forcément parler d’immortalité, vivre plus longtemps et en meilleure santé est un désir qui transcende les cultures et les générations. Un désir qui pour la première fois dans notre histoire, et en mesure d’être exaucé grâce aux avancés techno-scientifique.
Pourtant, malgré cet intérêt fondamental de notre espèce, de nombreuses objections ont émergé au fil du temps contre l’idée d’étendre la durée de vie humaine. J’en ai soulevé certaines dans une vidéo sur la fable du dragon tyran de Nick Bostrom, que je vous invite à aller voir.
Dans cet épisode, on va faire un tour assez bref et non exhaustif de plusieurs objections et tenter d’y apporter des réponses ou contre argument. Certaines sont en effet des sortes d’intuitions générales que l’on a sur ce sujet, mais qui ne sont pas motivées par les faits et la pensée rationnelle. L’idée ce n’est pas de dire je suis pour, car c’est cool ou je suis contre parce que c’est du transhumanisme. Comprendre l’ampleur du scepticisme envers l’extension de la longévité est crucial pour progresser vers une discussion plus efficace sur un sujet qui va fondamentalement changer nos sociétés futures. Beaucoup de ces objections ont été trouvées sur le site www.lifespan.io/ qui encourage la recherche pour mettre fin au vieillissement biologique.
On peut catégoriser les objections en quatre grandes catégories :
Qualité de vie : Qui concerne l’état subjectif d’une personne qui vit plus longtemps.
Sociale : Qui concerne les implications sociétales si les humains vivent plus longtemps.
Nature et environnement : Qui concerne les implications environnementales si les humains vivent plus longtemps.
Technique : Qui concerne la faisabilité des technologies visant à augmenter la longévité.
Plongeons sans plus attendre dans la liste des objections.
Au sommaire
1) Vieillir a de bons côtés (Objection qualité de vie)
Ceux qui soulève cette objection affirment qu’avec le vieillissement vient l’expérience, que plus tard dans la vie les gens sont généralement plus heureux, plus accomplis, ont plus de compétence et de maîtrise de leur artisanat, etc. Je n’ai rien à y objecter, sauf que toutes ces belles choses sont une conséquence possible du vieillissement chronologique, certainement pas du vieillissement biologique. Il ne faut pas confondre les deux. Si on allonge la durée de vie en bonne santé, on vieillira toujours chronologiquement avec tous les bons côtés que ça apporte. C’est même une des raisons pour laquelle j’aimerais vivre plus longtemps.
2) Vivre plus vieux c’est être encore plus malade et affaibli. (Objection qualité de vie)
Évidemment que le but ce n’est pas de maintenir une personne en vie juste pour le plaisir jusqu’à qu’on se retrouve avec un tas d’os qui ne peut même plus bouger. Le premier objectif de la lutte contre le vieillissement c’est d’éliminer les effets négatifs comme les maladies liées à l’âge, la dégénérescence cellulaire, la perte de mobilité, de capacité cognitive, etc. En faite, c’est simplement de maintenir les gens en bonne santé. Mais l’effet secondaire de la bonne santé, c’est la longévité. Il n’y a aucun moyen d’atteindre une durée de vie beaucoup plus longue que la nôtre, à moins que nous ne puissions maintenir notre état de santé à un niveau similaire à celui d’un âge plus jeune.
3) Le vieillissement est naturel. Vouloir rajeunir ne l’est pas. (Objection nature et environnement)
L’appel à la nature est un biais cognitif bien connu. Mais il faut un peu plus de nuance. Tout ce qui est naturel n’est pas bon pour vous, et tout ce qui est non naturel ou artificiel n’est pas mauvais pour vous. Vêtements, maison, ordinateurs, vaccins, lunettes, tous non naturels, mais ils sont très bons pour vous. D’un autre côté, la grippe, le paludisme, le cancer, une tornade, un impact d’astéroïde sont des plus naturels, mais nous essayons généralement de les éviter c’est le moins qu’on puisse dire. Peu importe que le vieillissement et le rajeunissement soient naturels ou non. La vraie question qu’il faut se poser c’est si vivre plus longtemps en meilleure santé contribue à une réduction significative de la souffrance. Il me semble que oui.
4) Nous ne serons pas en mesure de payer les retraites (Objection sociale)
C’est plutôt l’inverse en faite. Des personnes “rajeunies” n’auraient pas besoin de pensions de la même manière qu’aujourd’hui, car elles seraient toujours jeunes, biologiquement parlant, peu importe leur âge chronologique, et donc elles pourraient très bien travailler à tout âge. Peut-être auraient-elles besoin de prendre un congé sabbatique de quelques années, toutes les décennies, mais ils n’auraient pas besoin d’une pension pour le reste de leur vie après avoir atteint un certain âge. Avec le rajeunissement, les gens peuvent travailler dans un domaine pendant 30 ans par exemple, puis prendre un congé de quelques années seulement (au cours duquel ils obtiennent de l’argent de l’État ou vivent de leurs propres économies), et finalement retournent au travail. Il faut bien avoir en tête qu’une société qui ne vieillit plus biologiquement sera organisée de manière très différente que la nôtre. Considérons aussi que la médecine regénérative arrivera dans un futur plus ou moins lointain qui aura également évolué dans d’autres domaines technologiques. Par exemple en Intelligence artificielle et robotique. Ainsi la notion de travail va surement changer drastiquement, peut être même bien avant que nous vivions plus longtemps.
