Voyage interstellaire : surmonter les obstacles pour atteindre les étoiles

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Voyage interstellaire : surmonter les obstacles pour atteindre les étoiles
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A l’origine de mythes, cosmogonie et questionnement philosophique et scientifique, la nuit étoilée a toujours inspiré les êtres humains. Mais lorsque l’on s’est rendu compte que tous ces petits points dans le ciel n’étaient pas un motif de tapisserie céleste créé par Dieu, mais bien des soleils comme le nôtre, possédant presque tous, un système de planète, et après avoir brûlé vivant Giordano Bruno, on s’est demandé : Et si on pouvait les visiter !

Depuis, la science-fiction en a fait un de ces thèmes les plus courants, à coup de colonies, d’empire galactique, et de confédération des planètes.

Ensuite est venu le temps où l’espace n’était plus seulement quelque chose que l’on regarde depuis la Terre, mais une destination. Grâce à la propulsion chimique des fusées, nous avons été sur la Lune, envoyé des rovers sur Mars, et des sondes aux 4 coins du système solaire si bien que la question se pose : Est-il possible de voyager vers d’autres systèmes solaires ?

La réponse est oui. Les lois de la physique n’interdisent pas aux objets d’aller d’une étoile à une autre. D’ailleurs, en 2017, Oumuamua fut le premier objet détecté à provenir d’un autre système solaire. Supposément de l’étoile véga dans la constellation de la Lyre. Preuve de faisabilité donc.

Le truc avec l’univers, c’est que c’est grand. Si grand que le concept de distance ne fait pas vraiment sens pour l’esprit humain. Tellement grand que même le truc qui va le plus vite dans tout l’univers, met des années pour voyager entre les étoiles ! Avec la technologie des sondes Voyager, un voyage vers l’étoile la plus proche, à savoir Proxima Centauri, mettrait environ 76 000 ans. Pas terrible pour faire seulement 4 années lumières. Certaines étoiles sont à des dizaines de milliers d’années lumières de distance ! Et c’est juste en prenant uniquement notre galaxie ! Est ce que je vous ai déjà dit que l’univers est grand ?

Bon la première chose à déterminer avant d’envisager un voyage vers une autre étoile c’est vers quelle système on souhaite aller, autrement dit la destination. Trois candidats sont à moins de 10 années lumières. Alpha Centauri à 4,3 AL, L’étoile de Barnard à 6 AL et Sirius à 8,7 AL. Alpha Centauri a l’avantage non seulement d’être la plus proche mais de posséder l’exoplanète Proxima Centauri b qui semble être dans la zone habitable même si on a encore aucune idée si la vie y est possible.

Comment voyager vers d’autres étoiles ?

Voyons maintenant quelles sont les différentes possibilités qui s’offrent à nous pour un tel voyage, et pour cela j’ai demandé conseil à Sébastien Carassou, docteur en astrophysique, que vous connaissez peut-être grâce à sa chaîne YouTube The sense of wonder. Si vous voulez plus de détails sur certaines des technologies que l’on va mentionner, je vous invite à regarder les vidéos de the sense of wonder sur le sujet des voyages interstellaires. Et aussi à regarder cette excellente conférence donnée en 2001 par l’astrophysicien Nicolas Prantzos qui m’a beaucoup servi dans la recherche pour cette vidéo.

Ici on va se contenter de dresser une liste assez large des différentes possibilités connues basé sur les lois de la physique dans un premier temps, puis on ira dans le spéculatif. On va faire ce que l’ingénieur et père de la nanotechnologie Eric Drexler appelle de l’ingénierie exploratoire, ou science appliquée théorique. Il s’agit d’étudier les propriétés des systèmes physiques possibles, y compris ceux qui ne peuvent encore pas être construits, en utilisant des méthodes telles que la simulation informatique et la dérivation des lois physiques. Ce n’est pas infaillible, mais c’est sans doute le meilleur outil méthodologique que nous ayons pour penser l’avenir de la technologie et, a fortiori, un déterminant clé de l’avenir de l’humanité.

Déjà, il faut prendre en compte que toutes les propositions ne sont pas égales dans leur faisabilité. On peut classifier les improbables en quelque sorte. Il existe d’un côté les impossibilités catégoriques, comme voyager plus vite que la lumière. De l’autre, les choses faisables dès aujourd’hui. Entre les deux, on a un ensemble d’improbabilité d’ordre pratique. Voyager à 1% de la vitesse de la lumière, on a une bonne idée de comment y arriver. Créer un trou de ver traversable, c’est pensable dans la mesure où c’est permis par la relativité générale, mais les moyens d’y parvenir sont si considérables qu’on flirte avec l’impossible.

