Le paradoxe de Fermi et l’émergence des superintelligences artificielles

Star Trek, Star Wars, E.T., Alien, Independence Day … la science-fiction nous a habitué aux extraterrestres humanoïdes qui ne sont finalement pas très différents de ce qu’on trouve sur Terre, mais surtout pas très différents de nous. Problème d’imagination ou de budget. La question de savoir à quoi pourrait ressembler la vie extraterrestre est fascinante. Mais une autre qui me semble négligée, c’est à quoi pourrait ressembler une intelligence extraterrestre ?

Les extra-terrestres sont-ils post-biologiques ?

L’univers est un endroit gigantesque. C’est le moins que l’on puisse dire. Les astronomes ont découvert des millions de planètes au-delà de notre système solaire en moins d’un siècle à peine. Selon la NASA, il pourrait y avoir jusqu’à 300 millions de planètes similaires à la Terre dans notre galaxie, c’est-à-dire rocheuses et dans la zone habitable. Autrement dit, des conditions qui pourraient permettre à la vie de se développer. Si la vie se développe facilement, et c’est une proposition loin d’être certaine, alors peut-être que l’intelligence se répand forcément chez les organismes. D’abord primaire, puis sous forme bien plus développée et générale. Quelle limite place les lois de la physique sur l’intelligence ? Il serait très curieux que l’intelligence humaine soit la plus développée. Ce qui nous sépare d’une intelligence extraterrestre pourrait être aussi grand que ce qui nous sépare d’un scarabée. Ce qui est une belle leçon d’humilité.

Des astronomes et astrobiologistes comme Seth Shostak du programme SETI pensent que la plupart des intelligences extraterrestres sont des super intelligences artificielles. La philosophe Susan Schneider argumente dans ce sens à travers un article académique intitulé : IA super-intelligente et l’approche du cosmos post-biologique.

Elle affirme que les plus grandes intelligences dans l’univers pourraient être synthétiques, après avoir évolué à partir d’intelligences biologiques.

Que signifie une intelligence post-biologique ? On pense bien sûr à une intelligence artificielle qui acquiert la généralité et devient une super intelligence artificielle. Mais on peut aussi imaginer un esprit biologique qui atteint le stade de super intelligence à l’aide d’améliorations. Comme le remplacement des neurones et du connectome par un substrat artificiel. Cette créature sera post-biologique même si beaucoup ne la considéraient pas comme une IA à proprement parlé.

Susan Schneider propose plusieurs raisons qui renforcent sa thèse.

Des civilisations plus âgées

Dans un 1er temps, les partisans du SETI ont souvent conclu que s’il existe des civilisations extraterrestres, elles seraient plus vieilles que la nôtre. En partant du principe qu’il y a des planètes beaucoup plus anciennes que la Terre, et que la vie intelligente a évolué sur certaines d’entre elles, des civilisations extraterrestres ont peut-être des millions ou des milliards d’années d’avance, donc beaucoup pourraient être bien plus intelligents que nous. Autrement dit, nous sommes peut-être des bébés galactiques. Cela dépend bien sûr si la vie est rare ou non, s‘il existe un grand filtre inéluctable et autre inconnu. On se retrouve donc avec une probabilité plus élevée que s’il existe des civilisations extraterrestres, elles sont plus âgées que nous, et donc super intelligentes.

De plus, un récent article académique par David Kipping, Adam Frank et Caleb Scharf indique qu’en cas de contact, les intelligences détectées auront un âge moyen deux fois supérieur à celui de la civilisation qui fait la détection. Si vous voulez voir les détails sur comment ils en sont arrivés à cette conclusion, je vous mets le lien dans la description. C’est assez costaud niveau mathématique !

