L’intelligence artificielle : catalyseur de la prochaine révolution industrielle ?

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L'intelligence artificielle : catalyseur de la prochaine révolution industrielle ?
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Kevin Kelly est le fondateur du magasine “Wired” centré sur les technologies émergentes. Il pense que l’intelligence artificielle va changer notre civilisation si profondément que cela sera considéré comme une nouvelle révolution industrielle. Tout comme la révolution industrielle du 19e siècle a changé l’humanité.

Imaginez la pluie tombant dans une vallée. Le chemin précis d’une goutte qui dévale est imprévisible. Impossible de voir où elle va. Mais la direction générale est inévitable : c’est vers le bas. De même certaines tendances nous donnent un indice sur la direction générale que prend le progrès technologique. Donc pour donner un exemple : Les téléphones étaient inévitables, mais pas l’iPhone. Internet était inévitable, mais pas Twitter. Nous avons beaucoup de tendances actuellement et l’une des principales est de rendre les objets de plus en plus intelligentes. Cela va devenir l’un des secteurs les plus influents de notre société des 20 prochaines années. Bien sûr, c’est déjà le cas. Nous avons déjà de l’IA, qui travaille souvent en arrière-plan, dans les coulisses des hôpitaux, où elle sert à diagnostiquer les radios mieux que les médecins. Dans les services juridiques, elle parcourt les preuves légales mieux qu’un homme de loi. On l’utilise pour piloter des avions. Les humains ne pilotent que quelques minutes. Et bien sûr, Netflix et Amazon, qui font leurs recommandations en tâche de fond. C’est déjà notre réalité et pas de la Science Fiction.

Il y a trois aspects de cette tendance générale qui sont sous-estimés et nous empêchent de vraiment bien comprendre ce qu’est l’IA.  Le premier : c’est que nous ne comprenons pas bien ce qu’est l’intelligence en général. Nous pensons souvent l’intelligence comme n’ayant qu’une dimension, comme un son qui devient de plus en plus fort. Ça commence avec la mesure du QI. Bas chez un rat ou une souris, il y en a peut-être un peu plus chez un chimpanzé et encore un peu plus chez une personne idiote, puis vient la personne moyenne, comme moi, puis arrive le génie. Et cette intelligence de QI devient de plus en plus grande. C’est totalement faux. Ce n’est pas ça l’intelligence, ce n’est pas l’intelligence humaine. L’intelligence est plus comme une symphonie de différentes mélodies et chaque note est jouée sur un instrument de la cognition. Nous avons plusieurs types d’intelligences : le raisonnement déductif, l’intelligence émotionnelle, l’intelligence spatiale, il y en a peut-être 100 types différents, qui sont tous regroupés et dont la force varie selon les individus. Et bien sûr, concernant les animaux, ils en ont tout un autre panel, une autre symphonie d’intelligences différentes. Quelquefois ils ont les mêmes instruments que les nôtres. Ils peuvent penser de la même façon, mais s’organiser différemment et sont parfois plus performants que les humains, comme la mémoire à long terme de l’écureuil qui est phénoménale, car il peut se rappeler où il a enterré ses noix des années plut tôt. Et dans d’autres cas, ils le sont moins.

Lorsqu’on veut faire des machines, on les conçoit de la même manière. Avec une intelligence plus développée que la nôtre et même très éloignée de la nôtre. Et on les rend très, très spécifiques. Ainsi votre calculatrice est déjà plus performante que vous en calcul. Votre GPS en navigation spatiale, Google en mémoire à long terme. Et on va prendre, à nouveau, ces sortes de pensées différentes et les mettre dans, disons, une voiture. La raison pour laquelle on veut les mettre dans une voiture, c’est qu’elle ne conduit pas comme nous et ne pense pas comme nous. C’est son point fort. Elle n’est jamais distraite, ne s’inquiète pas de savoir si le four est resté allumé ou si elle devrait prendre des vacances le mois prochain. Elle ne fait que conduire. 

Ainsi en général, ce que nous essayons de faire est de diversifier les types de pensées autant que possible. On va meubler l’espace avec tous les différents types ou espèces de pensées. Et il y aura même quelques défis très difficiles dans le domaine des affaires, des sciences que notre propre type de pensée humaine ne pourra pas résoudre seule. On a besoin de nouvelles façons de penser avec lesquelles on pourra travailler afin de résoudre ces très gros défis, comme l’énergie noire ou la gravité quantique. Nous créons de l’intelligence étrangère. Vous pouvez imaginer ceci comme des sortes d’extra-terrestres artificiels, en quelque sorte. Ils vont nous aider à penser différemment, car penser différemment c’est le moteur de la créativité.

