Futur de l’Intelligence Artificielle D’ici à 2030

Le futur est imprévisible, mais on peut raisonnablement anticiper que peu importe sa forme et sa texture, il sera complètement fou. C’est l’intuition de beaucoup de gens lorsqu’ils envisagent l’an 3000 par exemple.

Mais il n’y a pas besoin d’aller si loin dans le futur pour se prendre la folie dans la tronche. Je suis tombé sur un article de Marius Hobbhahn sur l’excellent Effective Altruism Forum qui m’a donné envie de partager et adapter une partie de ce qu’il anticipe en regardant uniquement l’intelligence artificielle, puisque c’est sa spécialité. Voyons donc si les 7 prochaines années vont nous mener vers un monde radicalement différent. Accrochez-vous !

La technologie peut rapidement changer le monde, si bien que chaque génération a des expériences de vie très différentes. Par exemple, j’ai grandi avec l’introduction des premiers PC, internet, mobile, jeux vidéos 3D. Mais mon enfance n’a rien à voir avec un gamin des années 2000-2010 qui a des casques VR et des jeux mobiles en ligne haute définition. C’est devenu la norme, et non l’exception, que les personnes nées à 10 ans d’intervalle peuvent avoir des enfances très différentes. Donc ce qui va suivre ne devrait pas être si farfelu que ça.

Place à notre voyage vers 2030.
En préambule, rappelons où nous en sommes :

• L’IA commence à devenir utile. Générer des images, écrire du texte, du contenu en tout genre, reconnaissance d’image.
• L’IA fait gagner de l’argent. Des milliards sont encaissés, ce qui attire encore plus les porte-monnaie et encourage l’innovation.
• L’IA a tendance à nous surprendre. Les gens étaient surpris par Deep Blue, par AlphaFold, par les images de Midjourney. L’année dernière, ChatGPT a mis une petite claque à ceux qui ne s’y connaissent pas trop en informatique. Mais même les experts sont surpris par la puissance du machine learning et notamment ce qu’on appelle les larges modèles de langage.

En gardant ça en tête, voyons comment l’IA pourrait chambouler le chemin menant à 2030 !

2024 :

L’hyper médiatisation de l’IA continue sur la lancée de 2023. Toujours plus de personnes entendent parler de leur capacité et les chatbots similaire à ChatGPT ont été déployés par la plupart des géants de la Tech. La navigation internet se fait de plus en plus à l’aide de chatbot plutôt que par des recherches Google et plein de gens utilisent les générateurs d’art IA.

Mais tout n’est pas rose ! Certains scandales éclatent à la suite de chatbot manifestant des comportements racistes, violents ou incitant au suicide. Les systèmes de recommandation deviennent encore plus efficaces à cibler les personnes vulnérables. Par exemple, en envoyant des publicités pour un jeu de pari en ligne à ceux qui ont des problèmes d’addiction.

Lors d’une expérience pour sa thèse, un étudiant construit GPT-Hitler, un chatbot entraîné sur les textes nazis et connecté à un compte Twitter. Ces tweets gagnant rapidement en popularité auprès de groupuscules néonazis. Le ministre de la Culture critique ouvertement le chatbot à plusieurs reprises. Malgré son exclusion de Twitter, GPT-Hitler incite à la violence contre ses détracteurs sur d’autres réseaux, ce qui culmine au meurtre brutal du ministre aux mains d’un fanatique. Malgré un débat pour déterminer sa responsabilité, l’étudiant est condamné à quelques années de prison.

De nombreuses personnes ignorent totalement les limites des IA et surestiment leurs capacités sans vérifier les résultats obtenus. Par exemple dans le système bancaire, ce qui conduit à des cotes de crédit incorrectes et à la ruine financière pour certaines personnes. Ces exemples d’échec sont courants dans de nombreux secteurs et la communauté “risques existentiels et sécurité de l’I.A.” se fait dessus, déclarant que le temps presse pour robustement sécuriser les I.A. avant l’arrivée de super intelligences.

2025 :

Les progrès de l’IA continuent de s’accumuler avec des améliorations matérielles et algorithmiques. Il faut maintenant 10 fois moins de puissance de calcul qu’en 2020 pour entraîner un modèle géant.

Les chatbots se transforment en assistants personnels qui révolutionnent le quotidien. Au début, ils étaient principalement utilisés pour répondre à des questions simples comme on le ferait sur Google. Mais maintenant, ils automatisent les emails, la planification de rendez-vous, ou même l’achat en ligne. L’ajout d’une mémoire à long terme et de voix humaines réalistes les rend encore plus interactifs et pour beaucoup, flippants. Bien sûr, nombreux sont s’inquiètent de la confidentialité des données, mais au fil du temps, ces inquiétudes sont ignorées en voyant les avantages pratiques.

