Comment les auteurs de science fiction modèlent notre futur ?

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Comment les auteurs de science fiction modèlent notre futur ?
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Les histoires de Science Fiction sont souvent jugés, après des décennies, comme soit véridique ou totalement à coté de la plaque. “Où sont les voitures volantes ?” pouvait on se demander lors du passage au 2ème millénaire, révélant l’échec de la science et des technologies à faire vivre les plus excitantes promesses de la Science Fiction du début du 20ème siècle.

Mais le but de la Science Fiction n’est pas de prédire le futur. Il s’agit plutôt de contempler les futurs possibles. Les auteurs trouvent l’avenir si passionnant, précisément car il reste inconnu. Un endroit où “tout peut être raconté sans aucune crainte ou contradiction d’un contemporain” selon la romancière et poète Ursula K. Le Guin. “Le futur est un laboratoire sûr et stérile pour expérimenter des idées, un moyen de penser la réalité”.

Les auteurs qui entrent dans ce laboratoire font des expériences avec des futurs possibles imaginant où les tendance sociales et découvertes technologiques peuvent nous emmener. William Gibson (Inventeur du terme Cyber-espace) est célèbre pour ses histoires influentes, publiés dans les années 80, décrivant la vision d’une société globale hyper-connectée ou les hackers, cyber-guerres et les télé réalités violentes sont ancrés dans le quotidien. Pour d’autres auteurs, le futur sert avant tout de métaphore. “La main gauche de la nuit” de Le Guin datant de 1969 se déroule sur une planète peuplée d’hermaphrodites génétiquement modifiés. C’est une expérience de pensé essayant de montrer en quoi une société serait différente si elle était unisexe.

C’est bien parce que la Science Fiction couvre un spectre du possible au fantaisiste, que sa relation avec la science a toujours été à la fois amicale et litigieuse. Pour tous les auteurs qui examinent méticuleusement les derniers développements en physique ou informatique dans le but de raconter un futur “crédible”, il y a ceux qui inventent d’impossible technologies pour servir leurs intrigues (Comme l’outil de communication supraluminique inventé par Le Guin).

Mais parfois, ce sont les idées les plus délirantes qui deviennent réalité. Grâce, en partie, à la capacité qu’a la science fiction de créer une étincelle imaginative dans le cerveau d’un lecteur qui s’avère avoir les connaissance pour réaliser la vision en question. Jules Verne proposa l’idée d’un vaisseau spatial à propulsion solaire dans son roman de 1865 “De la Terre a la Lune”. Aujourd’hui, des chercheurs du monde entier travaillent sur des voiliers solaires.

Jordin Kare, un astrophysicien de la société LaserMotiv à Seattle, qui a réalisé de nombreux travaux sur les lasers, ascenseurs spatiaux et propulsion solaire à voile, ne cache pas les effets que la Science Fiction a eu sur sa vie et sa carrière. “Je me suis dirigé vers l’astrophysique parque j’étais très intéressé par le fonctionnement à grand échelle de l’univers, mais je me suis inscris à MIT (Massachusetts Institute of Technology) car le héros de “Le jeune homme et l’espace” (écrit par Robert Heinlein) a étudié à MIT. Certains des plus imminent chercheurs en science ont une connexion avec le monde de la Science Fiction.”

Microsoft, Google, Apple et d’autres entreprises ont sponsorisé des séries de lectures avec des auteurs de Science Fiction pour leurs employé et ensuite, organisés des rencontres avec le département “recherche et développement”. Mais ce qui démontre le mieux la relation entre la science fiction et la technologie aujourd’hui, c’est ce que l’on appel “Design Fiction” – Des travaux spéculatifs commissionnés par des entreprises pour évaluer une nouvelle idée. Certaines sociétés engagent même des auteurs pour écrire des “Et si ?”relatif à leurs produits sur des marchés potentiels.

“J’aime beaucoup le “Design fiction” ou “Prototyping fiction” raconte l’écrivain Cory Doctorow qui a eu pour client Disney et Tesco. “Il n’y a rien d’étrange à ce qu’une entreprise commissionne une histoire décrivant l’utilisation d’une technologie, pour savoir si cette même technologie vaut le coup de poursuivre son développement. C’est comme un architecte créant une visite virtuelle de son bâtiment.” Mais Doctorow, qui a travaillé dans le domaine des logiciels informatiques, avoue avoir vu tous les cas de figure. “J’ai pris part à des discussions pour se mettre dans la peau d’un consommateur utilisant le produit, et la fiction peut se trouver très loin de la réalité de l’expérience.”