On peut catégoriser les différentes méthodes en voyage habité ou inhabité, ainsi qu’en propulsion lente ou rapide. Voyons donc nos options.

Les voyages inhabités

La première c’est la propulsion chimique actuelle. Même si ce n’était pas l’objectif principal, les sondes Voyager 1 et 2, lancées en 1977, sont en route vers l’espace interstellaire mais il faudra des dizaines voire des centaines de milliers d’années avant qu’elles n’atteignent une autre étoile. Ceci dit, apparemment dans 40 000 ans, Voyager 1 passera à 1,6 AL de l’étoile de la constellation de Camelopardalis. Si proche …

Bon autant dire tout de suite que l’intérêt d’attendre des milliers d’années est très faible. Il est plus facile d’obtenir des financements si l’on sait que des résultats arriveront au cours de sa vie. C’est pourquoi en 2016, le milliardaire russe Yuri Milner, Stephen Hawking et Mark Zuckerberg ont lancé le projet Breakthrough Starshot qui propose d’envoyer mille minuscules engins spatiaux (à l’échelle du centimètre) en orbite terrestre. Ensuite, un réseau de lasers au sol concentre un faisceau lumineux sur les voiles solaires des sondes pour les accélérer une par une jusqu’à la vitesse cible en 10 minutes.

Pour aller encore plus vite, des nano-engins spatiaux à vitesse proche de la lumière pourraient être possibles, construits sur la technologie de puces électroniques existante avec un propulseur nanométrique. Des chercheurs de l’Université du Michigan développent des propulseurs utilisant des particules chargées. Leur technologie est appelée “propulseur d’extraction de champ de nanoparticules”, ou nanoFET.

Les voyages habités lents

Bon, tout ça c’est bien beau mais ce qui nous intéresse le plus, c’est d’envoyer des humains en chair et en os. Ou à la limite juste le matériel génétique. Et oui, un voyage interstellaire robotique transportant des embryons humains congelés à un stade précoce est une possibilité théorique de la catégorie des missions habités lentes. Cette méthode d’expansion spatiale nécessite, entre autres, le développement d’un utérus artificiel et des avancées dans le domaine des robots entièrement autonomes et des intelligences artificielles éducatives qui remplacent les parents humains. Pour faire simple, le scénario de la série Raised by wolves. Éthiquement discutable c’est le moins qu’on puisse dire. Je vois cette option en cas où nous sommes au bord de l’extinction et décidons de disperser le futur de l’humanité dans la galaxie. Une sorte de canot de sauvetage de dernier recours avec chance de succès proche de zéro.

Pareil pour l’autre méthode théorique des missions habités lentes appelé vaisseau générationnel ou arche interstellaire. Il s’agit de construire un vaisseau spatial gigantesque possédant son propre écosystème. Il servirait d’habitat pour des centaines voire milliers de passagers et leur descendant au cours d’un voyage qui prendrait plusieurs dizaines de milliers d’années si la propulsion n’est pas significativement meilleure que ce que l’on sait faire aujourd’hui.

Alors une des grosses interrogations vis à vis des voyages habités lents c’est ce que le physicien Robert L. Forward a appelé wait calculation, littéralement le calcul de l’attente. Selon lui, une mission habitée interstellaire qui ne peut pas être achevée en 50 ans ne devrait pas être lancée. Car si l’on postule que la civilisation à l’origine du lancement continue de faire des progrès dans la propulsion, alors elle pourrait tout simplement construire des meilleurs vaisseaux, disons 2000 après le lancement du vaisseau générationnel, et ces derniers arriveront à destination bien avant puisque voyageant plus vite. Imaginez, après des centaines de générations, de sacrifices, de catastrophes et de souffrances, vous faites partie de celle qui arrive sur l’exo-planète. Le sas s’ouvre et … une civilisation florissante d’ex-Terrien vous salue. Un peu les boules quand même ! On a exploré plus en détail le concept de vaisseau générationnel dans cette vidéo.

