Assemblage moléculaire : la prochaine étape de la nanofabrication ?

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Assemblage moléculaire : la prochaine étape de la nanofabrication ?
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En 1959, le célèbre physicien génial Richard Feynman a donné un séminaire intitulée “There’s plenty of room in the bottom” (Il y a beaucoup d’espace en bas). Alors, il ne parlait pas du sous-sol de sa maison, mais de la physique qui constitue la réalité et la possibilité de manipuler des nanostructures. C’est ce qu’on appelle plus généralement la nanotechnologie. Et ce n’est pas de la science-fiction, vous êtes en ce moment même en plein dedans. Oui, vous, qui regarder cette vidéo grâce à la nano-électronique qui rend possible l’informatique, la télécommunication moderne et l’age de l’information.

Prenons un petit moment quand même pour réaliser l’incroyable prouesse qui se trouve dans des objets aussi banals que votre smartphone. Pour fabriquer les semi-conducteurs, il a fallu des machines capables de placer des milliards de composants avec une précision des milliers de fois plus fine que l’épaisseur d’un cheveu.

Le concept de manufacture de précision atomique, aussi appelé assemblage moléculaire, est la prochaine étape de la nanotechnologie. Mais au lieu de la nano-électronique qui traite des bits d’information, l’idée est d’avoir de la nano-machinerie qui organise les atomes et molécules en structure plus complexe du bas vers le haut.

Quand nous y arriverons, l’impact sur l’humanité pourrait radicalement transformer les bases matérielles de la civilisation. Voyons à quoi cela pourrait ressembler.

Imaginez à quoi ressemblerait le monde si tout ce qui nécessite une production industrielle serait accompli avec une efficacité, une optimisation et un cout, à la fois économique et environnementale, des milliers de fois mieux qu’aujourd’hui. Peu de gens envisage ce genre de scenario, pourtant, l’un des chemins plausibles pour y arriver passe par l’assemblage moléculaire et ce n’est pas si farfelu qu’il n’y parait.

Les progrès de la civilisation humaine sont souvent étroitement liés au développement d’outils qui permettent d’augmenter progressivement la précision. Si vous regardez autour de vous et que vous n’êtes pas au milieu de l’océan ou une foret tropicale, tous les objets qui vous entourent ont été fabriqués avec l’aide de machines. Et ces machines ont été fabriquées par d’autres machines. Si on remonte il y a quelques centaines de milliers d’années, la technologie la plus avancée était certainement cette invention : (Photo d’un silex).

Utile pour tuer des proies, dépecer la viande, créer des étincelles pour faire du feu, couper des peaux de bête pour faire des vêtements. Une technologie qui a joué un rôle prédominant dans l’augmentation des capacités de nos ancêtres jusqu’à les placer en haut de la chaîne alimentaire.

Nous avons ensuite progressé vers des outils en bronze et en fer qui fonctionnaient tous à une précision que nous pouvions voir à l’œil nu et utiliser avec les mains. Au 19e siècle, nous avons mécanisé la fabrication d’outils avec la vapeur et des alliages métalliques plus purs, ce qui a permis de construire des outils avec des précisions inférieures au millimètre. L’utilisation de l’électricité nous a ensuite donné une précision au niveau du micromètre au début du 20e siècle. À partir des années 1950, l’amélioration de l’optique et des technologies comme la photolithographie nous a donné une précision à l’échelle du nanomètre, conduisant à la révolution des semi-conducteurs et des circuits intégrés.

Mais dans la plupart des industries, la fabrication descendante, c’est-à-dire de haut en bas, est la forme dominante où des grosses pièces sont réduites à des formes plus petites et assemblées à d’autres. La fabrication ascendante est plus proche de l’objectif final de l’assemblage moléculaire, en assemblant des matériaux à grande échelle à partir d’atomes ou de molécules individuels.

