Matrix : équilibre entre philosophie occidentale et orientale

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Matrix : équilibre entre philosophie occidentale et orientale
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La saga “Matrix” reste à ce jour une oeuvre cinématographique unique par sa tentative de diffuser de profonds messages philosophiques dans une trilogie hollywoodienne qui a cartonné au cinéma. Ayant révolutionné le style des scènes d’action, les combats et les effets spéciaux (avec le Bullet Time), les films Matrix ont également généré un véritable ouragan dans la culture populaire. Le premier film, sorti en 1999, a changé la face du cinéma en proposant un style visuel unique qui a depuis été copié de nombreuses fois. Acclamé par le public et la critique (4 oscars), il a logiquement été suivi par 2 suites “Matrix reloaded” et “Matrix revolutions”. Ces derniers ont reçu un accueil bien plus mitigé avec au cœur des critiques : un jeu d’acteur limite (Désolé Keanu Reeves :/), des scènes compliquées et des dialogues clichés.

Mais peu importe les faiblesses de la trilogie, il faut saluer l’audace des auteurs. Les Wachowskis ont cherché à éveiller l’esprit des spectateurs à une plénitude de philosophies, tout en les divertissants avec de l’action, du Kung Fu et des concepts SF !!! Et ça, ben c’est très fort !

Le premier film est principalement une interprétation moderne de l’allégorie de la caverne écrite par Platon. Le philosophe Grec imagine des personnes ayant passé toute leur vie dans une caverne. Ils sont enchaînés face un mur et tournent le dos à l’entrée principale où la lumière du jour pénètre légèrement à l’intérieur. Ils ne connaissent donc que cet environnement ainsi que les ombres projetées sur les murs de leur caverne. Ils n’ont jamais vu ce qui se trouve à l’extérieur et pense donc que la réalité ne se trouve que dans cette caverne. C’est l’idée maîtresse du premier “Matrix” : Comment savoir ce que notre réalité est vraiment ? La Matrice représente la caverne et le monde réel … et bien le monde réel. Et beaucoup de gens pensent que le parallèle avec cette expérience de pensée s’arrête là. Et donc que les suites n’apportent rien de nouveau.

Mais Platon va plus loin en se demandant ce qui se passe lorsqu’un de ces prisonniers est libéré de la caverne et conduit à l’extérieur. Il se trouve donc face à la lumière du soleil. La vraie source de lumière. C’est l’analogie du soleil. Pour Platon, le soleil est une métaphore de la nature de la réalité et du savoir qui la concerne. La lumière est la source de la Vérité, de la compréhension de la réalité, de l’illumination.

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Pour Néo, sortir de la caverne, se débrancher de la matrice est donc la première étape vers la Gnose (du grec gnôsis : connaissance) qui mène elle même à l’illumination (Concept oriental). Mais le monde réel est lui aussi une autre “caverne” d’une certaine façon. Les Hommes ont obscurci le ciel lors de leur guerre contre les machines. Ils sont donc privés de la lumière du soleil, autrement dit de la connaissance. Je pense personnellement que le monde réel est une deuxième Matrice conçue par les machines pour placer les rebelles ayant rejeté la première (à débattre dans un autre article). Mais que ce soit le cas ou non, l’humanité reste privée du soleil donc d’un point de vue métaphorique, de la connaissance. Néo n’atteint pas l’illumination à la fin du premier film contrairement à ce qu’on pourrait croire lorsqu’il devient l’élu. Certes, il atteint un stade de conscience supérieur et améliore ses capacités, mais il ne devient pas un Bouddha (Éveillé), mais plutôt un Messie ou un sauveur. Et il va s’en rendre compte à travers son voyage dans “Matrix Reloaded” et “Matrix Revolutions”. Là où le premier film explore majoritairement l’épistémologie (la théorie de la connaissance) autrement dit, une philosophie plutôt occidentale (Platon, Descartes, Baudrillard), ainsi que des références à la religion Chrétienne (Neo = Messie = Jésus), les deux suites de la trilogie se tournent bien plus volontiers vers l’orient. (Même si le premier contient tout de même des références orientales).