Un dérivé du vaisseau générationnel c’est ce que j’appelle le vaisseau d’amortel. En gros, si on extrapole les tendances en médecine et génie génétique, on envisage la réelle possibilité que le vieillissement biologique pourrait être aboli. Ainsi, nos descendants pourraient avoir des durée de vie indéfinie, cela ne veut pas dire immortel mais sans limite fixe. Comme certains organismes aujourd’hui. Dès lors, certains pourraient prendre part à de très long voyages spatiaux, sans la nécessité de renouveler les générations, ou alors à plus faible mesure.

Et enfin dernière méthode théorique d’un voyage habité lent c’est la biostase ou l’animation suspendue. De drôles de termes pour décrire un état similaire à l’hibernation où les fonctions vitales de l’organisme sont extrêmement lentes voire arrêtées. Ce qui permet de survivre le voyage de milliers d’années dans ce qui est appelé un sleeper ship, vaisseau dormant. Très présent dans la Science Fiction, l’animation suspendue peut également être utile pour réduire la consommation de ressources du système de survie.

Certaines de ces méthodes sont en principe mutuellement exclusives. S’il s’avère que c’est possible de mettre un humain en biostase, alors envoyer des vaisseaux dormants est beaucoup plus logique que des vaisseaux générationnels. Aussi bien d’un point de vue d’ingénierie, de ressource mais également éthique.

Les voyages habités rapides

Maintenant, voyons la dernière catégorie de voyage interstellaire. C’est celle qui comprend les missions habités rapides. Clairement, nous ne visiterons pas d’autres étoiles avec la propulsion chimique de nos fusées actuelles. Il nous faut nous rapprocher le plus possible de la vitesse de la lumière, tout en respectant bien entendu les lois de la physique tel qu’on les connaît. L’idée est typiquement de voyager à au moins 10% de la vitesse de la lumière pour atteindre l’étoile la plus proche dans un délai plus court que la durée de vie de l’équipage.

La propulsion nucléaire

La première option possible serait d’utiliser la propulsion nucléaire. Car lorsque vous séparez un atome d’uranium en le bombardant avec un neutron, il émet une énorme quantité d’énergie par rapport à n’importe quelle réaction chimique : 1 kilogramme de carburant U-235 peut libérer l’équivalent énergétique d’un facteur ~1000 fois plus efficace que les carburants à base de produits chimiques.

Alors à priori ça peut faire peur vu le halo symbolique du nucléaire avec les accidents de centrales (qui sont très rares), et la menace des armes nucléaires. Du coup l’idée d’être assis à quelques centimètres d’explosion nucléaire est difficile à vendre. En effet, la propulsion nucléaire pulsée est une méthode hypothétique qui utilise des explosions nucléaires pour la poussée de la fusée. Donc pour faire simple, la fusée est propulsée par les ondes de choc d’explosion nucléaire à répétition. C’est comme si elle surfait sur les ondes de choc.

Bien qu’apparemment complètement folle, cette approche permettrait en théorie d’atteindre 10% de la vitesse de la lumière. Et elle a été sérieusement considérée par certains scientifiques du projet Manhattan dans les années 50 avec le projet Orion. Comme on peut le voir sur cette vidéo, ils ont même pu faire des tests, sans bombe nucléaire par contre. L’engouement n’a pas duré très longtemps et les fonds ont principalement migré vers un certain projet Apollo.

Mais quand on parle de nucléaire, n’oublions pas la fusion qui dégage bien plus d’énergie que la fission. Si on veut se déplacer vers les étoiles, il nous faudra peut-être utiliser l’énergie des étoiles. Poétique n’est ce pas ?

Des études de faisabilité comprennent le projet Daedalus, réalisé par la British Interplanetary Society entre 1973 et 1978, le projet Longshot, un projet étudiant parrainé par la NASA et l’US Naval Academy, achevé en 1988. les contraintes techniques pour utiliser ce type de propulsion dépassent notre niveau technologique de plusieurs ordres de grandeurs !

A noter également que nous ne savons encore pas faire de la fusion nucléaire contrôlée. Ça va venir mais c’est quand même une précision importante et nul doute que lorsque nous aurons une maîtrise suffisante de cette technologie, elle servira tout d’abord à alimenter la civilisation, avant d’être utilisée comme source de propulsion.

Le collecteur Bussard

Mais on peut aller encore plus loin avec la fusion nucléaire. Un certain monsieur Bussard, nom tout droit sorti du cluedo, a conceptualisé en 1960 le Bussard Ramjet ou collecteur Bussard. Son idée est très intéressante. Étant donné que l’hydrogène est l’élément le plus abondant dans l’univers, et qu’il fait partie des ingrédients de la fusion nucléaire, pourquoi ne pas en collecter durant le voyage ! C’est un peu comme une voiture qui fait le plein en roulant ! Idée parfaite n’est ce pas ! Bon, cas classique du plus facile à dire qu’à faire et au fil des années, d’autres scientifiques ont révélé le collecteur Bussard comme très peu faisable en pratique.