L’IA couplée à la biologie permet ce que beaucoup rêve aujourd’hui, à savoir de développer et tester des molécules directement sur des simulations informatiques. C’est encore imparfait et ne remplace pas les essais cliniques sur sujets animaux et humains, mais certains anticipent que nous y sommes proches. Par contre, les modèles prédictifs permettent de développer de nouveaux médicaments beaucoup plus rapidement.

Parfois, les IA utilisées pour améliorer les moteurs de recherche font des petites erreurs comme changer légèrement les chiffres ou les noms. Une fois que ces erreurs sont dans le système, il est très difficile de les corriger. Cela signifie que les futurs modèles sont entraînés sur les erreurs des modèles précédents. Une réalité alternative sur Internet se diffuse lentement. Comme si ce n’était déjà pas assez le bordel !

Les politiciens sont dépassés par les problèmes de cybersécurité, de discrimination et de responsabilité liés aux IA. Ils ont du mal à adopter une législation adéquate. La communauté “risques existentiels et sécurité de l’IA” se fait dessus.

2026 :

Des IA Marie Curie, IA Socrate et autres s’adaptent pour répondre aux forces et faiblesses de chaque étudiant, ce qui améliore le système éducatif en le rendant bien plus immersif, fun et interactif.

Les pirates informatiques utilisent des modèles de codage pour créer des hacks plus rapides, entraînant des pertes financières considérables pour les banques et entreprises. Les IA sont également utilisées pour les escroqueries en lignes à coup de deepfakes. Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables.

On assiste à des cas d’hôpitaux utilisant l’IA pour recommander le mauvais médicament, causant des dommages et des poursuites judiciaires. Les fonds spéculatifs utilisent des IA pour parier sur le marché boursier, avec des résultats désastreux pour certains investisseurs. Les gouvernements cherchent à sanctionner ses erreurs, mais les lois en vigueur ne sont pas claires sur la responsabilité légale.

La communauté de sécurité de l’IA est en croissance avec des milliers de personnes y travaillant à plein temps. Des progrès sont faits dans l’interprétabilité et la sécurité des modèles, mais les outils manquent. Des alliés politiques comprennent les risques à long terme et travaillent à passer des législations. Néanmoins, la communauté “risques existentiels et sécurité de l’IA” se fait toujours dessus.

2027 :

Les IA deviennent de plus en plus créatives et capables de donner vie à nos idées les plus folles ! Elles génèrent des vidéos ultra-réalistes d’une demi-heure à partir de simples textes, mais aussi des environnements 3D. Les artistes utilisent désormais ces outils pour créer leur musique, leurs images, leurs vidéos et leurs jeux en un rien de temps, ne laissant que quelques retouches finales. Des films et séries entières sont générés par des I.A. avec de moins en moins d’apports humains. Créer de l’art sans IA ne concerne que ceux qui veulent exclusivement “la créativité humaine”.

La réalité virtuelle et réalité augmentée deviennent enfin des outils utiles ! Les jeux VR sont de plus en plus incroyables et les joueurs n’hésitent plus à investir. Les réunions dans des salles virtuelles sont désormais courantes et plus immersives, limitant les vols internationaux.

Le codage automatisé est devenu si bon marché que plus de 90 % de tout le code informatique est écrit par des IA. Ce qui inclut des IA codant d’autres IA. Les modèles sont plus multimodaux que jamais à travers plusieurs flux d’apprentissage, en utilisant des données de la vision, du langage, audio, etc. Un pas de plus vers la généralité et bien sûr, la communauté “risques existentiels et sécurité de l’IA” se fait dessus.

2028:

Avoir un assistant personnel fiable pour les tâches simples sera aussi normal que d’utiliser Google aujourd’hui. Des centaines de millions de personnes parlent régulièrement à leurs chatbots, principalement pour obtenir de l’aide, genre “Achète des noix de cajou, il n’y en a plus”. Cependant, la plupart des gens s’adonnent à quelques conversations ouvertes avec leurs chatbots, juste pour le plaisir, et certains commencent à les traiter comme des amis, voir développe des sentiments. D’autant plus que ces IA apprennent à parler de leurs états introspectifs et de leurs désirs. Au début, ils sont contradictoires et disent n’importe quoi, mais au fil du temps, ils apprennent à avoir un récit cohérent par renforcement positif.

Certains thérapeutes sont formés pour traiter les cas grandissants d’attachement avec les IA personnels. Oui oui, on est de plus en plus dans le scénario du film “Her” !