5) Vivre plus longtemps entraînerait une surpopulation. (Objection nature et environnement)
La seule façon d’éviter la surpopulation est la baisse des taux de natalité. On le voit bien dans les pays développés. Tout ce qui dépasse le niveau de remplacement de la fertilité entraînera une croissance de la population, même si nous ne développons pas de traitement contre le vieillissement biologique. En termes d’espace, c’est sur qu’au coeur de New York c’est surpeuplé, mais la Terre a la capacité d’accueillir bien plus d’êtres humains. Avant de vraiment manquer de place, il faudra encore beaucoup de siècles, et nous aurons probablement des moyens de vivre dans l’espace ou sur d’autres planètes d’ici là. En termes de ressource, encore une fois l’évolution technologique ne va pas s’arrêter dès qu’on aura trouvé comment rajeunir la population. Des systèmes de conversion énergétique et production alimentaire plus efficaces et d’autres technologies (fusion, OGM, carniculture, impression 3D) nous permettra de produire plus avec moins, ce qui aura un impact environnemental bien moins négatif. Moralement parlant, cette objection implique que le droit à la vie de personnes déjà existantes est moins important que le droit à la vie de personnes potentielles qui n’existent encore même pas. C’est une position qui peut se tenir avec certains arguments, mais au final l’un n’empêche pas l’autre. Nous ferons toujours des enfants si on double ou triple notre durée de vie.
6) Le rajeunissement entraînerait une stagnation culturelle. (Objection sociale)
Certaines personnes deviennent plus hostiles aux changements lorsqu’elles vieillissent, mais peut-on vraiment en faire une généralité ? Il y a aussi des exemples de senior qui sont complètement immergés dans la technologie et la culture moderne. L’idée de stagnation culturelle est une idée préconçue et certainement pas une règle qui s’applique à chaque génération. La raison pour laquelle les jeunes ont plus de facilité à apprendre de nouvelles choses et à accepter le changement que les personnes âgées ne tient pas seulement au fait que les jeunes n’ont pas autant de préjugés que les personnes âgées, il faut également tenir compte du fait que les cerveaux plus jeunes sont généralement plus plastiques. La neuroplasticité est la capacité du cerveau à former de nouvelles connexions neuronales, ce qui nous permet d’apprendre et de changer. Cette capacité ainsi que la neurogenèse tendent à diminuer avec l’âge, même si elles ne disparaissent pas complètement. Ainsi, si l’ouverture d’esprit est au moins en partie enracinée dans notre biologie, il n’est pas exagéré de penser que la médecine regénérative pourra la restaurer chez les personnes âgées.
6) Le rajeunissement sera réservé aux riches.
Toutes les nouvelles technologies commencent par coûter cher, puis elles deviennent généralement plus abordables à mesure qu’elles deviennent plus fonctionnelles et plus faciles à mettre en œuvre. De plus, on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’État subventionne la médecine regénérative, pour une simple raison. À l’heure actuelle, une fois qu’une personne atteint l’âge de la retraite, l’État perd des tonnes d’argent sur trois fronts: la pension de la personne, la richesse qu’elle ne produit plus et les traitements gériatriques pour aider la personne à faire face aux maladies liées à l’âge. Cependant, pour chaque citoyen, l’État ne devra payer les traitements de rajeunissement qu’une fois toutes les quelques décennies, disons. Ensuite, même si on admet que seules les riches vivent plus longtemps, est-ce que c’est fondamentalement mal ? Les riches sont des êtres humains, pour quoi vouloir les empêcher de moins souffrir ? Et il y a bien plus de chance que le traitement du vieillissement se généralise à toute la population s’il commence par être uniquement accessible au plus riche, plutôt que si on bannit cette technologie avant même qu’elle soit possible. Toute inégalité d’accès à ces technologies sera probablement de courte durée. Le séquençage de l’ADN coûtait des milliards en 1999, aujourd’hui n’importe qui peut le faire pour quelques centaines d’euros. Et il est bien plus probable que les traitements du vieillissement biologiques soient prescrits de manière régulière par son docteur plutôt qu’un bain d’eau magique à plusieurs millions que l’on prend tous les siècles.
7) Vivre des siècles sera ennuyeux. (Objection qualité de vie)
Généralement, lorsqu’on s’ennuie on cherche quelque chose d’intéressant à faire et hop on ne s’ennuie plus. Un ennui n’est que temporaire et ne concerne pas la vie en général. Nous ne sommes pas prêts de manquer de choses à faire et en plus, de nouvelles choses sont créées et découvertes tout le temps. Est ce que les gens qui vivaient en 1600 auraient eu raison de penser qu’il n’y aurait rien de nouveau à faire au 21e siècle? Les personnes décédées au 17e siècle ont raté toute la musique, l’art, la littérature, la science, la technologie, le divertissement et les découvertes faites au cours des siècles suivants, et si quelqu’un pense qu’il n’y aura pas grand-chose de nouveau à faire, à apprendre et à découvrir après, disons, 2100, il ne peut pas être sérieux. D’autant plus que le terrain de jeu est susceptible de s’agrandir si l’humanité se répand dans le système solaire au cours des siècles prochains. Bref, si l’on pense que vieillir c’est s’ennuyer de plus en plus, c’est surement une généralisation. Et si une personne âgée aujourd’hui passe beaucoup de temps à s’ennuyer, il faut se demander si ce n’est pas en partie, car elle a perdu beaucoup de mobilité, de capacité cognitive et de plasticité neuronale. Toutes ses choses seront adressées par la médecine regénérative.
Bon voilà, je pense avoir fait le tour des objections les plus courantes vis-à-vis de l’extension de la longévité humaine. Il y en a encore beaucoup plus et je vais les inclure dans une vidéo plus longue et plus complète sur le site The Flares. Je vous le dirai quand ce sera prêt.
En attendant, je serais intéressé de savoir ce que vous pensez de ces objections, si vous en avez des différences et si vous pensez que les contre-arguments proposés sont solides.
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