Premier problème, c’est que bien qu’étant l’élément le plus abondant dans l’univers, les atomes d’hydrogène restent très rares dans l’espace interstellaire. 1 atome d’hydrogène par centimètre cube d’espace. C’est pourquoi le concept initial propose un champ électromagnétique de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre à l’avant du vaisseau, espérant capter le plus d’atome d’hydrogène possible.

Mais créer un champ magnétique aussi gigantesque nécessite des aimants d’une puissance incroyable. Il faudrait également ioniser les atomes pour les charger électriquement sinon le champ électromagnétique ne sert à rien. Et il n’est pas clair comment l’hydrogène sera utilisé comme combustible si les atomes arrivent à des vitesses relativistes. Bref, d’un point de vue ingénierie, c’est du costaud !

Des alternatives ont été proposées pour contourner certains problèmes comme le Ram Augmented Interstellar Rocket (RAIR) qui transporte sa propre réserve de carburant pour la fusion et utilise l’hydrogène capturé pour augmenter la performance du vaisseau.

L’antimatière

Et pour finir, il n’y a rien de connu qui ait un meilleur rapport de conversion matière en énergie que l’antimatière. 1G d’antimatière produit environ l’équivalent énergétique de Fat Man, la bombe ayant détruit Hiroshima en 1945. Le tout petit problème c’est que l’antimatière n’est pas quelque chose que l’on trouve à tous les coins de rues. Depuis les premiers instants après la big bang, toute l’antimatière a disparu. Il faut donc en fabriquer et, on sait faire. Mais le processus coûte très très cher. Il faut un accélérateur de particules. Le genre de structure qui, de base, nécessite des milliards à construire. Ensuite, lorsqu’un antiproton est produit suite à la collision de particule, il faut pouvoir le stocker. Or l’antimatière ne peut pas toucher la matière sans être immédiatement annihilée ! Mais là aussi, même si c’est délicat, on sait faire. Le dernier problème c’est la quantité que l’on peut produire. Pour faire simple, des miettes. Ou plutôt des nano-miettes. L’équivalent de nano-gramme par an si on fait tourner un accélérateur de particules comme le LHC à plein temps juste pour ça. Donc construire un vaisseau qui utilise pour sa propulsion la substance la plus chère qu’on puisse jamais imaginer est tout de suite problématique.

Mais admettons que l’efficacité de la production d’antimatière soit améliorée par plusieurs ordre de grandeurs au cours des siècles prochains, plusieurs types de propulsion sont envisageables. Celles qui utilisent directement l’énergie de l’annihilation de l’antimatière, celles qui chauffent un fluide ensuite utilisé pour la propulsion, et celles qui utilisent l’antimatière pour produire de l’électricité pour une certaine forme de propulsion spatial électrique.

L’antimatière peut nous permettre d’atteindre jusqu’à 50% de la vitesse de la lumière pour un voyage vers Proxima du Centaure en maximum 10 ans.

Pas pour demain

Alors quand peut-on espérer voir d’autres systèmes solaires ? L’astrophysicien français Roland Lehoucq suppose qu’une mission interstellaire ne fait sens que si elle coûte aux alentours d’un pourcent du budget énergétique annuel de la civilisation humaine. En tous cas, hors crise existentiel ou la survie de l’humanité en dépend. Or, les vaisseaux reposant sur la fusion nucléaire ou l’antimatière par exemple, représentent des centaines de fois plus d’énergie que l’on utilise par an. Faudrait faire le calcul si quelqu’un est à l’aise avec les équations ! Il faudrait donc multiplier par au moins 100 la production énergétique de l’humanité avant de considérer des missions du type Daedalus. La dernière fois que l’humanité a fait un tel bond fut lors du passage entre l’ère préindustrielle et industrielle. Il nous faut donc attendre la prochaine révolution industrielle. On peut supposer que si on maîtrise la fusion nucléaire contrôlée à grande échelle pour alimenter notre civilisation, ce sera peut être suffisant et on aura la motivation d’utiliser 1% pour une mission interstellaire. Ce sera peut être dans 200, 300 ans ou plus mais probablement pas durant le 21e siècle. Tout ça c’est approximatif mais on voit bien que le cœur du problème est énergétique. La physique nous dit que c’est possible de faire un vaisseau à antimatière. En regardant le cahier des charges, les ingénieurs sont capables de penser ce type de propulsion, mais ils nous disent que l’énergie nécessaire dépasse des centaines de fois ce qu’on sait produire aujourd’hui. Merci au revoir, repassez le siècle prochain.