Pour référence, la taille physique des atomes est souvent décrit avec l’unité de longueur de l’Ångstrom, qui est de 1/10 de nanomètre. Un atome d’hydrogène est de l’ordre de 1 Ångström de diamètre et des atomes de métal beaucoup plus gros peuvent atteindre 5 Ångström. Ainsi, ce qui est envisagé par cette nouvelle méthode industrielle est la manipulation d’atomes d’un diamètre compris entre 0,1 et 0,5 nanomètre.

Le monde moléculaire organique est rempli de machinerie complexe opérant des chaines d’acides aminée et des protéines par exemple. On voit ici le processus de copie de l’ADN qui se produit dans des milliards de cellules de votre corps en ce moment même. C’est fou à quel point tout cela ressemble à une usine d’assemblage à la chaine n’est-ce pas ? Encore une fois, la nature sert de preuve de faisabilité.

Les systèmes de machinerie utilisée en ingénierie mécanique aujourd’hui ont potentiellement des homologues à l’échelle nanométrique. Les trains épicycloïdaux et autres engrenages, qu’on retrouve par exemple dans les moteurs, peuvent fonctionner de la même manière avec des atomes comme composants. On voit ici un exemple d’usine automatisé capable d’assembler des produits rapidement et à très grande échelle. Voici ce que cela pourrait donner avec une machinerie nanométrique.

Le facteur d’échelle est d’un million, ce qui ouvre des capacités incommensurables. C’est comme la différence entre une explosion chimique et une explosion atomique.

  • Bien que la technologie en soit encore aux premiers stades de développement, il existe des méthodes de production de structures atomiquement précises :
  • La synthèse chimique qui construit des composés chimiques complexes à partir de composés plus simple.
  • La biologie synthétique, dans laquelle nous mutons le génome des bactéries pour détourner leur biologie et les inciter à assembler des composés intéressants pour nous.
  • Le dépôt chimique en phase vapeur est une technique de fabrication qui repose sur l’auto-assemblage pour développer des structures ou des revêtements uniformes sur un substrat.
  • Et les techniques de manipulation des sondes à balayage qui utilise la technologie du microscope à effet tunnel pour non seulement observer des atomes individuels, mais également les déplacer.
    Une des pistes consiste à répliquer le principe d’une imprimante 3D, mais à l’échelle atomique. C’est une machine très simple qui possède 3 libertés de mouvement, X,Y,Z, et un point d’injection de matière. C’est ce qui est appelé de la manufacture additive.

Qu’est-ce que tout ça permettrait de faire ? La précision des processus de production est un des facteurs les plus limitants dans le progrès technologique. Pensez à n’importe quel secteur, et il pourrait être amélioré par plusieurs ordres de grandeur avec une précision atomique. L’assemblage moléculaire a donc le potentiel de créer une richesse matérielle extraordinaire, que l’ingénieur américain Eric Drexler appelle «l’abondance radicale» ou, dans le langage des geeks, un futur à la Star Trek.

Fini les pénuries alimentaires avec des aliments assemblés en masse à partir des molécules, similaire à l’agriculture cellulaire, mais encore plus efficace, précis et polyvalent.

Une large gamme de produit, y compris des technologies complexes, deviendraient si efficaces et peu coûteux à produire qu’ils pourraient être largement distribués. Penser par exemple à une super-imprimante à domicile capable d’imprimer des objets à partir d’atome qui servirait d’encre, et sur la base d’instruction numérique. Oui oui, comme le replicateur de Star Trek.

  • Les médicaments seraient amplement accessibles à quiconque en aurait besoin, et de nouveaux dispositifs à l’échelle nanométrique élimineraient toutes les maladies et prolongeraient la durée de vie en bonne santé. Vous avez surement tous déjà entendu le concept de nanorobot. Des structures nanométriques plus petites qu’un globule rouge pouvant circuler dans le flux sanguin et effectuer tout un tas de chose. Mais la nanomédecine englobe finalement trois grandes applications.
  • Des nano-capteurs ayant pour but de diagnostiquer la présence de bactérie, virus ou molécules nocives très tôt après leurs manifestations et de manière continu. Et d’une manière générale, de surveiller tout un tas de processus biologique pour détecter une maladie avant les premiers symptômes.
  • Des nano-médicament capable d’administrer des molécules à des endroits et doses précis, ce qui peut augmenter leur efficacité et réduire les effets secondaires.
    Des nano-outils pour de la nano-chirurgie afin de couper ou enlever quelque chose dans le corps à une échelle de la cellule. Ce qui serait bien moins agressif pour le corps humain et permettrait des interventions chirurgicales rapides et une récupération bien plus rapide.

