Les promesses incroyables des matériaux supraconducteurs !

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Chaque domaine techno-scientifique a son Graal, une découverte qui pourrait métamorphoser les prouesses de l’humanité dans ce domaine. Le secteur de l’énergie convoite la fusion nucléaire rentable, la propulsion spatiale fantasme la vitesse de la lumière ou l’antigravité, et les sciences des matériaux rêvent du graphène.

Imaginez ces avancées comme des clés déverrouillant des ramifications de l’arbre technologique. Pour l’électromagnétisme, ce Graal tant recherché est la supraconductivité à température ambiante et un article scientifique controversé a justement fait le buzz en juillet. L’instant est donc propice pour évoquer cette clé de la supraconductivité et les portes qu’elle pourrait ouvrir pour le futur de l’humanité.

Qu’est-ce que la supraconductivité ?

Les électrons, des particules chargées électriquement, se déplacent dans les matériaux grâce à l’énergie électrique et les forces quantiques régissant les atomes. Ce flux, nommé courant électrique, est perturbé par les imperfections du matériau, tel un explorateur bloqué par la jungle.

Cette résistance engendre de la chaleur, utile pour toaster des biscottes, mais qui induit des pertes de courant. En France, les lignes à haute tension perdent environ 10% d’électricité à cause de cette résistance dans les câbles, majoritairement en aluminium et acier.

Seulement, un phénomène intéressant se produit lorsque l’on refroidit certains matériaux comme les alliages métalliques. Alors, il ne suffit pas d’être juste en dessous de zéro degré, mais plutôt entre -118 et -269 … des températures qu’on ne trouve nulle part sur Terre si ce n’est en laboratoire. Donc oui, froid. À ces températures, les atomes sont ralentis et les électrons arrivent à se déplacer plus facilement. Associés en “paires de Cooper”, ces duos synchronisés forment ensuite une onde insensible à la résistance. Résultat : pas de perte de courant, le matériau devient supraconducteur.

Au-delà d’une conductivité parfaite, le matériau supraconducteur repousse les champs magnétiques, manifestant un effet de lévitation, l’effet Meissner.

À quoi sert la supraconductivité ?

La supraconductivité offre une multitude d’avantages technologiques, et ce n’est pas qu’une vision pour le futur. En parlant de Saint Graal, vous pourriez penser qu’il se classe aux côtés de la fusion nucléaire, mais les supraconducteurs ont déjà engendré des applications remarquables.

Grâce à des avancées comme l’Azote liquide, la recherche sur la supraconductivité s’étend sur plus d’un siècle, engendrant des IRM, des accélérateurs de particules et, plus récemment, les prémices des ordinateurs quantiques. Soulignons que les aimants supraconducteurs figurent parmi les plus puissants connus, ouvrant ainsi une multitude de perspectives. Mais forcément, maintenir constamment un matériau à -200 n’est pas très pratique pour une adoption de masse.

L’expérience du LK99

L’article qui a rapidement fait le tour du web est apparu sur arXiv le 22 juillet, sous le titre “Le premier supraconducteur à température ambiante et à pression ambiante”. Des scientifiques coréens, dont je m’abstiendrai de prononcer publiquement le nom, affirment avoir produit le LK-99, un matériau présentant toutes les caractéristiques d’un supraconducteur à température ambiante, y compris l’effet Meissner.

De nombreux experts ont émis des doutes depuis lors, attendant la réplication de l’expérience par différentes équipes à travers le monde. Une véritable course se déroule pour être le premier à reproduire l’expérience, impliquant des scientifiques sérieux et même des amateurs dans leur garage. Pour l’instant, les résultats sont loin d’être concluants. Il faut savoir que cette expérience n’a pas encore été soumise à l’examen par les pairs, une étape cruciale dans la démarche scientifique. Donc beaucoup de buzz pour pas grand-chose, et je ne mettrai pas ma main à couper et le LK99 est le méta-matériau miracle tant attendu.

À l’instar de la découverte des neutrinos supraluminiques ou de l’épisode de la fusion froide en 1989, qui s’est révélée être une erreur pour le premier et une fraude pour le second. Cependant, si cette expérience, ou une autre à l’avenir, confirme effectivement la découverte du premier matériau supraconducteur à température ambiante, nous pourrions être confrontés à un moment tout aussi révolutionnaire que la mise au point du transistor. Il est essentiel d’attendre que la validation par des laboratoires sérieux et les débats entre experts se déroulent conformément à la procédure normale.

L’impact de la supraconductivité à température ambiante

Une optimisation de la transmission électrique :

Dans une ère où l’optimisation des énergies renouvelables pour leur compétitivité sur le marché est primordiale, gaspiller une considérable part d’électricité en cours de route pose souci.