Un dernier point important à prendre en compte lorsque l’on envisage les voyages interstellaires, c’est qu’en atteignant des fractions significatives de la vitesse de la lumière, le moindre objet se transforme en projectile dévastateurs. Un grain de poussière cosmique qui percute le vaisseau va générer une énergie cinétique énorme. Il y a donc tout un ensemble d’alliages de protections à concevoir qui repose sur des progrès dans la science des matériaux.

Aussi capillotracté que soient les propositions que nous avons listé, elles reposent toutes sur les lois de la physique que l’on connaît. Ce qui nous manque vraiment pour les voyages interstellaires ce n’est pas une nouvelle physique. Ce qui nous manque ce sont les technologies, qui dépassent de loin ce dont nous sommes capables aujourd’hui. Et peut-être que nous ne les aurons jamais. C’est donc plus un problème d’ingénierie que physique.

Mais il est important de garder à l’esprit que ce n’est pas parce que nous n’avons pas les technologies pour faire quelque chose, que c’est impossible. Après tout, l’équation qui sert à envoyer des fusées dans l’espace a été formulée par le scientifique Russe Konstantin Tsiolkovsky en 1903, à une époque où c’était au mieux, de la fantaisie. Mais il connaissait la chimie et la physique, ce qui lui a permis d’anticiper ce qui pourrait exister plus de 50 ans dans le futur. C’est ce qui a de bien avec l’ingénierie exploratoire. Ainsi, est ce qu’on peut vraiment affirmer qu’un vaisseau du type Daedalus ne sera pas faisable en 2358 ? Non. On a vu un ensemble de possibilités plus ou moins pratique et ce que je retiens surtout, c’est l’ingéniosité et la créativité des physiciens et ingénieurs lorsqu’ils se penchent sur la question en gardant comme base les lois de la physique.

Et quand on pousse le curseur encore plus loin dans le futur, on entre dans le territoire des civilisations de type 2, mégastructure et de la loi d’Arthur C.Clarke “Une technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie”.

Alors je sais que de nombreuses personnes vont m’interpeller dans les commentaires : Tu as l’esprit fermé ! Pourquoi se cantonner aux lois de la physique d’aujourd’hui, on est loin de tout savoir !

Et oui, vous avez raison. Mais il me semble plus logique de regarder tout d’abord ce que l’on peut faire avec les lois de la physique que l’on connaît aujourd’hui, avant d’ouvrir la porte à la catégorie contenant les “On ne sait pas que l’on ne sait pas”. C’est -à -dire des potentielles révolutions en physique fondamentales qui nous font complètement changer de paradigme. Comme on dit, lorsqu’on perd ses clés de voiture en pleine nuit, il vaut mieux commencer par les chercher sous le lampadaire.

Les projets à la frontière de la physique

Si on s’éloigne du lampadaire, on trouve en effet des projets qui reposent sur des lois physiques spéculatives, à la limite de nos connaissances voire complètement hypothétiques. Et il est intéressant de noter que la NASA a activement investi dans cette voie. Le Breakthrough Propulsion Physics Project (BPP) était un projet de recherche financé par la NASA de 1996 à 2002 pour étudier diverses méthodes de propulsion d’engins spatiaux qui nécessiteraient des percées en physique avant de pouvoir être réalisées.

Le premier est un concept qui fait tête d’affiche en Science Fiction. Les trous de ver ou pont Einstein-Rosen. Sur le papier, c’est basé sur une solution spéciale des équations de champ d’Einstein qui permet non pas de voyager plus vite que la lumière, mais de relier deux points de l’espace. Donc ça permet de contourner le concept de distance en quelque sorte. Belle astuce ! En pratique, il semble qu’il faudrait une matière exotique de masse négative pour maintenir un trou de ver suffisamment longtemps pour permettre le passage d’un vaisseau. Or toute matière connue a une masse positive. Petit bémol ! Il y a également la plausibilité des voyages dans le temps. Ce qui pose également tout son lot de problèmes à coup de paradoxe et violation de la causalité. Mais je ne fais pas honneur au concept des trous de ver ici puisqu’il existe de nombreuses déclinaisons et cela mériterait une vidéo dédiée.