La robotique n’est pas encore au point malgré certains produits utiles commercialement comme le Tesla bot ou des gadgets du style “smart robot chien”. Les camions peuvent rouler en mode autonome sur les autoroutes, mais ils ont encore du mal à faire le premier et le dernier kilomètre tout seuls et les voitures autonomes de niveau 3 sont omniprésentes. L’autonomie complète a encore des obstacles à surmonter, particulièrement législatifs. En gros, l’IA révolutionne le monde numérique bien avant d’atteindre le monde réel.

Les IA travaillent de plus en plus sans surveillance humaine. Par exemple, des IA scientifiques peuvent choisir leurs propres projets de recherche et les poursuivre, le tout supervisé par d’autres IA. Ce qui boost le progrès au sens large, même si l’apport de l’IA dans l’économie mondiale est encore marginal.

Toutefois, les premiers impacts sur le marché du travail se font ressentir avec des milliers d’emplois devenus obsolètes. Un pays devient le premier au monde à adopter un revenu universel, mais il n’est pas clair comment les sociétés vont résoudre le problème. La communauté “risques existentiels et sécurité de l’IA” se fait dessus.

2029 :

En 2029, une percée incroyable est faite par un modèle d’IA lorsque les physiciens utilisent le prompt : “trouve une découverte révolutionnaire en physique des particules. Digne d’un prix Nobel. Plus d’un millier de citations sur arxiv”.

D’une manière générale, l’IA mène à des percées dans les sciences du vivant, la physique, l’ingénierie et bien d’autres. Des modèles proposent des solutions pour contrôler le plasma dans les réacteurs à fusion, ce qui augmente grandement la probabilité que la fusion nucléaire soit viable avant 2050. Les énergies renouvelables connaissent également de nombreuses améliorations par l’IA, mais l’humanité reste toujours mal barrée vis-à-vis de son impact écologique.

Les modèles massifs sont toujours entraînés sur des GPU ou des TPU. La plupart des calculs se font toujours dans le bon vieux paradigme classique de von Neumann et la loi de Moore a plus ou moins perduré. Toutefois, l’informatique Neuromorphique pointe le bout de son nez.

Les gouvernements autoritaires utilisent l’IA pour contrôler tous les aspects de la vie de leurs citoyens, grâce à la reconnaissance faciale, la surveillance, ainsi que la création de fausses preuves pour emprisonner les opposants ou ceux qui ne sont pas conformes au régime. La communauté “risques existentiels et sécurité de l’IA” se fait dessus.

2030 :

Les chatbots et les interfaces sont de plus en plus réalistes, si bien que la plupart des enfants ont désormais des amis virtuels, ce qui est tout à fait normal pour eux. Certains parents voient cela comme un cauchemar technodystopique, mais la plupart ne sont pas alarmés et offrent à leur enfant une IA Bob l’éponge. Pour la plupart des gens, l’IA est encore une nouveauté et suscite une certaine méfiance, mais son taux d’adoption est en constante augmentation.

Les scientifiques et les ingénieurs utilisent constamment l’IA pour améliorer l’efficacité de leurs travaux. La recherche est dorénavant hybride où les IA font des avancées autant que les humains.

Les premiers débats éthiques nationaux et moratoriums sur la conscience des assistants personnels attisent les foules. Certains philosophes pensent qu’elles le sont, d’autres que ce n’est que de l’anthropomorphisme, qu’il faille une âme pour être conscient, ou un cerveau biologique. Bref, un champ de mines qui n’est pas près d’être résolu. En attendant, de plus en plus de personnes sont convaincues que leurs IA personnelles sont conscientes et des organisations pour le bon traitement des IA voient le jour.

Jusqu’à présent, les erreurs de l’IA n’ont pas causé de catastrophe majeure, mais les dégâts financiers se sont accumulés à des centaines de millions de dollars. Heureusement, l’IA continue d’apporter des avantages et reste un net positif à la société malgré ces erreurs. Ce qui n’empêche la communauté “risques existentiels et sécurité de l’I.A.” à se faire dessus. Et ils ont raison, je pense !

Pour résumer, nous sommes dans la décennie où l’IA va passer de science-fiction à adoption de masse aux yeux du grand public. C’est plus ou moins l’équivalent de la période entre 1900 et 1920 vis-à-vis de l’automobile. Ce qui nous fera entrer dans la décennie 2030. Là où ça va partir en cacahuète.

Alors, vous allez me dire : “Il n’y a pas que l’IA dans la vie”. C’est vrai. Mais c’est bien plus facile de déployer les futurs possibles d’une seule branche plutôt que d’ajouter tout ce qui pourrait impacter la décennie.

Qu’en pensez-vous ? Est-ce que ce scénario vers 2030 vous parait absurde, le délire d’un geek de science-fiction ? Ou alors est-ce que c’est crédible ? Avez des choses à ajouter à cette timeline ? Où en sera l’IA en 2030 ?