Le second aspect est que l’on va utiliser l’IA pour faire une véritable seconde révolution industrielle. La première révolution industrielle était basée sur l’invention de la puissance artificielle. Avant elle, pendant la révolution agricole, tout ce qui était fabriqué, l’était par la force musculaire humaine ou animale. C’était la seule façon de faire. La grande innovation pendant la révolution industrielle a été de dompter la vapeur et les énergies fossiles, pour produire une puissance artificielle que nous pouvons utiliser pour faire tout ce que l’on veut. Ainsi lorsque vous roulez sur l’autoroute, vous commandez 250 chevaux, du bout des doigts. Nous utilisons cette puissance artificielle pour bâtir des gratte-ciel, des villes, des routes, pour faire des usines qui vont produire à la chaîne des chaises et des frigos, au-delà de notre propre puissance. Ce fut également une source d’innovation car un fermier a pu prendre une pompe manuelle, y ajouter cette puissance artificielle, l’électricité, et avoir une pompe électrique. Et si vous multipliez ça par mille ou par dizaines de milliers, ce processus nous a apporté la révolution industrielle. Tout ce que nous voyons, tout le progrès dont nous bénéficions, vient en très très grande partie, de là.

Et nous allons faire de même maintenant avec l’IA. Nous allons la distribuer sur les réseaux et vous allez prendre cette pompe électrique, lui ajouter une intelligence artificielle, et voilà la pompe intelligente. Et ceci, multiplié des millions de fois, sera la seconde révolution industrielle. Maintenant la voiture conduit sur l’autoroute ses propres 250 chevaux, avec en plus 250 cerveaux. C’est la voiture autonome, comme un nouveau produit, avec de nouveaux services. L’IA va déferler sur le réseau, le cloud, à l’instar de l’électricité. Donc tout ce que nous avons électrifié, va maintenant être cognifié. 

Le troisième aspect c’est que lorsque l’on donne un corps à cette IA, on obtient un robot. Ils vont faire beaucoup de tâches que nous faisons déjà. Ils vont donc redéfinir nos métier mais ils vont aussi impliquer de nouvelles catégories, une nouvelle flopée de tâches qu’on ne savait même pas possible auparavant. Tout comme l’automatisation a apporté un ensemble de nouvelles choses dont nous n’avions pas besoin avant et dont on ne peut plus se passer. Donc ils vont produire encore plus de métiers qu’ils vont en détruire. Ces tâches doivent être celles qui peuvent être définies en termes d’efficacité ou de productivité. Si vous pouvez décrire une tâche, qu’elle soit manuelle ou conceptuelle, pouvant être conçue en termes d’efficacité ou de productivité, elle sera pour les robots. La productivité est pour les robots. Car là où nous sommes vraiment bons, c’est dans la perte de temps. Pas dans la productivité. Nous sommes très doués pour faire des trucs inefficaces. La science est intrinsèquement inefficace. Elle se développe sur des successions d’échecs, sur le fait qu’on fait des tests et des expériences qui ne marchent pas, sinon on n’apprend pas. Elle se développe car il n’y a pas beaucoup d’efficacité en elle. L’innovation est inefficace par définition car on fait des prototypes et on essaye des trucs qui échouent, qui ne vont pas. L’exploration est intrinsèquement inefficace. L’art n’est pas efficace. Les relations humaines ne le sont pas. Voilà les types de choses vers lesquelles nous sommes doués, car elles sont inefficaces. L’efficacité est pour les robots. Nous allons aussi devoir apprendre à travailler avec ces IA, car elles pensent différemment.

Quand Deep Blue a battu le champion du monde d’échecs, on a pensé que c’était la fin des échecs. Mais en fait, il s’avère que le champion du monde d’échec aujourd’hui n’est pas une IA. Et ce n’est pas un humain non plus. C’est l’équipe formée par un humain et une IA. Le meilleur diagnosticien n’est ni un médecin, ni une IA, c’est leur équipe. Nous allons travailler avec ces IA. Je pense que l’on sera payé dans le futur selon notre capacité à travailler avec ces robots. La troisième chose est donc qu’ils sont différents, qu’on va les utiliser et qu’on va travailler avec plutôt que lutter contre eux. Nous travaillerons avec plutôt que contre.

Donc où cela nous mène-t-il ? Je pense que d’ici 25 ans, on regardera en arrière et on dira : “Vous n’aviez pas d’IA. En fait, vous n’aviez même pas encore vraiment Internet, comparé à celui que nous avons.” Actuellement, il n’y a pas d’experts en IA. Des milliards de dollars seront dépensés, c’est un secteur économique énorme, mais il n’y a pas d’experts, comparé à ce que nous aurons dans 20 ans. Nous en sommes au début du début. Nous sommes à la 1ère heure d’Internet, à la 1ère heure de la robotique, à la 1ère heure de l’intelligence artificielle. Le produit intelligent le plus populaire dans 20 ans, que tout le monde utilisera, n’a pas encore été inventé. Ça signifie que vous n’êtes pas encore dépassé !

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