Mais, est-ce qu’une civilisation extraterrestre plus âgée signifie forcément qu’elle est post-biologique ? Susan Schneider pense que oui. Toujours dans le cas d’un contact extraterrestre (direct ou indirect), elle assume qu’une fois qu’une société crée les technologies qui pourraient la mettre en contact avec la vie intelligente sur d’autres planètes, il n’y a qu’une courte période de temps avant qu’elle n’opère une transition de biologique à post biologique, peut-être seulement quelques centaines d’années, ce qui n’est qu’un clin d’œil à l’échelle cosmique. En effet, cette petite fenêtre d’observation semble être soutenue par l’évolution technologique humaine, au moins jusqu’ici. Nos premiers signaux radio se sont produits il y a seulement 120 ans environ, et l’exploration spatiale a moins de 60 ans, mais de nombreux humains sont déjà immergés dans les technologies numériques. De plus, ces dernières années ont été marquées par une augmentation des ressources allouées au développement en intelligence artificielle et des interfaces cerveaux machines. Tout cela rend plus probable que lors d’une rencontre du 3ᵉ type, ils seraient post-biologiques. Le contraire signifierait qu’ils sont au même point technologique que nous à quelques centaines d’années près. Ce qui paraît extrêmement peu probable vu les différences de temps entre la formation des planètes et système stellaire.

Un critique peut objecter que cette argumentation emploie un raisonnement généralisant à tort l’exemple humain à des civilisations extraterrestres. Mais notre propre exemple est le seul que nous connaissions et nous pouvons en tirer des leçons. C’est une bonne base de départ tant que nous n’avons pas plus de données. Ce n’est pas déraisonnable d’affirmer que d’autres civilisations avancées développeront des technologies pour faire progresser leur intelligence et gagner un avantage adaptatif. Selon l’astrobiologiste Steven J. Dick, “le maintien et l’amélioration des connaissances et de l’intelligence sont la force motrice centrale de l’évolution culturelle, et que dans la mesure où l’intelligence peut être améliorée, elle sera améliorée.” Il appelle ça le principe de l’intelligence.

La dernière question qui se pose c’est : est-ce que poursuivre le principe de l’intelligence mène vers la post-biologie ?

Le futur de l’intelligence

Le silicium semble être un meilleur moyen pour traiter l’information que le cerveau. Les futurs matériaux pourraient même s’avérer supérieurs comme le graphène. Le nombre de neurones dans un cerveau humain est limité par le volume crânien, mais les ordinateurs peuvent être connectés à distance dans le monde entier et faire la taille d’une planète. Il semble donc que l’intelligence synthétique surpasse probablement les cerveaux biologiques, ce qui implique qu’on peut envisager que la plupart des civilisations qui poursuivent le “principe de l’intelligence” deviendront post-biologiques.

La conclusion est donc que si la vie est effectivement présente sur beaucoup d’autres planètes, et si les civilisations ont tendance à se développer et à survivre vers leurs maturités technologiques, les civilisations extraterrestres les plus avancées sont probablement peuplées par des super intelligences artificielles. De plus, les créatures synthétiques sont plus susceptibles de supporter les voyages dans l’espace que les êtres biologiques. Si une civilisation possède des envies d’expansion, elle a un intérêt de faire une transition vers le synthétique. Et on a déjà vu dans une précédente vidéo qu’une telle civilisation post-biologique pourrait estiver jusqu’à la mort thermique de l’univers afin de bénéficier de meilleures conditions pour prospérer.

Finalement, l’intelligence extraterrestre peut se résumer en deux questions :

• Est-ce que le développement technologique que nous connaissons aujourd’hui s’est déjà produit ailleurs sur d’autres planètes ?
• Est-ce que la transition de biologique vers synthétique est l’évolution standard de l’intelligence dans l’univers ?

En considérant une intelligence post-biologique, nous ne sommes pas seulement en train d’imaginer à quoi pourrait ressembler une intelligence extra-terrestre, mais nous contemplons également la possible évolution de nos descendants. Car l’intelligence humaine pourrait devenir elle-même post-biologique. Soit en fusionnant avec nos super intelligences artificielles, soit en étant remplacé par ces dernières.