Au début du 20ème siècle, les auteurs de Science Fiction avaient tendance à présenter une vision positive du futur où le progrès scientifique a rendu le monde meilleur. Au milieu du siècle, après deux guerres mondiales et l’invention de la bombe atomique, cette vision vira à 180. Les histoires devinrent sombre et la science perdit son statut héroïque.

Ce glissement vers des futurs dystopiques devint encore plus prononcés dans les récentes décennies. En partie en raison de la croyance que la plus part de la société n’a pas récolté les bénéfices des progrès technologiques. John Clute, co-auteur de “L’Encyclopédie de la Science Fiction” cite les paroles prophétiques de 1924 par Bertrand Russell “J’ai peur que la Science soit utiliser pour promouvoir le pouvoir d’un groupe dominant au lieu de favoriser le bonheur de l’Humanité. La vraie crainte aujourd’hui, est que le monde dans lequel nous vivons soit voulu par ceux qui en profite le plus.”

Kim Stanley Robinson, auteur de “La trilogie de Mars”, partage ses peurs et les voit se manifester dans le succès populaire de la saga “The Hunger Games” où une classe gouvernante d’élite organise des jeux violents dans le but de propager la peur et le désespoir au sein de rebelles potentiels et des citoyens appauvris. “La Science Fiction représente la vision du futur qu’on les gens aujourd’hui. C’est pourquoi les “ idées positives” étaient majoritaires dans les années 30, 40 et 50. Les gens pensaient que le futur seraient meilleur d’une manière ou d’une autre. Aujourd’hui, ce n’est plus le même sentiment. Les riches possèdent 9 dixième et forcent la population à se battre pour le reste. Si on refuse, nous sommes accusés de rejoindre une classe “rebelle” et sommes écrasés pour ça. Ils s’amusent avec nous pour leur plaisir et vivent dans une richesse ridicule pendant qu’on se bat entre nous. C’est ce que “The Hunger Game” incarne et donc le succès est logiquement au rendez vous.”

William Gibson, pour sa part, pense que diviser la Science Fiction en catégorie utopique ou dystopique revient ­à créer une dichotomie inutile. Bien que son roman cyberpunk de 1984 “Neuromencien” décrit un futur brut et sombre, il ne le considère pas comme pessimiste. “J’ai seulement voulu être naturel, j’imagine que je n’étais pas dystopique dans les années 80 car je décrivais un monde sortit intact de la guerre froide, ce qui semblait irréaliste pour beaucoup de personne à l’époque.”

La distinction entre utopie et dystopie repose souvent sur l’espoir qu’entretient un auteur de voir un futur meilleur. Robinson, par exemple, a toujours pris au sérieux des thématiques dystopiques comme la guerre nucléaire, les catastrophes naturelles et changement climatique. Il ne tombe cependant pas dans le désespoir en travaillant sur des solutions scientifiques détaillées et réalistes. Il considère d’ailleurs son travail comme utopiste.

Neal Stephenson (Auteur d’Anathem) en a assez de la dystopie. Il a lancé un appel à tous les auteurs leur demandant d’écrire des histoires où les futurs seraient plus optimistes. Stephenson, qui est aussi futurologue et consultant en technologie, souhaite de “Grandes idées” réalistes avec l’envie d’inspirer de jeunes scientifiques et ingénieurs pour offrir des solutions tangibles aux problèmes qui reste aujourd’hui insolubles. “Des personnes comme Kim Stanley Robinson, Greg et Jim Benford ont porté le flambeau de l’optimisme.” Il est d’accord pour dire que le cyberpunk inventé par Gibson “a rendu un grand service à la Science Fiction en soulevant de nouvelles questions mais ça a eu des répercussions inattendu dans les médias populaires. Quand vous parlez à un réalisateur aujourd’hui, beaucoup d’entre eux semblent bloqué 30 ans en arrière où rien n’est plus cool que “Blade Runner”. On doit vraiment s’éloigner de cette mentalité.”

