Fermes verticales : l’agriculture du futur ?

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Fermes verticales : l'agriculture du futur ?
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L’agriculture a toujours été étroitement liée au développement de nouvelles technologies, qui déclenche des méthodes inédites pour produire de la nourriture. C’est en grande partie ce lien qui a empêché les prophéties malthusiennes de se réaliser au 19e siècle.

Le défi de nourrir une population mondiale en croissance

Aujourd’hui, nous faisons face à de nouveaux défis qui nous poussent à trouver d’autres techniques agricoles. D’ici 2050, la population mondiale devrait atteindre 9,7 milliards de personnes selon les estimations de l’ONU. C’est possible que le compte soit plus faible, et je vous invite à regarder cette vidéo pour en comprendre la raison, mais quoi qu’il en soit, nourrir plus d’individus sera un défi majeur. En raison du développement industriel et de l’urbanisation, nous perdons des terres agricoles à un rythme alarmant. En 2015, un rapport du Grantham Centre for sustainable futures a relevé que la planète avait perdu un tiers de ses terres agricoles au cours des 40 dernières années. Et lorsqu’on essaye d’en gagner de nouvelles, c’est aux dépens de zones naturelles fortes en biodiversité comme la forêt amazonienne.

Ajouté à ça, le réchauffement climatique va assécher certaines régions et en inonder d’autres, ce qui va diminuer encore plus nos capacités à produire de la nourriture. Certes, des terres non propices jusqu’ici vont être rendues fertiles par l’augmentation des températures. En Sibérie par exemple. Mais je ne suis pas sûr qu’on ait envie d’attendre pour faire le calcul entre terre perdue et terre gagnée.

Les enjeux environnementaux de l’agriculture conventionnelle

D’autant plus que l’agriculture conventionnelle est une part non négligeable du problème que l’on essaye de résoudre. En effet, selon ourworldindata, la nourriture constitue approximativement 26% des émissions de gaz à effet de serre. Cela englobe la production et les processus post-exploitation dans le ratio suivant.

  • L’élevage et la pêche représentent 31% de ce total de 26%.
  • La production végétale 27%.
  • L’utilisation des terres 24%.
  • Les chaînes d’approvisionnement 18%.

La perspective de décarboner les transports et l’énergie devient de plus en plus concrète avec l’adoption croissante des véhicules électriques, la baisse exponentielle des coûts des énergies renouvelable, solaire en tête et les améliorations dans l’efficacité énergétique du stockage. En revanche, les solutions pour décarboner le secteur de la nourriture sont moins évidentes.

Cela ne nous empêche pas de contempler les promesses de certaines d’entre elles, avec une attention particulière dans cette vidéo sur l’agriculture verticale.

L’essor de l’agriculture verticale comme solution innovante

Déjà, faisons un point sur ce qu’est l’agriculture verticale. Afin d’avoir le point de vue d’un acteur au cœur de cette pratique, j’ai contacté Gilles Dreyfus, cofondateur de Jungle, une entreprise française qui construit et opère des fermes verticales avec l’une d’entre elles autour de la région Parisienne.

La force de cette méthode est la versatilité de ses usages. On a bien sûr des hangars et entrepôts, voies choisies par Jungle ou encore Aerofarms. Mais d’autres entreprises optent pour des agencements différents. Square Roots basé aux États unis fait pousser l’équivalent de 2 acres de terre agricole dans … des conteneurs maritimes. 30 mètres sous les rues de Londres, on trouve l’entreprise Growing underground qui produit 2 tonnes de nourriture par mois dans des tunnels qui étaient utilisés pour protéger la population durant la 2e guerre mondiale. Au Japon, Pasona group fait carrément pousser 200 espèces de fruits et légumes au cœur de leur bureau. Un champ de riz de 90 mètres carrés en plein milieu du hall d’entrée. Des arbres fruitiers font office de séparation. Myrtilles, tomates, courgettes et bien d’autres font partie du menu et sont servis frais à la cafétéria. Ces exemples, qu’ils répondent à une vraie demande industrielle ou pas, démontrent que l’agriculture verticale ne se limite pas à que de la laitue, comme on pourrait le penser en premier lieu.

Cette méthode tente d’optimiser les coûts énergétiques au maximum. Les économies en eau sont un des points forts avec plus de 95% d’économie comparés à l’agriculture conventionnelle. Et ce n’est pas le seul avantage.