Pouvoir manipuler individuellement des atomes permettraient de repousser encore plus les limites de la computation vers la densité maximum de calcul informatique. Il existe même des recherches visant à stocker des bits d’information (0 et 1) sous forme d’atomes uniques. Pour apporter un peu de contexte, aujourd’hui, des millions d’atomes métalliques composent un seul bit numérique sur les disques durs. Là, on envisage 1 atome pour un bit. C’est des trillions de fois plus de stockage que mon ordi ! De quoi donner le vertige sur le type de monde que cela pourrait créer !

Si nous pouvons fabriquer des cellules photovoltaïques avec une précision nanométrique, nous pourrions modifier la structure de surface pour capturer plus de lumière et dans un spectre infrarouge plus large. Les performances des panneaux solaires s’en verraient décuplé, transformant potentiellement n’importe quelle surface en capture d’énergie solaire.

Il existe également des possibilités pour créer de meilleurs matériaux de capture du carbone pour réguler précisément la quantité de CO2 dans l’atmosphère. De plus, ce genre de matériaux adsorbants pourraient être réglé pour capturer presque n’importe quelle toxine ou contaminant dans la nature, ou pour récolter des composés souhaitables, tels que la condensation de l’eau atmosphérique dans les régions arides.

En construisant des matériaux atome par atome du bas vers le haut, nous pourrons produire des métamatériaux. Cela pourrait être des matériaux sans impuretés ou ayant les propriétés parfaites pour un usage précis, comme la super-résistance. N’oubliez pas que les atomes de carbone assemblés d’une manière produisent les mines de crayons fragiles, tandis que les mêmes atomes de carbone empilés d’une autre manière produisent des diamants. Ce même carbone peut également être assemblé en graphène et en nanotubes de carbone, qui sont considérés comme les matériaux les plus solides pouvant être produits. Idem pour des metamateriaux hyper léger, super conducteur, super-batterie, super thermique ou super acoustique. Avec la précision atomique, nous verrons probablement plus de nouveaux matériaux composites devenir disponibles en moins d’un siècle que la somme totale de tous les matériaux inventés ou isolés par l’humanité au cours des 10 000 dernières années. De quoi révolutionner l’industrie aéronautique, les voyages spatiaux, le bâtiment, les transports… la limite est votre imagination.

Bref, la vision d’Eric Drexler est utopique, c’est le moins que l’on puisse dire, et tous les chercheurs en nanotechnologie ne partagent pas cet enthousiasme sur la faisabilité de l’assemblage moléculaire. Une chose est sûre, nos sociétés ne sont pas du tout prêtes à intégrer ce genre d’industrie. Les piliers les plus fondamentaux de l’économie devront changer à mesure que l’on intègre une offre matérielle et énergétique quasi illimitée à des coûts de production négligeables.

Et c’est important de réfléchir au risque d’une telle révolution. L’assemblage moléculaire pourrait aussi signifier une réduction du coût de l’armement et augmenter la puissance des armes, conduisant davantage d’acteurs à construire de grands arsenaux militaire. On peut aussi se demander si les gens trouveraient moins de sens à leur vie si la richesse matérielle était facile et abondante ? Est-ce que l’argent aurait encore sa place ? Comment les relations interpersonnelles seraient-elles affectées ? Quelle nouvelle forme d’inégalité émergera ? Bref, tout comme Charlemagne ne pouvait pas imaginer l’impact de la révolution industrielle, nous sommes face à une sorte d’horizon des événements sur un monde post-rareté que pourrait offrir l’assemblage moléculaire.

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