En 2012, Stephenson devint partenaire avec le Center for Science and the Imagination (CSI) en Arizona pour créer le projet “Hieroglyph”, un outil internet qui apporte, dit t-il “un espace pour les écrivains, scientifiques, artistes et ingénieurs pour collaborer sur des visions créatives et ambitieuses de notre futur proche”. La première étape fut de publier une anthologie “Hieroglyph: Stories and Blueprints for a Better Future”. Le livre inclus des histoires d’écrivains connus mais également novices qui ont été encouragé de sortir de leur zone de confort.

Ces histoires parlent de problèmes complexes : Celle de Stephenson raconte la construction d’une tour d’acier de 24km, touchant la stratosphère qui permet de se passer de l’énorme quantité de carburant nécessaire au lancement de fusée. Madeline Ashby applique la mécanique du jeux vidéo pour gérer l’immigration aux USA et l’histoire de Cory Doctorow suggère d’utiliser l’impression 3D pour construire des structures sur la Lune.

Un défi sous-jacent à cette approche c’est que tous les problèmes ne mènent pas forcement vers des solutions tangibles. Sans parler du faible attrait en matière d’intrigue. “Les techno-optimistes sont partis du principe que l’énergie nucléaire peu cher allait résoudre tous nos problèmes vers la puissance de calcul illimité des ordinateurs allait résoudre tous nos problèmes.” selon Ted Chiang, qui a exploré la nature de l’intelligence dans “The Lifecycle of Software Objects” “Mais une fiction parlant d’incroyable capacité de calcul n’inspire pas de la même manière que l’ingénierie à grande échelle car les avancés en matière d’informatique reposent sur des découvertes plus abstraites et assez banal.

Au MIT Media Lab, les professeurs Sophia Brueckner et Dan Novy furent surpris lorsqu’ils ont découvert que la plus part des nouveaux étudiants n’avaient jamais lu de Science Fiction. “Je présume que c’est parce que ce sont des étudiants modèles venant de grandes écoles à qui ont a toujours dit que la Science Fiction n’est qu’une littérature pour les enfants, où que ça n’en valait pas la peine.” Novys ajoute “Ils ont dû travailler vraiment dur pour arriver où il sont. Ils n’ont peut être simplement pas eu le temps de lire cette littérature.

Brueckner and Novy ont lancé le cours “Science Fiction to Science Fabrication” avec un programme incluant histoires, films, romans et même jeux vidéos de Science Fiction. Les étudiants furent chargés de créer des prototypes créatifs et fonctionnels inspirés de références de Science Fiction et en prenant en compte le contexte social des technologies qu’ils mettaient au point. Pour un projet inspiré d’une scène du “Neuromancien” de Gibson, des étudiants ont construit un outil qui utilise électrodes et technologie sans fil permettant à un utilisateur, en bougeant sa main, de simuler les muscles chez une autre personne à distance, répétant ainsi, le même mouvement de la main. Ces jeunes ingénieurs ont suggéré une application pour leur prototype dans le milieu des thérapies physiques, aidant par exemple les victimes d’arrêt cardio-vasculaire à retrouver l’usage de leur membre. Mais il y a eu également de profondes discutions parmi les cours sur les implications éthiques de leurs technologies. En effet, dans le roman de Gibson, cette technologie de contrôle à distance est utilisé pour exploiter sexuellement des personnes.

Brueckner regrette que les chercheurs développant des projets basés sur des nouvelles technologies sont souvent peu familier à la Science Fiction. “Avec le développement de la biotechnologie et de l’ingénierie génétique, vous voyez des auteurs comme Margaret Atwood écrire des dystopies centrées sur ces technologies. Des auteurs ont exploré ces sujets pendant des décennies avec une précision et une profondeur telle que lire ces romans peut être aussi important que lire des publications scientifiques.

Le meilleur de la Science Fiction engendre une sorte de flexibilité de penser qui non seulement nous inspires, mais nous force à considérer la myriade de conséquence potentiel à nos actions. Samuel R. Delany, l’un des écrivains les plus diversifié du genre, le voit comme une contre-mesure face aux bouleversements que le futur va apporter et qui deviendra de plus en plus prononcé au fil du temps. “La variété des mondes de la Science Fiction, nous accoutumes, à travers l’imagination, à entraîner nos esprits pour penser aux changements actuels, parfois catastrophiques, souvent perturbants, que le monde réel déverse sur nous, année après année.

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