Que la lumière soit !

Tout public Fiction • Temps de lecture : 4 minutes
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13h43. Une lumière verte vient de s’allumer dans la grande salle. Elle est à l’heure malgré son retard périodique habituel. Elle vient de loin, de très loin. Elle est attendue par certains, redoutée par d’autres, on ne sait jamais vraiment ce qu’elle est prête à dévoiler. Les Seconds font souvent mine de l’ignorer mais sont rattrapés par leur curiosité. Il faut dire que chaque nouveau sujet de discussion est bon à prendre ici. Olga se tient debout, prête à retranscrire les nouvelles hebdomadaires provenant de la Terre, envoyées il y a bientôt 6 ans maintenant. Nous ne sommes pas très nombreux aujourd’hui autour du poste de communication. Je fais figure d’intrus parmi les quelques Pionniers présents. Il est vrai que les nouvelles sont généralement loin de susciter l’engouement collectif.

La voix grave d’Olga rompit soudain le silence.

« Ca y est » s’exclama-t-elle avant de se racler profondément la gorge.

« Message 1211 du 12 août 2070 à 10:00. Délai de transmission estimé : 5,82 ans. Lancement de la navette Red World II prévu pour le mois d’Octobre. L’enthousiasme de la population est encore plus palpable que lors de la première mission. Ici nous avons peur d’un nouvel échec et nous trouvons toujours le projet inadapté aux conditions humaines. Je vous ai joint les détails techniques de la mission si vous souhaitez y jeter un oeil. La situation politique en Europe n’a pas évoluée malgré les révoltes qui se sont intensifiées cette semaine. Grâce à cette agitation grandissante, nos voisins européens nous laissent un peu tranquille et nous espérons passer l’été sans trop de problèmes. Nous attendons l’hiver avec impatience.»

Les discussions reprirent en chuchotant et on pouvait rapidement comprendre l’exaspération générale rien qu’en voyant les visages de certains membres tomber lourdement de leurs épaules. Tous espéraient un appui technologique pour notre mission, mais les regards désespérés des terriens se tournaient vers une colonisation improbable la planète rouge.

En tâtant la poche droite de mon pantalon, je me souvins d’une de mes tâches de la journée. La diode électroluminescente que j’avais recyclée tout à l’heure n’attendait plus qu’à être changée. Elle paraissait à nouveau toute neuve, prête à éclairer les nombreuses heures de réflexion de Pépin. Après avoir traversé la grande salle commune, je frappa à la porte du poste de pilotage. Personne ne répondit. Olga était encore occupée à discuter du message de la Terre dans la salle commune, mais je n’avais pas vu où s’était éclipsé Pépin. J’ouvris donc la porte et je me rendis vers une grande table ronde au milieu de la pièce, qui n’était ni plus ni moins que le bureau de nos deux pilotes. Des écrans incrustés dans la table semblaient dérouler des suites de chiffres aléatoires. Tous ces algorithmes mathématiques ne me passionnaient pas vraiment. Le remplacement de la diode était une tâche relativement simple. Je n’avais qu’à dévisser la protection plastique et remettre le nouveau composant à sa place. Comme avant toute manipulation électrique, je devais suivre le protocole scrupuleusement pour assurer la sécurité de l’opération. Chaque intervention nécessitait la validation d’un agent de sécurité. En effet, le moindre petit incident pouvait se révéler fatal pour soi-même, et dans le pire des cas, pour toute l’équipe du vaisseau. Depuis presque 1 an, j’étais en charge des petits travaux de maintenance. Je n’avais pas vraiment eu le choix de cette affectation du fait de la mort de deux de nos agents de maintenance lors d’un exercice de routine à l’extérieur du vaisseau. Malgré mes 12 ans, il fallu que je prenne en charge une partie des opérations, et on me confia les petits travaux. A vrai dire, ce n’était pas pour me déplaire, je faisais concrètement partie de l’équipe, et je savais me rendre utile. J’étais bien mieux ici qu’à m’occuper des tâches ménagères laissées aux plus jeunes.

Un bruit derrière moi me fît sortir de mes pensées et la porte s’ouvrit. Pépin esquissa un léger sourire quand il me vit à côté de son bureau.

C’était une des rares fois que je me retrouvais seul avec lui, notre vaisseau est si petit que les moments intimes sont rares. Il semblait également content d’avoir un moment avec moi.

« Ah Oli, tu es là! » s’exclama-t-il.

« Tu sais, je suis vraiment content que tu te sois intégré si facilement dans l’équipe. Avec la mort de ton père, je sais que tout ça n’a pas été facile pour toi. Tu as adopté le bon comportement pour faire face à la situation, et j’ai l’impression de voir tes parents. Tu es un combattant, tu donnes l’impression de pouvoir faire face à toutes les épreuves. »

Il me prie de m’assoir et en fit de même.

« Tu sais, avant ta naissance, quand tes parents ont décidé de te garder, ça a eu un gros impact sur nous tous. Naître naturellement dans ce vaisseau était clairement interdit, et nous étions tous d’accord avec cette règle avant notre départ. Nous ne pouvons pas survivre ensemble si nous n’utilisons pas des gênes d’autres terriens pour les générations à venir. Malgré le risque que représentait un accouchement naturel, tes parents se sont mis une bonne partie de l’équipe à dos pendant quelques temps en voulant te garder. Je dois t’avouer que je regrette d’avoir été si désagréable avec ton père et d’avoir ruiné notre amitié car je n’approuvais pas son choix. Laisse moi te dire que je suis vraiment content que tu sois parmi nous, et je suis convaincu que tu pourrais prendre ma place dans quelques années si tu le souhaites. On en reparlera en temps voulu. »

J’approuva de la tête en acquiesçant un sourire jusqu’aux oreilles. Bien que le travail de Pépin ne m’attirait pas le moins du monde, ces paroles remplies de sincérité me touchaient droit au coeur. Je savais que le voyage vers notre future Terre devait encore prendre plusieurs dizaines d’années. Les Pionniers, ceux qui formait la première génération dans le vaisseau, s’étaient engouffrés dans une aventure dont ils ne verraient pas la fin, comme dans un tunnel sans sortie. Ils l’avaient fait pour la survie de l’Humanité, et pour quitter l’enfer qui régnait sur Terre.

Seul mon père avait osé me parler de la Terre et décrire d’où il venait. Il répétait qu’il adorait observer les rayons du soleil perçant les nuages sur Terre. C’était ce qui lui manquait le plus ici. Il adorait faire des photos du ciel, son ordinateur en était rempli. Pour moi qui n’ai connu que la pénombre de l’Espace, j’ai bien du mal d’imaginer une source de lumière infinie venant rythmer la vie des Terriens. J’espère avoir un jour la chance d’observer tout ça de propres yeux. Mais à présent, il était temps de me remettre au travail et de remplacer la diode. Je n’avais plus qu’à appeler la maintenance pour sécuriser l’opération. Que la lumière soit !

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  1. Thomas 1 octobre 2016 at 16 h 27 min - Reply

    Le thème du voyage vers une autre Terre, sa durée et les générations qui s’y succèdent, me rappelle le Papillon des Étoiles, de Bernard Werber 🙂
    Mais la perception d’un enfant qui ne connait de la vie que l’intérieur d’un vaisseau est intéressante à exploiter…

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