L’utilisation d’engrais peut être considérablement réduite tandis que les herbicides et les pesticides ne sont pas nécessaires puisqu’il n’y a pas de mauvaises herbes ni d’insectes. C’est évidemment une bonne chose pour les consommateurs avec des plantes plus saine pour la santé comme l’a précisé Gilles Dreyfus. Mais également pour l’environnement puisque les produits chimiques agricoles peuvent s’écouler dans les rivières et les lacs ce qui les rend probablement responsables en partie, des zones mortes dans les lacs la prolifération d’algues en passant par l’augmentation de la mortalité des insectes pollinisateurs.

Les humains ont 12 000 ans d’expérience dans l’agriculture conventionnelle, mais seulement une génération d’essai dans l’agriculture verticale. Nous sommes au début de la courbe d’apprentissage avec encore beaucoup de recherche et développement en cours. Le fait que l’agriculture verticale supprime les incertitudes propres à la nature est un point positif, mais en retirant les plantes de leurs habitats naturels, il faut comprendre tout ce dont une plante a besoin pour prospérer. Ce qui demande beaucoup d’expérimentation. Mais ce que je trouve fascinant, c’est qu’il est possible de découvrir des choses que la nature n’a pas pu expérimenter à cause de ces contraintes inhérentes. Par exemple, le cycle jour/nuit fait que la lumière du soleil ne brille pas constamment sur une plante, disons le basilic. Peut-être qu’elle aimerait pouvoir bénéficier de l’énergie solaire 24h/24, mais à moins que la rotation terrestre ne s’arrête, il n’y existe aucun moyen pour le basilic de tester cette hypothèse naturellement. Entre scènes des chercheurs du MIT qui ont justement découvert, à l’aide de machine learning, que la densité la plus élevée de molécules aromatiques a été produite en soumettant les plantes à la lumière toute la journée. C’est comme révéler un mystère que même la nature n’a pas pu percer.

Mais c’est justement un aspect que des critiques pourraient soulever. Cette envie humaine de maîtriser la nature d’une certaine façon. Il faut faire attention de ne pas tomber dans le biais cognitif de l’appel à la nature. Qui est, pour faire simple, l’idée préconçue que ce qui n’est pas naturel est en soi mauvais. Déjà car se référer aux champs de blé qui s’étendent à perte de vue comme la base de ce qui est naturel est une erreur. La nature ne connaît pas les monocultures, c’est une technique purement humaine. Il ne faut pas non plus confondre agriculture verticale et organisme génétiquement modifié. Les plantes ne nécessitent aucune intervention génétique pour croître dans une ferme verticale. Elles bénéficient simplement des conditions les plus optimums possibles.

Une autre critique c’est la consommation énergétique. Est-ce qu’au bout du compte, le bilan carbone est positif avec toute l’électricité requise pour faire fonctionner les fermes verticales ?

Les perspectives et les applications futures de l’agriculture verticale

Beaucoup d’innovations connaissent des phases de croissance qui les font passer de peu efficace et cher, à compétitive avec les autres techniques, jusqu’à plusieurs ordres de grandeur plus efficaces. La technologie des panneaux solaires, les smartphones, les batteries sont de bon exemple.

De plus, pointer du doigt la consommation électrique plus importante de l’agriculture verticale est pertinent, mais il est important de faire un bilan macroscopique si l’on se prête à l’exercice des comparaisons.

Et quand est-il de la rentabilité ? Déjà, la nourriture est la première chose qui vient en tête lorsqu’on pense à l’agriculture verticale, mais il est tout à fait possible d’appliquer les mêmes techniques pour faire pousser des plantes médicinales et des fleurs. Ce qui étend les marchés économiques. Ensuite, la rentabilité est différente en fonction de l’endroit sur la planète. Au Moyen-Orient par exemple, le passage à l’agriculture verticale est une évidence. Une ferme verticale en Arabie saoudite peut utiliser l’énergie solaire abondante pour alimenter des LED à faible coût. À l’heure actuelle, pratiquement tous les légumes doivent être importés dans le pays, donc avoir des cultures locales est une évidence économique.

Dans d’autres régions, cependant, les dépenses liées à la création d’une installation placent la barre très haut sur l’économie d’échelle et la rentabilité que les fermes verticales peuvent avoir du mal à compenser.