Ensuite on trouve le concept de propulsion Alcubierre proposé par le physicien du même nom. Appelé également warp drive. Pour le dire simplement, cette méthode consiste à étirer le tissu de l’espace-temps dans une sorte de vague qui, en théorie, provoquerait la contraction de l’espace devant un objet tandis que l’espace derrière lui se dilaterait. Un vaisseau spatial à l’intérieur de cette vague serait alors capable de vitesses supraluminiques, du point de vue de ce qui se trouve à l’extérieur. Il y a juste un problème. Là encore, cela ne fonctionne que si on utilise une sorte de matière exotique de masse négative. Même Alcubierre a déclaré que l’idée ne fonctionnerait probablement pas en pratique. Récemment, une équipe associée à la startup Applied Physics ont publié un article suggérant que certains ajustements sur l’engin d’Alcubierre pourraient le rendre possible – sans avoir besoin d’énergie négative. Donc sait-on jamais.

Ces deux concepts de voyages sont les plus connus lorsqu’on envisage la physique spéculative. L’énergie du vide quantique revient également souvent, le EmDrive, l’effet casimir, la propulsion à base de trou noir, d’énergie noir, de matière noir et tout ce qui dépasse l’horizon de nos connaissances. Le physicien Michio Kaku a même proposé qu’en numérisant son esprit, on pourrait théoriquement l’envoyer sous forme de paquet d’information sur des faisceaux lasers. Ce qui permettrait de créer des autoroutes interstellaires pour des consciences digital voyageant à la vitesse de la lumière. Spéculatif ? oui juste un peu !

Pour conclure, les voyages interstellaires rapides et habités se heurtent à des contraintes qui les rendent improbables jusqu’à un certain seuil technologique, en grande partie lié à la quantité d’énergie disponible. Ce qui nous rapproche du concept d’échelle de Kardashev qui est une classification de civilisation technologique basée sur leur utilisation énergétique. Si on représente un arbre technologique, similaire à ceux qu’on trouve dans les jeux de gestion/stratégie, alors le voyage interstellaire est déverrouillé lorsqu’une civilisation atteint le stade type 1 ou type 2. Vision simpliste mais qui aide à établir une feuille de route.

Je souhaite terminer cet épisode par mentionner un certain biais cognitif lorsqu’on réfléchit aux voyages interstellaires. C’est évident que l’on aimerait bien pouvoir voyager à l’autre bout de la galaxie en autant de temps qu’il faut pour faire bouillir la théière. On comprend bien pourquoi un auteur qui souhaite raconter les péripéties d’un groupe d’individus entre différentes planètes va chercher à contourner le problème des distances. C’est pas terrible si Dark Vador met 10 000 ans pour atteindre Coruscant ! Donc un petit coup de propulsion hyperspatial et c’est réglé. Or beaucoup d’entre nous ont été introduit à l’espace, la science, l’univers par Star Wars, Star Trek, Mass Effect, les romans d’Asimov et Frank Herbert. Ensuite, on en apprend plus sur les lois de la physique et surtout cette satané constante de la vitesse de la lumière et l’improbabilité de voir des voyages aussi cool que ceux présents dans la science-fiction. C’est normal d’être un peu frustré voir déçu. Donc le biais cognitif se manifeste avec une envie accru d’y croire. Comme dans X-files, I want to believe.

C’est finalement assez proche des réflexions autours du paradoxe de fermi et des civilisations extra-terrestre. Pour beaucoup, ce serait cool si il existait une confédération des planètes galactique attendant sagement que l’on passe un rite de passage. Ce serait moins cool si on était seul. Mais la coolitude n’est pas un argument qui pèse très lourd. En tous cas, pas autant que les lois de la physique.

D’ailleurs, la difficulté des voyages interstellaires est une des solutions du paradoxe de Fermi. Si les civilisations extraterrestres se répandent lentement dans la galaxie avant leur extinction, alors c’est logique de ne pas avoir de trace de leur existence.

Mais là, j’ouvre la porte à un énorme sujet et cet article est déjà suffisamment long donc on verra ça une autre fois.

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  1. Embuscade 15 novembre 2021 at 1 h 09 min - Reply

    y as t’il un vocal ?

    • Gaëtan Selle 17 novembre 2021 at 7 h 53 min - Reply

      Oui, en haut de l’article, clique sur la video 😉

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