Prenons le solaire : les déserts, de par leur évidence, sont l’endroit optimal pour les panneaux solaires. Cependant, si près de la moitié de l’énergie captée se perd en raison de la résistance électrique des lignes à haute tension, ce n’est pas terrible. Des câbles supraconducteurs pourraient presque doubler l’électricité disponible pour une même quantité d’énergie primaire. Des champs de panneaux solaires désertiques pourraient ainsi alimenter bien plus de régions, et même permettre des transmissions transcontinentales.

Imaginez des étendues photovoltaïques au Sahara, en Australie ou en Arizona fournissant de l’énergie aux quatre coins du globe en continu, sans les contraintes jour-nuit.

En outre, la construction de centrales nucléaires éloignées des zones habitées deviendrait plus viable, limitant l’impact d’éventuelles catastrophes.

Batterie :

Un matériau supraconducteur permet des performances exceptionnelles en termes de stockage d’électricité avec un procédé qui s’appelle stockage d’énergie magnétique supraconductrice ou SMES. En exploitant l’électricité sans résistance, on crée des champs magnétiques puissants. Ensuite, on les piège comme dans un aimant surpuissant, libérant de l’électricité à volonté, sans délai. Parfait pour des réseaux électriques nécessitant une réponse rapide face aux fluctuations. Imaginez, charger une voiture électrique en quelques minutes une fois tous les mois, et son téléphone une fois par an. Le SMES conserve également l’énergie longtemps sans décharge significative. Et là, vous demandez : pourquoi des fermes solaires transcontinentales avec des kilomètres de lignes à haute tension si on a des batteries magnétiques supraconductrices ? C’est une question fascinante, montrant comment une technologie offre des solutions contradictoires pour un même défi.

Les transports magnétiques :

Vous avez surement déjà vu le train le plus rapide du monde à Shanghai qui pointe à 460km/h. J’ai eu l’opportunité d’essayer d’ailleurs et je crois que j’y ai laissé un bout de cerveau. En tout cas, cette vitesse est obtenue par la technologie MagLev ou lévitation magnétique. Et vu que les supraconducteurs sont connus pour l’effet Meissner, cela pourrait révolutionner les trajets longues distances suprasoniques. Et si on se projette, il n’est pas exclu que d’autres choses pourraient léviter dans le futur. Les voitures, les skateboards bien sûr, mais peut-être carrément des bâtiments entiers. Mais là, il faudrait aussi des énormes boucliers électromagnétiques, car bonjour les interférences.

Conquête spatiale :

Tout ce qui a été cité s’applique également pour nos activités spatiales. Des batteries efficaces seraient idéales pour des colonies afin de pallier l’intermittence du photovoltaïque. Et vu que l’espace est froid, il est moins nécessaire d’avoir un supraconducteur à température terrestre.

Coté propulsion, là aussi, révolution possible. La démocratisation de l’espace passera obligatoirement par une baisse des couts d’entrée en orbite. Et si on rêve grand, des matériaux supraconducteurs ambiants permettraient d’envisager des ascenseurs spatiaux, voir le Mass driver, une sorte de catapulte magnétique.

Et pour finir, une civilisation avancée maitrisant des matériaux supraconducteurs auraient bien plus facile de s’adonner à des projets de mégastructure comme un anneau orbital. Car en disposant par exemple de piliers d’Atlas, un concept futuriste de supports contenant des particules magnétiquement accélérées créant des forces de répulsion, les projets d’architecture pourraient résister à des forces de compression qui dépassent largement les limites connues des matériaux conventionnels. Ouvrant la porte à des structures s’élevant à des kilomètres.

J’ajoute aussi qu’un matériau supraconducteur ambiant pourrait révolutionner l’informatique en permettant des performances bien plus grandes sans se soucier de la chaleur, les ordinateurs quantiques, les scanners IRM, les micro-processeurs, les communications à distance, et tout ce qu’on ne peut pas prévoir.

Pour conclure, les supraconducteurs à température ambiante ne violent aucune loi de la physique. Ce sont des matériaux qui devraient exister dans l’arbre technologique, il nous manque plus qu’à les trouver, ce qu’on finira par faire tant qu’on est de la partie. Une fois dans la poche, des applications qui nous paraitraient magiques deviendraient réalisables. C’est souvent le cas lorsqu’on parle de technologie avancée. Nous sommes très loin d’avoir exploré l’ensemble de l’espace technoscientifique et ce qui s’y trouve est indiscernable de la magie pour un observateur ne possédant pas les connaissances requises.

À ce que je donnerai pour voir le 23ᵉ siècle !

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