Pour certains agriculteurs, cette nouvelle méthode est une menace pour leur part de marché. Pour d’autres, c’est une opportunité d’étendre leur gamme de produits toute l’année. Des installations agricoles verticales plus petites et intégrées dans des fermes actuellement en activité pourraient fournir des cultures anticycliques et offrir une alternative locale aux aliments qui sont normalement importés.

Par exemple, un agriculteur franc-comtois pourrait construire des installations hydroponiques dans une ancienne grange qui serait utilisée pour cultiver des fraises à destination des supermarchés locaux en janvier. Les fruits rouges et autres bais atteignent un prix élevé au milieu de l’hiver donc la vente de produits locaux frais sur ce marché pourrait ajouter une source de revenus intéressante pour l’agriculteur. Et satisfaire les consommateurs préférant les produits locaux plutôt que les importations.

Certains scénarios sont encore plus localisés en adaptant la vision de Bill Gates en 1980 d’un ordinateur personnel dans chaque maison. Est-ce qu’à l’avenir, chaque personne aura son propre potager hydroponique vertical chez soi ? Une idée intéressante qui motive certaines entreprises avec le “at-home vertical farming”. Un concept qui a attiré mon attention est HECTAR.

Une ferme verticale de la taille d’une étagère ordinaire qui peut faire pousser jusqu’à 128 plantes, selon le site Web du projet. Jusqu’à présent, les utilisateurs ont cultivé du chou frisé, des épinards, de la laitue et autre salade ainsi que des haricots verts. Les plans, publiés en open source, comprennent un guide, une vidéo d’instructions et une liste de matériaux, qui peuvent tous être achetés dans le magasin de bricolage du coin. On est vraiment dans le Do-it-yourself. Mais il existe également des solutions toutes faites avec des kits préassemblés, mais plus chers.

Bon, ce genre d’installation va surement se voir sur la facture d’électricité donc je doute que les légumes produits soient moins chers que ceux du magasin. Mais il y a la satisfaction de produire chez soi, et avec la baisse des coûts à venir, ce n’est pas impossible que le at-home vertical farming se généralise pour ceux qui ne peuvent pas entretenir un jardin.

Et enfin une autre caractéristique souvent présente dans les fermes verticales est l’automatisation. En utilisant des systèmes automatisés, une robotique de pointe et de la vision par ordinateur, les fermes verticales peuvent augmenter leur rendement à moindre coût. Par exemple, pour planter les graines, transférer les plantes dans des lits de culture verticaux, arroser, éclairer et fertiliser automatiquement, surveiller la croissance et la santé des cultures par systèmes de vision informatique, automatisée certaine récolte, et nettoyer et recharger les lits de culture pour réutilisation.

La plupart des implémentations les plus modernes de l’agriculture verticale sont rendues possibles grâce à l’avènement des stations agricoles connectées à l’internet des objets qui permettent une surveillance étroite et un retour d’information sur les conditions de croissance.

Cette méthode est également la meilleure façon de produire de la nourriture dans des conditions extra-terrestres, sur une station spatiale ou une base lunaire, et la NASA expérimente cette technique depuis les années 1960. Ces conditions extrêmes apportent des contraintes si grandes qui poussent à les surmonter par des innovations qui n’auraient peut-être pas vu le jour dans d’autres contextes. Ensuite, elles peuvent être implémentées sur Terre.

L’agriculture verticale est donc une alternative évidente dans la production alimentaire qui fait déjà ses preuves dans un monde qui s’urbanise. En ayant devant elle une grande marge d’optimisation et d’apprentissage, il est raisonnable de voir des progrès substantiels dans les prochaines années. Cette méthode deviendra une part de plus en plus importante du mix de la production alimentaire, avec également l’agriculture cellulaire qui montre un fort potentiel vis-à-vis du marché de la viande. Plus d’infos dans ce podcast.

Encore merci à Gilles Dreyfus de Jungle et si vous êtes intéressé par la conversation complète, elle sera disponible dans une semaine dans notre série de podcast la prospective. Ou elle l’est déjà. Il s’agit de l’épisode 24 disponible sur la chaîne YouTube dans la playlist appropriée, mais également sur les applications de podcast comme Itunes, Google podcast, podcast addict et autre.

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