Un concept largement répandu dans l’Hindouisme et le Bouddhisme est celui du Samsara : Le cycle des existences soumises à la souffrance, à l’attachement et à l’ignorance. Chaque être ayant atteint la fin de sa vie renaît sous une autre forme. La seule façon de sortir de ce cycle de souffrance est à travers une quête spirituelle pour atteindre l’illumination, appelée le Nirvana. Le deuxième film de la saga nous apprend justement que la Matrice est cyclique et qu’elle en est à la version 6. Néo n’est donc pas réellement libéré, il n’est pas un Bouddha (Éveillé), car il comprend la nature cyclique de la Matrice et de Sion. Chaque version a vu l’émergence d’une anomalie sous la forme de l’élu. Son rôle est de retourner à la source, rebooter la Matrice pour éviter un crash du système ce qui anéantirait la race humaine. Les 5 élus précédents ont tous choisi de sauver Sion. Ils ont tous rempli leur fonction, leur programmation. Les élus ne sont finalement pas bien différents des programmes. Telles des marionnettes contrôlées par les machines dans le but de répéter le cycle de la souffrance (Samsara). Neo n’est donc apparemment qu’un pion. Mais la sixième Matrice n’est pas n’importe quelle version. Quelque chose d’unique est apparu : L’AMOUR. Néo est prêt à sacrifier la race humaine pour sauver celle qui l’aime : Trinity. Donc il choisit de ne pas rebooter la Matrice, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. Mais Néo aime Trinity d’un amour empreint d’attachement. L’attachement ne permet pas l’illumination, car il renvoie à la peur de perdre l’autre, autrement dit à la souffrance. Alors oui, il la sauve dans le deuxième volet, mais il ne peut rien faire dans “Matrix Revolutions”.

Le chemin de Néo requiert des sacrifices. Il doit lâcher prise et accepter la perte de Trinity pour affronter son ultime challenge : Smith. Néo n’est donc toujours pas Éveillé et cherche l’illumination, la fin du cycle pour lui et l’humanité. Mais il n’est pas le seul. Son opposé cherche à sortir du cycle également. L’agent Smith révèle, lors de la scène où il interroge Morpheus, a quel point il en à ras le bol de la Matrice. Il souhaite obtenir les codes de Sion pour se libérer. Dans les suites, il devient une sorte de virus et finit par infecter la Matrice tout entière. Il menace même le monde réel (ou la Matrice bis :)). Il pense que la solution pour mettre fin au cycle est tout simplement de détruire les deux mondes alors que Néo se bat pour les sauver. Ces deux personnages sont une métaphore du Ying et Yang. Un autre concept philosophique oriental.

Lors du combat final entre les deux polarités opposées, aucun ne prend réellement le dessus jusqu’à ce que Néo réalise l’ultime sacrifice qu’il doit faire : Mourir. C’est une idée très courante aussi bien en occident qu’en orient. Dans le Christianisme, il faut mourir pour que le Saint-Esprit ressuscite. Dans le Bouddhisme, il faut se séparer de l’Ego (le tuer) pour obtenir l’Éveil et ne faire qu’un avec le TOUT. En laissant Smith le tuer, Néo se réunit avec le Saint-Esprit, atteint l’illumination, ne devient qu’UN avec le TOUT ou dans le film, la SOURCE. Ce qui permet la fin du cycle de la Matrice (Samsara) et offre la paix à l’humanité et aux machines. Le rôle de l’élu est de se rendre à la source. Mais cela a deux interprétations dans la saga. Celle de l’Architecte, qui est de disperser le code de l’élu ce qui reboot la Matrice, instaurant un nouveau cycle. Et celle de l’Oracle, qui est de refuser le reboot pour continuer son chemin vers l’illumination.

On apprend lors de la dernière scène que l’Oracle a joué un rôle crucial dans la fin au cycle. Elle a “orienté” Trinity et Neo a tombé amoureux. Un jeu dangereux qui a bien failli détruire les deux mondes comme le mentionne l’Architecte. Elle souhaitait que Neo privilégie Trinity pour empêcher la mise en place d’un nouveau cycle afin d’offrir une autre possibilité : La paix.

Toutes ces idées ne sont qu’une sélection des nombreuses autres allusions présentes dans la trilogie : L’expérience de pensée de Robert Moses, Alice au pays des merveilles, le Malin génie de Descartes, Kant, Hume. Elle propose une réflexion sur la causalité, le libre arbitre, le contrôle et l’emprise de la société. Il faudrait bien plus qu’un article pour toute explorer et on en fera surement d’autres sur la saga Matrix. Ces trois films ont beau avoir des défauts d’écritures, de performances ou des effets spéciaux qui ont bien vieilli (surtout dans Matrix Reloaded), mais je ne peux qu’admirer les Washowskis d’avoir, ne serait-ce que tenter, de faire ce qui n’avait jamais été entrepris auparavant dans le paysage cinématographique hollywoodien. Peu de films tentent d’ouvrir la conscience des spectateurs en parlant des grandes dimensions de l’existence humaine. En se basant sur les grandes traditions d’il y a 2000 à 3000 ans pour créer une mythologie moderne qui résonnera à travers les époques (Tout comme Star Wars). Le simple fait qu’ils se sont assis à une table, stylo à la main, avec cette folle ambition est suffisamment dingue pour placer ces films dans une catégorie unique ! Ce n’est pas “juste” de la Science Fiction. C’est … “Matrix” !

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